Comment la CIA a gendarmé les cyber-collabos pour détruire le monde arabe ?

Le titre de ce livre collectif est « La face cachée des révolutions arabes » et le chapitre en question est intitulé « ONG et réseaux sociaux au cœur des révolutions arabes ». Alors qu’ils étaient une vingtaine de cyber-collabos tunisiens, le seul nom cité ici est Slim Amamou. Nous avons en revanche un autre nom d’une extrême importance, celui d’Alec Ross, jeune conseiller d’Hillary Clinton, passé au Département de la Défense dès janvier 2011 pour piloter son armée virtuelle. Selon les aveux mêmes de Sami Ben Gharbia, dans un article publié en septembre 2010, Alec Ross était son ami et « grand boss ». Outre les tristement célèbres cyber-collabos, parmi les groupes qui ont activement participé à la déstabilisation de la Tunisie, on citera notamment « Anonymous », « Wikileaks », « Télécomix », « Pirates » et «Nawaat », dont Sami Ben Gharbia a été le cofondateur et qui a été financé par Freedom House et l'Open Society Institute. Document à lire et à archiver pour l'Histoire.

« Nous voulons nous joindre à vos conversations », signé #State- Dept. Ce message, simple mais direct, diffusé sur twitter à l'attention des cyberdissidents arabes au moment des révolutions, provient du cœur névralgique de la stratégie américaine, le Département de la Défense. Son auteur Alec Ross, jusque là inconnu, est devenu le symbole de cette nouvelle diplomatie mise en oeuvre par le gouvernement Obama. En effet, ce jeune conseiller de Hillary Clinton, co-fondateur de l’organisation One Economy, est à la tête du service de l'innovation, le pôle "nouvelles technologies" du Département de la Défense. Passé de l'ombre à la lumière en quelques mois, Alec Ross est désormais qualifié de "l'homme qui twitte les révolutions". Son action confirme, si besoin était, l'assistance cybernétique apportée par le gouvernement américain aux dissidents arabes. Une aide qui, selon Alec Ross, prouve que cette technologie pouvant servir à surveiller les citoyens peut aussi devenir une arme pour les libérer. Une arme redoutable puisque grâce à elle, les révolutions arabes ont remporté une bataille décisive, nécessaire à la victoire finale, celle de la communication. Sans elle, les révolutions ne s'exportent pas, restent oubliées de l'opinion publique et finissent, le plus souvent, par s'éteindre dans l'indifférence générale.

Qui aurait pu prévoir les départs de Ben Ali, Moubarak ou Kadhafi ? Les gouvernements de La Tunisie, l'Egypte ou la Libye, qui avaient su contenir la parole dissidente pendant de nombreuses années, ne sont pas parvenus à étouffer les révoltes récentes malgré la censure imposée. Indiscutablement, l’issue des révolutions ne s'est pas jouée uniquement dans la rue mais également sur la Toile. Un rôle déterminant qui a révélé une force nouvelle, celle d’Internet et des réseaux sociaux.

Dès le début des révolutions arabes, les premiers acteurs de la cyber-dissidence s’affichent sur les réseaux. Bloggeurs ou pirates informatiques, experts en contournement de la censure gouvernementale, ils deviennent, dans leur pays respectif, des héros à part entière des révolutions. Le bloggeur dissident tunisien Slim Ammamou deviendra même, après la chute de Ben Ali, secrétaire d'État à la Jeunesse et aux Sports. Certains payeront cet engagement au prix de leur vie, comme le bloggeur libyen Mohammed Nabbous, victime d’un tir de sniper alors qu’il était parti filmer avec sa caméra les attaques de l’armée libyenne pour diffuser des vidéos en direct sur son blog. Cependant, la seule cyber-dissidence interne aux pays concernés n’est pas suffisante pour expliquer cette réussite. En effet, de nombreux réseaux extérieurs, constitués d’ONG, d’activistes informatiques et de « tribunes » médiatiques, ont joué un rôle décisif. Dès le début des manifestations antigouvernementales au Caire, la chaîne Al-Djazira couvrait largement les événements, en direct et en continu, sur son réseau satellitaire. Et, malgré l'interdiction de diffusion prononcée à son encontre par les autorités égyptiennes, la chaîne qatarie a réussi à poursuivre sa couverture en direct à l'aide de webcams amateurs placées à travers la ville. Les images transmises à l'aide des moyens de contournement mis à disposition par la « cyber dissidence » étaient ensuite diffusées sur le satellite Hot Bird qui, contrairement au satellite égyptien Nilesat, échappait à la censure gouvernementale. En effet, si la diffusion hertzienne peut rester sous contrôle étatique, il n'y a aucun moyen de censurer la couverture satellitaire étrangère accessible sur de larges zones (Hot Bird est accessible en Afrique du Nord avec une parabole de 90 cm). De plus, plusieurs opérateurs - dont Opensky - proposent des connexions à internet via les satellites courants, tels Hot Bird, Eutelsat ou Hispasat. Un simple modem branché entre la parabole et un micro ordinateur suffit à ouvrir un accès au web sans la soumission à un opérateur national.

