Danya Hammoud à June Events : la percée libanaise

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Son précédent solo, « Mahalli», l’a révélée en France. La jeune chorégraphe ouvre mercredi le festival de danse de la Cartoucherie de Vincennes, avant d’entamer une tournée en région.

Elle a de ces visages beaux de ce qui les anime. Et ses pièces lui ressemblent, concentrées et bavardes dans leurs silences. Le visage de Danya Hammoud, le travail de Danya Hammoud. Il faut justifier le parallèle : la jeune chorégraphe libanaise a bouclé en 2010 un master de recherche à Paris 8 autour des autobiographies dansées, après avoir suivi le prestigieux cursus Essais du Centre national de danse contemporaine (CNDC) d’Angers. Elle est depuis retournée à Beyrouth pour rejoindre le collectif théâtral Zoukak, foyer de l’activisme artistique libanais.
 

Dans le solo Mahalli, qui l’a fait connaître en France en 2012, elle aborde la notion de corps territoire avec une retenue qui porte la tension à fleur de peau, dans une frontalité nourrissant l’empathie du public. Danya Hammoud constate son impuissance à se défaire de son identité, en l’occurrence libanaise, et la déborde en investissant ses versants les plus universels, les plus désarmants. Contre la gratuité du geste - et sur scène et dans la cité -, sa danse témoigne d’une vision artistique aux prises avec son environnement; d’une démarche à la fois exigeante et populaire, mue par la nécessité d’un échange.

« Mes mains sont plus âgées que moi » (2014)

 

Coproduite en France par L’Association des Centres de Développement Chorégraphique (L'A-CDC), la dernière création de Danya Hammoud, Mes mains sont plus âgées que moi, partagera l’affiche de la soirée d’ouverture du festival June Events avec Carolyn Carlson, figure de la Nouvelle danse française et directrice artistique du festival. Ce « parrainage » symbolique, les 4 et 5 juin à la Cartoucherie de Vincennes, lancera pour la chorégraphe et les deux autres interprètes de la pièce – Khouloud Yassine et Mounzer Baalbaki –, une tournée en région riche d’une dizaine de dates.
 

Cette nouvelle chorégraphie part d’un propos là encore à la fois personnel, lié à l’expérience chaotique du Liban, et collectif au-delà des frontières. Que se passe t-il, dans le corps, avant le passage à l’acte meurtrier ? «En abordant la construction de l’acte, ce qui le travaille, on aborde le mouvement lui-même, explique Danya Hammoud. Mais l’acte [ici, le meurtre, NDLR] ne nous intéresse pas ; sa simulation sur scène ne nous intéresse pas. D’ailleurs, le fait de construire cette intention sans en arriver à jouer l’acte suffit. L’acte est déjà là, on n’a pas besoin de le voir.»
 

Pour la chorégraphe, il ne s’agit donc pas de «produire» des gestes, mais plutôt d’incarner une volonté et une durée dans un même geste. C’est ce qu’elle appelle, un peu mystérieusement, le «geste condensé», mais qui traduit assez bien l’épaisseur de la grammaire que l’on a vue à l’œuvre dans sa précédente pièce, Mahalli. «Pour nous, il ne s’agit jamais de répéter sur scène une chorégraphie, mais bien de faire une chorégraphie», conclut-elle.
 

La démarche est belle et le propos lui-même mérite une attention particulière. Le philosophe René Girard a assez dénoncé l’aveuglement contemporain quant aux ressorts de la violence collective inhérente à toute société (La violence et le sacré, éd. Pluriel),  pour que l’on s’intéresse, d’autant plus, au regard de cette artiste prometteuse.
 

Mes mains sont plus âgées que moi en tournée. Les 4 et 5 juin à La Cartoucherie de Vincennes / festival June Events. Le 17 juin au festival Uzès Danse. Les 9 et 10 octobre au Quartz de Brest. Le 15 octobre à l’Echangeur – CDC Picardie.  Le 22 janvier 2015 au Cuvier – CDC d’Aquitaine. Le 24 janvier 2015 au CDC Toulouse. Le 27 janvier 2015 au Pôle Sud – CDC Strasbourg (en préfiguration). Le 29 janvier 2015 à Art Danse – CDC Dijon. Le 3 février 2015 au Pacifique – CDC Grenoble. Le 8 ou 9 avril 2015 au CCN de Caen. Le 12 avril 2015 au Grand Bain / Le Gymnase – CDC Roubaix.
 

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