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Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI
«Les antibiotiques sont aujourd'hui victimes de leur succès: leur large utilisation depuis les années 1960-1970 a permis aux bactéries d'apprendre à s'en défendre», rappelle le Pr Patrick Plésiat, coordonnateur du Centre national de référence de la résistance aux antibiotiques au CHU de Besançon. Désormais, la résistance aux antibiotiques touche de nombreux germes et l'OMS a engagé des programmes dans le monde entier pour ralentir l'apparition de nouvelles résistances et préserver les traitements disponibles. Dès leur apparition, les bactéries ont appris à résister aux antibiotiques les plus utilisés et, pendant l'âge d'or du développement des antibiotiques, il suffisait de les soumettre à un autre antibiotique pour les éliminer.
Un petit groupe de germes, sur lesquels les efforts se concentrent, a cependant réussi à acquérir une résistance à de nombreux antibiotiques, obligeant les médecins à puiser de plus en plus souvent dans la réserve d'antibiotiques à utiliser en dernier recours contre les bactéries les plus récalcitrantes, avec un risque accru de favoriser l'apparition de bactéries totorésistantes, contre lesquelles aucun antibiotique connu ne peut être utilisé. La recherche devra donc également être relancée pour mettre au point de nouvelles classes d'antibiotiques, principalement sous l'impulsion de start-up car les grandes entreprises pharmaceutiques se sont largement détachées de ce domaine, trop peu rentable. Les maladies infectieuses se déclenchent de manière aléatoire, rendant impossible toute prévision sur les marchés potentiels, et leur traitement est de courte durée: elles ne font pas le poids en comparaison avec les maladies chroniques, qui représentent un marché énorme lié au vieillissement des populations dans les pays développés.
Les bactéries multirésistantes se sont d'abord développées en milieu hospitalier, où la situation est doublement favorable à l'apparition de résistances: la moitié de la consommation des antibiotiques s'y concentre et la promiscuité relative entre sujets infectés, reliés entre eux par les mêmes soignants, crée des opportunités de diffusion pour ces bactéries et leurs résistances. C'est également à l'hôpital que le premier succès a été remporté contre les multirésistances: l'apparition de souches de Staphylococcus aureus résistantes à la méticilline a conduit à la mise en place de mesures d'hygiène systématiques pour éviter les contaminations entre patients, avec une diminution du taux de résistance de plus de 10 % en moins de dix ans. Plus récemment, les tuberculoses multirésistantes, qui restent très rares en France, ont également fait l'objet de mesures particulièrement efficaces pour limiter leur diffusion en dehors de l'hôpital.
Longtemps confinées à l'hôpital, de nouvelles bactéries multirésistantes difficiles à traiter se diffusent désormais en ville, où leur progression est plus rapide. Les efforts se concentrent désormais sur certaines entérobactéries devenues résistantes aux céphalosporines de troisième génération et même aux carbapénèmes, la dernière classe d'antibiotiques capables de les éliminer. «Ces bactéries sont plus particulièrement visées pour éviter que de telles résistances se diffusent comme d'autres l'ont fait dans le passé, d'autant plus que les entérobactéries sont partout», souligne le Pr Marie-Hélène Nicolas-Chanoine, responsable du service de microbiologie à l'hôpital Beaujon de Clichy. «Tout le monde vit avec ces germes, contrairement aux staphylocoques, qui ne sont présents que sur la peau de certaines personnes.» Les entérobactéries sont ainsi présentes dans l'environnement de l'homme, circulent très largement d'une personne à l'autre et pourraient partager rapidement, avec de nombreuses autres bactéries, leurs «recettes» de résistance. À l'échelle européenne, des études de l'OMS sur la flore digestive de sujets sains montrent qu'une partie de ces entérobactéries, en particulier certaines klebsielles, montrait en 2012 des taux de multirésistance pouvant atteindre 70 % dans certains pays et jusqu'à 25 % en France.
Les E. coli résistantes aux carbapénèmes restent encore rares en Europe et atteignent moins de 5 % des souches en France. Face à ces bactéries multirésistantes, les médecins se trouvent désormais parfois en impasse thérapeutique: l'OMS estime que, chaque année en Europe, 25.000 décès sont liés aux multi-résistances aux antibiotiques. Dans le reste du monde, les résistances multiples sont bien plus fréquentes avec une mortalité doublée lorsque aucun antibiotique efficace ne peut être proposé.
Les microbes aiment partager leurs meilleures recettes
Les bactéries ont mis au point un formidable outil d'adaptation à leur environnement: elles partagent les meilleures recettes pour apprendre à digérer une nouvelle molécule ou décontaminer un produit toxique… comme un antibiotique.
Ces recettes, dans la majorité des cas, ne sont pas indiquées dans le livre ADN principal des bactéries, leur chromosome, mais inscrites sur des petites «fiches» d'ADN, les plasmides. Ceux-ci sont de petits brins d'ADN, généralement circulaires. Certains, mais pas tous, peuvent se transmettre entre bactéries. Toute une famille de plasmides est porteuse du gène codant pour une enzyme qui est capable de rendre inefficace tel ou tel antibiotique. Et donc de se développer par rapport à celles qui n'ont pas ce plasmide. De plus, elles ont de nombreuses méthodes pour partager très facilement ces fiches, entre bactéries d'une même famille mais parfois entre bactéries très différentes puisqu'il leur suffit parfois de passer un moment dans le même organisme pour faire ces échanges. Les antibiotiques doivent donc être prescrits pour une durée précise: assez longtemps pour éliminer toutes les bactéries qui provoque l'infection avant qu'elles n'apprennent à lui résister et qu'elles ne transmettent l'information à d'autres bactéries mais pas trop longtemps pour éviter que les autres bactéries, non infectieuses, aient le temps d'apprendre par simple exposition à cette nouvelle molécule.
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