Une autre voie pour décrypter le génome

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Des chercheurs canadiens proposent une nouvelle approche pour observer rapidement la présence de certains gènes, sans avoir à briser les brins d'ADN que l'on cherche à analyser.

En vingt ans, le décryptage du génome a fait des progrès considérables. En janvier dernier, la société américaine Illumina a commercialisé un nouvel équipement qui permet de lire intégralement le génome d'une personne en trois jours, en décryptant la succession des 3,5 milliards de paires de bases (A, T, C, G) qui composent son ADN, pour un coût d'environ 1000 dollars, l'équivalent de 750 euros.
 

Mais une méthode plus rapide, qui serait même plus économique, a été élaborée par des chercheurs de l'université McGill à Montréal. Dans l'édition du 4 août dernier de Pnas, la revue de l'Académie des sciences des États-Unis, les scientifiques ont démontré qu'ils arrivent à regarder un seul brin d'ADN très rapidement - en quelques heures - et surtout sans le casser, ce qui est une première. Les images sont obtenues au moyen d'un microscope par fluorescence (qui détecte le rayonnement induit de la super-molécule, selon sa composition). De plus, la méthode utilise une petite boîte qui sert de support spécial pour ranger chaque brin d'ADN dans l'une des minuscules tranchées (moins de 50 nanomètres de largeur) creusées par lithographie à la surface du matériau en silicium. Cette opération est innovante car les brins d'ADN, repliés sur eux-mêmes et emberlificotés les uns autour des autres, sont individualisés.

«C'est comme presser un plat de spaghettis cuits et faire en sorte que chaque pâte entre dans un long tube sans être cassée», explique Sabrina Leslie, chercheuse au département de physique à McGill, et principale auteur de l'article.
 

Quand les brins d'ADN sont contraints, poussés vers des nanotranchées, ils s'allongent et deviennent rigides. «Nous pouvons alors prendre une photo d'un ADN linéaire et étiré, qui permet de déterminer la position d'une séquence spécifique sur un brin du génome», indique la chercheuse.
 

Mais il n'est en revanche pas possible de photographier l'enchaînement précis des quatre éléments de bases de l'ADN. «Avec les techniques les plus avancées d'imagerie, la résolution est de l'ordre de quelques dizaines de nanomètres, c'est-à-dire de plusieurs centaines de paires de bases», ajoute Sabrina Leslie. Néanmoins, il est possible de prendre en quelque sorte une photo d'artiste de plusieurs brins en même temps, où chaque centaine de lettres élémentaires de l'ADN émet une raie d'intensité caractéristique de sa composition. Chaque brin peut ainsi être symbolisé par une sorte de code-barres qui sert à lire, à grands traits, les gènes d'une personne, ce qui peut suffire pour détecter des mutations responsables de certaines maladies, dont des cancers.
 

Une information importante pour des tests prénataux.
 

Même si la méthode est moins précise que les décryptages complets d'un génome, elle présente une autre avancée pour la cartographie complète de l'ADN. Car de nombreux gènes d'une personne (et donc ses séquences codantes) peuvent être reproduits à plusieurs exemplaires sur un même chromosome. Mais comme les autres techniques cassent un brin d'ADN en de multiples morceaux de plusieurs centaines de bases, elles gomment la duplication éventuelle de certains gènes. Or, cette information peut être importante pour «des tests prénataux ou des maladies qui sont associées, par exemple, à des réarrangements de structure de l'ADN», poursuit Sabrina Leslie.
 

Enfin, sa méthode, dont une partie de l'équipement a fait l'objet d'un dépôt de brevet, en 2010, nécessite très peu de cellules à analyser. Une seule pourrait suffire contre plusieurs dizaines de milliers pour les autres techniques de décryptage. Ce serait un avantage pour certains cas de cancer, afin de cibler seulement une cellule malade.
 

Déjà, Sabrina Leslie est convaincue que sa «méthode sera plus rapide et moins coûteuse que les autres techniques».
 

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