« Couleur de sang, sang pétrifié de la Gorgone, suivant la mythologie grecque, le corail, symbole de vie, de vitalité, de fécondité, tiré des profondeurs cachées de la mer, fut très tôt doté d’une charge magique que ne portèrent ni l’or ni l’argent ni aucune pierre précieuse. Son origine marine et mystérieuse, sa forme d’arbre, image de vitalité, sa couleur rouge, couleur du sang, lui confèrent une valeur symbolique exceptionnelle dans la plupart des civilisations ; en occident, où le rouge est la couleur du règne animal, il incarne la force vitale, la fécondité. En Chine, il s’oppose au noir ; au Tibet, il protège du mal ; Au Japon, il met à l’abri des tempêtes, de la foudre et des maladies. »
Cet animal étrange, extirpé au prix de gros efforts par les modestes pêcheurs de Tabarka ou de la Galite, devenu produit d’exportation, est acheminé par des voies sinueuses, tour à tour maritimes et terrestres. A la route de la soie orientée est-ouest, à l’une des routes de l’or qui de l’Afrique vers l’Europe remonte du sud au nord, à la route des épices, qui, via le cap de Bonne-Espérance, joint les Moluques et l’Inde au Portugal, se superpose, trait pour trait, une authentique route du corail, de direction inverse, qui a fonctionné dans ces trois directions, durant des décennies, sinon des siècles. Cette route du corail, si lucrative alors, est bien présente dans l’esprit des dirigeants européens si soucieux de défendre les intérêts marchands de leurs nationaux, lorsqu’ils vont solliciter dans la deuxième moitié du XVIIIe siècle la concession de Tabarka, source privilégiée du corail rouge, si prisé, de Méditerranée.