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Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI
Figure incontournable du théâtre d’aujourd’hui dont nombre de créations en ont enrichi le paysage, Philippe Adrien est de ceux qui défient tout à la fois les balises et le temps. Quelque soixante-quinze spectacles après La Baye, qu’en 1967 il signait comme auteur et le révélait au public, l’auteur, metteur en scène doublé du pédagogue ne lâche rien de ses désirs et appétits créateurs.
Toujours sur la brèche, à peine revient-il de Cuba où il a parrainé un festival d’écriture contemporaine francophone, qu’il file à la Guadeloupe mettre en scène une pièce d’Athol Fugard, non sans avoir fait un détour par le Conservatoire y animer un stage de mise en scène, occasion de partager avec les stagiaires quelques réflexions de Louis Jouvet pour qui, « mettre en scène c’est chercher constamment des raisons d’admirer et d’aimer ». Un propos qu’il fait sien si l’on en croit les raisons qui l’ont décidé à mettre en scène cet OVNI claudélien qu’est Protée : « J’ai trouvé là, une générosité, une richesse qui m’était offerte et à laquelle je ne pouvais pas me dérober ». En découle forcément la réjouissante malice avec laquelle Philippe Adrien s’est emparé de ce Protée de tenue hautement farcesque qui lui permettait de surcroît de jouer, en les bousculant quelque peu, avec tous les codes du théâtre et du cinéma.
De la bonne blague claudélienne à la passion d’Arnolphe
Outre le plaisir de faire éclater de rire quelques milliers de spectateurs, mettre en scène , peu de temps après Le Partage de midi, la seule farce que Claudel ait écrite, « dans laquelle il trouve le moyen de rire de la frivolité qu’il prête aux femmes », était pour Philippe Adrien, qui rêve de monter le Soulier de Satin, « faire la preuve de la profusion du génie claudélien. J’ai trouvé intéressant de proposer cette grande pièce lyrique qu’est Le Partage de midi et de montrer qu’elle avait pour corollaire, « Protée » qui en est comme la figure inversée ».
S’il n’en a pas fini avec Claudel, il n’en finit pas non plus avec Molière. Mettant en scène il y a quelques décennies « Monsieur de Pourceaugnac » pour la Comédie de Reims, n’écrivait-il pas alors « On ne saurait échapper à Molière, ni, pour peu qu’on s’en soit approché, en finir avec lui ». Il y est donc revenu et avec bonheur cette saison avec une Ecole des femmes choisie non seulement parce qu’elle « pose la question de la place des hommes et des femmes dans un monde en mutation et plaide pour la liberté », mais aussi parce que la passion qu’éprouve Arnolphe pour Agnès le touche profondément. « Je monte les pièces en fonction de leur capacité à me toucher ou à me renvoyer des échos de ma propre biographie ».
C’est un peu à Molière, et par allusion, que Philippe Adrien reviendra la saison prochaine avec La Grande Nouvelle, une version contemporaine du Malade imaginaire concoctée en duo avec Jean-Louis Bauer, avec qui il partage dit-il « le goût d’une écriture dramatique qui ne se hausse pas du col, qui n’a pas pour ambition de manifester des manières de haute littérature, mais qui soit vive, dialoguée , traitant des sujets contemporains ». Après Bug qui, via une panne informatique, s’en prenait non sans virulence « à l’organisation de la pensée du monde à notre époque », c’est de l’hypocondrie à l’heure d’Internet, des développements de la médecine, des folies et délires qui en découlent, dont il sera question.
Organiser des convergences
Entre réalisme et fantastique, dérision et déraison, voire subversion, le spectacle donnera le coup d’envoi d’une saison élaborée sans autre prééminence que le texte et sa capacité à nous parler du monde et de nous-mêmes. Aux thèmes qui forcément enferment, Philippe Adrien préfère organiser des convergences, des recoupements. Au contraire d’une chapelle où s’ordonneraient des spectacles à la solde de ses seules convictions, il ne cesse de faire de la Tempête un lieu ouvert à tous les vents des possibles, met à l’affiche des réalisations dont il ne partage pas forcément le goût mais dont il pense que nombre de gens peuvent en être heureux, toujours à l’affut « de ce qui au fil du temps peut organiser une relation enrichie avec le public ». Une stratégie de l’ouverture émaillée de retrouvailles, de fidélités et d’attention à toutes espèces créatrices en voie d’apparition. Un triptyque à l’œuvre de la prochaine saison où vont, notamment, se croiser à l’affiche, Jacques Lassalle (Matin et soir de Jon Fosse), Claire Lasne (La Valse des trois sœurs d’après Tchekhov), Jean-Claude Fall (Tête d’Or de Claudel), Le collectif Drao (4 images de l’amour) , Frédéric Sonntag ( George Kaplan), Paola Giusti ( Le Revizor de Gogol).
A la tête du Théâtre de la Tempête depuis 1996, Philippe Adrien qui a fondé sa propre compagnie ARRT (Atelier de Recherche et de Réalisation Théâtrale) en 1985, n’est pas de ceux qui se contentent de gérer leur petite boutique et leurs lauriers. A la foire et au moulin, accro du plateau où chaque création est un nouvel établi d’apprentissage, il n’a de cesse de faire la preuve du théâtre par la liberté et d’inventer des espaces où il se fomente sans contrainte. Ainsi en est-il de Théâtre à vif, proposé en fin de saison à la manière d’un postscriptum et conçu tout à la fois comme un espace ludique d’expérimentation et tour de chauffe de spectacles à venir. C’est à partir de ce chantier là que fut créé Protée . Cependant, cette année c’est à philosopher à vif autour de la Pléonexie que Philippe Adrien convie le public. Un terme un peu barbare dont il est déjà question dans « La République » de Platon et qui signifie « en vouloir toujours plus ». C’est dire que venu du fond des temps, il n’en soulève pas moins une question diablement d’actualité qui sera examinée, au mois de juin prochain, sous la houlette du philosophe Dany-Robert Dufour et bien sûr, comme toujours au Théâtre de la Tempête en toute convivialité, de celle, qui contre vents et marées, reste l’estampille de ce lieu d’utopie et de partage qu’est la Cartoucherie où on ne se lasse jamais d’aller.
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