Censure, insultes, menaces de mort: “Much Loved” de Nabil Ayouch crée la polémique au Maroc

Le nouveau film de Nabil Ayouch “Much Loved” est interdit de diffusion au Maroc; le réalisateur a été menacé de mort ainsi que les actrices du film.

A Cannes, le nouveau film du réalisateur franco-marocain Nabil Ayouch a fait beaucoup parler. Depuis la fin du festival, c’est toujours le cas, mais malheureusement pas pour de bonnes raisons. Intitulé Much Loved, il raconte le quotidien de prostituées dans le Marrakech d’aujourd’hui. Noha, Randa, Soukaina, Hlima s’épaulent, s’entraident, malgré leur quotidien dans la misère et leurs soirées inavouables et humiliantes. Le film est une fiction, mais une fiction ancrée dans la réalité, et bien informée, qui montre les autorités marocaines comme complices de la situation.

 

 

C’est pour cela que le Ministère de la Communication marocain a annoncé, lundi 25 mai, après la projection de “Much loved” au festival de Cannes, l’interdiction de diffusion dans son pays, faisant valoir le fait que le film comporte “un outrage grave aux valeurs morales et à la femme marocaine, et une atteinte flagrante à l’image du royaume“.
S’en sont suivies des pétitions sur internet et  des protestations sur les réseaux sociaux de la part des milieux conservateurs marocains, des plaintes déposées contre le réalisateur, et plus grave encore, des menaces de morts lancées à l’encontre des actrices (Loubna Abidar, seule actrice professionnelle de la bande de filles, en tête) et de Nabil Ayouch. Des extraits bien choisis du film (à savoir les scènes les plus “dérangeantes” pour les extrémistes marocains : scènes de nus, scènes au langage fleuri, scènes avec de l’alcool) et surtout sorties de leur contexte ont, en effet “fuité” sur internet avant même la projection du film au Festival de Cannes, en mai.
“Une réalité que les autorités marocaines refusent de regarder en face”

Un message de soutien au film de coproduction franco-marocaine, à Nabil Ayouch et aux actrices a déjà été signé par plus de quatre-vingt cinéastes et producteurs travaillant dans le cinéma français. Parmi eux, les frères Dardenne, Arnaud Desplechin, Costa-Gavras, Riad Sattouf, Pascale Ferran, Michel Hazanavicius dénoncent :

    “Cette interdiction encourage les pires attaques des courants conservateurs marocains envers le film, Nabil Ayouch et Loubna Abidar faisant l’objet de menaces de mort sur les réseaux sociaux (…) De toute évidence, ce film sur le milieu de la prostitution à Marrakech montre une réalité que les autorités marocaines refusent de regarder en face. Pourtant, cette réalité niée ne sera modifiée en rien par cet acte de censure délibérée”  

et condamnent fermement :

    “l’obscurantisme et les violentes atteintes à la liberté que cette interdiction constitue: atteinte à la liberté d’expression, atteinte à la liberté du metteur en scène d’exposer son travail, atteinte à la liberté des spectateurs qui ne peuvent avoir accès au film dans les salles de cinémas marocaines“.

Ce n’est pas la première fois que Nabil Ayouch dérange en essayant de faire bouger les mentalités dans son pays. En 2012, son précédent film, Les Chevaux de Dieu, avait déjà créé un débat car le cinéaste condamnait les cinq attentats-suicides ayant eu lieu à Casablanca en mai 2003 et l’Islam radical, de manière plus générale. Le film avait remporté le prix François Chalais à Un Certain Regard au Festival de Cannes 2012.

Dans le cadre de la reprise de la Quinzaine des Réalisateurs, Much Loved sera projeté demain, mercredi 3 juin à 21 heures au Forum des Images, à Paris. La séance est d’ores et déjà complète, ce qui laisse présager un bel avenir en salle pour le film lors de sa future sortie en France, le 16 septembre prochain.

 

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