L’Homme qui rit d’après Victor Hugo

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Le charnel et le virtuel.

On a souvent porté au théâtre L’Homme qui rit de Victor Hugo, le plus souvent sous la forme d’un monologue, pour mieux centrer l’intérêt sur le personnage de Gwynplaine, l’enfant dont on a déformé le visage pour le présenter et l’exploiter dans les fêtes foraines.

La réalisation du collectif 8 est tout autre : elle met au service d’une adaptation très resserrée les techniques des arts visuels et sonores. Elle crée une série de mirages où s’inscrivent quelques acteurs et conte ainsi, dans une succession de scènes rapides, l’épopée de l’enfant anglais volé et défiguré qui parvient à échapper à son humiliation et, fort d’une naissance supérieure à ce que l’on croyait, peut défier les potentats d’un société injuste.
 

Gaële Boghossian et Paulo Corriera ont conçu ce qu’ils appellent une « fantaisie numérique et sonore ». D’abord hors de l’univers plastique, l’un des personnages, Ursus, conte les premiers moments de l’histoire puis rejoint les deux héros, Gwynplaine et son amie Déa, dans un livre d’images en perpétuelle mutation. En noir et blanc ou en couleurs défilent des tableaux de tempête, de naufrage, de ville, d’intérieurs, et, toujours en leit-motiv, de fêtes foraines. Au cœur de ces estampes palpables mais immatérielles les trois acteurs jouent autant les dialogues que des apparitions et disparitions insolites. Au dernier moment, Gwynplaine sort des écrans et dit les textes politiques que Hugo a intégrés au roman et sont fulgurants d’actualité et de force rhétorique.
 

Les comédiens jouent vite, comme poussés par l’urgence. Paul Charriéras est un Ursus très XIXe siècle, savoureusement professoral dans une composition passionnée. Mélissa Prat est la jeune fille selon Hugo, réelle et irréelle, charnelle et rêvée. Pauleo Correia interprète Gwynplaine avec flamme, parvient à être à la fois le héros du livre et le double de Hugo. Jamais la construction graphique et musicale qui entoure ces trois excellents acteurs n’est gratuite ou en désaccord avec la matière littéraire. Elle emporte le public dans sa course. Un bel exemple de théâtre abordant de nouveaux langages pour rénover le récit dramatique sans rompre les lois séculaires de la proximité et du jeu.
 

L’Homme qui rit d’après Victor Hugo, adaptation, mise en scène et costumes de Gaële Boghossian, création vidéo de Paulo Correia, univers musical et sonore de Clément Althaus, scénographie de Gaële Boghossian, lumière d’Albane Augnacs, maquillages de Marie Chassagne.

 

 

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Dernière modification le jeudi, 31 juillet 2014 12:11