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Le parti Ennahdha s'emploie à répondre au souci des Tunisiens qui n’ont pas été convaincus de sa mutation vers la modération, car elle s’est faite, en peu de temps, et pas sur toute la ligne. Ennahdha insiste trop sur ses nouvelles positions modérées, mais oublie de répondre aux craintes suscitées, depuis la formation de l'Islam politique, à l’aube des années 1970. Craintes sur l'usage de la violence, de sa justification et de sa couverture, sur les rapports ambigus avec les groupes qui prônent le terrorisme, sur les menaces que le parti islamiste fait peser sur le modèle de société adopté depuis l'Indépendance, en cherchant à en imposer un autre importé des confins du sous-continent asiatique . Le même sentiment est également inspiré par l'hégémonisme du premier parti qui veut avoir le dernier mot sur tout ce qui a trait à l'avenir du pays, sans laisser aux autres formations politiques l'occasion d’avoir voix au chapitre.
Les positions modérées d'Ennahdha exprimées en deux temps, d'abord aux alentours du 15 août 2013, date de la rencontre historique entre Béji Caïd Essebsi et Rached Ghannouchi à Paris , puis à partir de fin janvier 2014, date de la démission du gouvernement Ali Lâarayedh et de l'adoption de la Constitution, sont accompagnées par une propagande intense, dans le but de convaincre tout le monde des orientations centristes des Islamistes tunisiens.
Ce qui peut être relevé, cependant, c'est que ces positions modérées, outre qu'elles n'ont convaincu personne, du fait qu'elles ont juré, en un court laps de temps, avec des positions tranchées et radicales annoncées dans les deux cas par les mêmes dirigeants, donnent l'impression de répondre à la carte à une demande internationale et interne, sans revêtir un caractère systématique qui se rapproche d'une autocritique, indiquant une nouvelle approche des problèmes du pays et des exigences qu'ils imposent à tous les partenaires politiques .
Les Nahdhaouis ont maintenu, parallèlement aux nouvelles préconisations sur la Tunisie, les analyses les plus classiques des Frères Musulmans sur l'Egypte, la Syrie et l'Irak. A leurs yeux, Abdelfattah Sissi est un comploteur et un usurpateur, et tous les actes de violence, y compris les attentats contre les militaires et les hommes de sécurité, sont justifiés. En Syrie, Bachar Al Assad est sanguinaire et doit partir à n'importe quel prix, justifiant l'envoi de jeunes combattre au Levant et au-delà en Irak, et le sacrifice des Tunisiens résidant en Syrie , livrés à eux-mêmes depuis février 2012 , suite à l'alignement de la diplomatie tunisienne sur la logique des pays du golfe et de la Turquie. Or, dans cette analyse, les islamistes oublient que pour réviser une position sur un dossier donné, et convaincre du bien-fondé de cette révision, il est impératif d’en revoir d'autres pour donner la preuve d'une conversion harmonieuse.
Après avoir adopté des positions éclectiques et inachevées, les Nahdhaouis se sont mis à exploiter l’évolution de la situation en Tunisie. Dans cette propagande, ils soulignent que si on demande aux islamistes de faire des concessions logiques, ils le feront pour préserver ce qui est essentiel. Ils insistent sur les concessions consenties de leur part pour faire aboutir le processus de transition. Ils ont facilité l’adoption des textes fondamentaux, qui seront à la base de l’édifice politique, institutionnel et juridique pour des décennies à venir (Constitution, loi électorale, instances de transition et justice transitionnelle), mettant en valeur leur effort pour imprégner ces textes fondamentaux du contenu modéré correspondant à leurs convictions. Ils rappellent qu'ils ont quitté le pouvoir et sont allés jusqu'à proposer de reconduire l'équipe Mehdi Jomâa , si elle réussit bien sûr , pour un ou même deux mandats jusqu'à la sortie de la crise économique et la mise en œuvre des réformes dictées par la conjoncture et un président de la République consensuel pour garantir les conditions de stabilité pour les 5 ans à venir.
Si on analyse toutes ces prestations, on se rend compte qu'elles sont d'ordre politique, et qu'elles s'adressent à une frange de l'opinion publique et à des partenaires politiques locaux et internationaux. Mais le grand problème d'Ennahdha réside ailleurs, dans les craintes accumulées, ressenties par les Tunisiens sous l’effet de l’exercice du pouvoir du parti islamiste et des pratiques adoptées lorsqu’il était dans l’opposition. Et les Tunisiens qui ressentent cette crainte ont besoin d'être rassurés, et les assurances attendues ne sont pas politiques, mais psychologiques et nécessitent des actes concrets de nature à les dissiper.
Trois dossiers retiennent l'attention dans ce chapitre et inspirent toujours la peur des :Tunisiens. D'abord, les rapports douteux du parti islamiste avec la violence, dans le passé, puisqu'il n'a pas fait une autocritique systématique après sa légalisation. Et même les efforts déployés, dans ce sens, par quelques Nahdhaouis, au cours du dernier congrès (juillet 2012), ont été neutralisés avec le report de la discussion de ce sujet sine die. La même attitude ambigüe et suspecte a été maintenue, après le 14 janvier 2011, au moins sur deux volets, celui de l'envoi de Tunisiens en Syrie et dans plusieurs points chauds de la planète, pour renforcer les rangs des groupes terroristes, parallèlement à la couverture des Ligues de la Protection de la Révolution (LPR) et la justification de leurs agissements criminels.
D’ailleurs, l'analyse des situations en Egypte en Syrie, en Irak et même en Palestine ne fait qu'éveiller les soupçons, ne pouvant pas aider à dissiper ce malentendu et laissant planer le doute sur l'engagement des Islamistes tunisiens, de manière irréversible, sur la voie de la démocratie et la modération comme ils veulent l’affirmer.
Ensuite, l'appréciation toujours négative du projet de société tunisien, et les acquis de l'Etat moderne, malgré la nuance introduite ces derniers jours. Mais cette évolution, qui n’en est pas une, revêt la forme d’un discours répété sans conviction, prononcé de surcroit par des dirigeants connus pour leur radicalisme (Mohamed Ben Salem et Rached Ghannouchi lui-même), laissant entendre qu’il est plutôt utilisé à des fins purement politiciennes.
Enfin, le retour récurrent de l'hégémonisme chaque fois qu'un dossier est ouvert à l'échelle nationale. Ennahdha veut rappeler à tous ses partenaires qu’il est le décideur de tout ce qui se rapporte à l’avenir du pays. Et même le revers de 2013, elle veut l’inscrire dans une stratégie d’un recul qui l’aidera à mieux sauter. La dernière en date de ces démonstrations de force est la suggestion de proposer un (ou dix) président(s) consensuel(s) pour le prochain scrutin, qui a déjà trouvé preneur en la personne de Mustapha Ben Jaâfar.
Or, si le dernier élément (le sentiment d’hégémonie) touche la classe politique, les deux autres (la violence et le projet de société) touchent directement les citoyens tunisiens dans ce qu’ils ont de plus profond et structurant : leur sécurité, leur quiétude, leur mode vie et leurs convictions profondes. Et si Ennahdha ne fait rien pour s’affranchir de cette image négative, elle risque de faire l'unanimité contre elle, et de donner l'occasion aux larges franges de la population d’adhérer aux vues souvent radicales et tranchées des partis de la gauche et même du centre.
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