En parallèle, des réseaux d’activistes informatiques ont également œuvré. On peut citer le groupe TELECOMIX qui s'est illustré par plusieurs actions destinées à porter assistance aux révoltes en cours. Ce groupe a d’ailleurs vu son action plébiscitée par Reporters Sans Frontière qui l’a invité, en mars 2012, pour la Journée mondiale contre la cyber censure, afin d’apporter son témoignage d'un hacking « éthique et militant » à visée humanitaire lors des révolutions arabes. L’une des principales actions de TELECOMIX fut « l'exfiltration cybernétique » de nombreuses vidéos prises par les insurgés, à l'aide de connexions par modem via des numéros de FAI (fournisseurs d'accès à internet) situés à l'étranger ou la mise à disposition d'outils de cryptage et « d'anonymisation » des communications. Lors de la révolution égyptienne, TELECOMIX a également fait appel aux radio-amateurs afin d'établir des communications via ondes radioélectriques.

Le célèbre groupe de hackers Anonymous a également répondu présent dès le début des révolutions. En Tunisie, moins de deux semaines après les révoltes de Sidi Bouzid, le mouvement Anonymous a lancé l’OPTunisia. Leurs premières actions, relayées par la chaîne qatarie Al-Djazira, furent des attaques de type DDoS (attaque ayant pour objectif de bloquer un serveur par un nombre important de requêtes) sur des sites gouvernementaux tunisiens. Pour des raisons de sécurité, la plupart de ces opérations ont été lancées depuis l’extérieur du pays. Toutefois, la Tunisie possédait déjà un « vivier » actif de hackers. On peut citer le groupe Tunisian BlackHat, fondé en 2007, qui a joué un rôle important dans la préparation des attaques lancées par Anonymous. En effet, ce groupe de hackers tunisiens a pu donner de précieuses informations sur l’infrastructure informatique de plusieurs sites gouvernementaux. D’ailleurs, sous couvert d’anonymat, un agent de la sécurité informatique tunisienne, en poste au moment des révolutions, reconnaît qu’il a eu la surprise de constater que plusieurs hackers tunisiens avaient été stagiaires dans son service quelques mois seulement avant le début des révolutions. Une « infiltration » qui peut sembler surprenante mais qui confirmerait les propos d’Anonymous : «nous avons infiltré vos armées, vos polices et vos informaticiens » (…)

Les cyberdissidents arabes ont également reçu une aide importante de l'ONG américaine AVAAZ. AVAAZ - qui signifie « voix » dans plusieurs langues - est une organisation non-gouvernementale américaine dont le siège est situé à New York, mais qui possède également des bureaux à Londres, Paris, Washington, Genève, et Rio de Janeiro. Elle a été fondée en 2006 par l'Anglo-Canadien Ricken Patel, ancien consultant à l'ONU, mais également membre des fondations Rockfeller et Bill Gates. Elle est l'émanation des groupes ResPublica, un groupe de campagnes civiques transnationales, et MoveOn un groupe américain de mobilisation sociale sur internet (….)

AVAAZ dispose de soutiens célèbres au sein des milieux politiques. On peut citer :l'ancien Premier ministre britannique Gordon Brown, qui a déclaré qu'elle avait fait avancer les idéaux du monde ; l'ancien vice président Al Gore, qui considère qu' AVAAZ est une source d'inspiration et a déjà fait beaucoup changer les choses ; ou Zainab Bangura, l'ancienne ministre des Affaires étrangères de Sierra Leone, qui décrit AVAAZ comme un allié et un point de ralliement pour les personnes défavorisées partout dans le monde, pour apporter un vrai changement.

AVAAZ, à l'aide des dons reçus pour soutenir les contestations arabes, a pu envoyer aux insurgés libyens, yéménites ou syriens des kits de connexion à internet par satellite à l'épreuve du black-out, des petites caméras-vidéo, des émetteurs radio portatifs, et même des équipes d'experts pour former les manifestants à leur utilisation. La vocation de cette action étant clairement affichée par AVAAZ sur son site internet : permettre « de diffuser des flux vidéo en direct, même pendant les coupures d'internet et du téléphone et de garantir que l'oxygène de l'attention internationale alimente leurs courageux mouvements pour le changement ». En Syrie, Avaaz revendique de disposer du « seul réseau qui parvient à la fois à introduire clandestinement du matériel médical et des journalistes, et à faire sortir des images et des informations ». L’ONG déclare même disposer de « maisons sécurisées » sur la frontière syrienne destinées à protéger rebelles et journalistes.

Plusieurs hackers tunisiens, égyptiens et libyens ont aussi témoigné du rôle important de wikileaks comme source de mobilisation. En effet, quelques mois avant le début des révolutions arabes, on a pu assister à une large diffusion de câbles diplomatiques américains qui dénonçaient les excès et la corruption régnants au sein de plusieurs régimes arabes qui allaient entrer en révolution. Ainsi, pour la Tunisie, on pouvait lire « la corruption est un problème à la fois politique et économique. Le manque de transparence et de responsabilité qui caractérise le système politique tunisien porte aussi gravement tort à l'économie en dégradant les conditions de l'investissement et en alimentant une culture de la corruption ». Un autre câble concernant l’Egypte mentionnait « la torture et la brutalité policière sont endémiques et généralisées" ou encore, à propos d'Hosni Moubarak « Les grands idéaux comme les droits de l’Homme ne l’intéressent pas ». Au fil des mois précédant les révolutions arabes, Wikileaks a ainsi alimenté l’argumentaire contestataire des révoltes en devenir. Sur ce fait établi, on peut d’ailleurs s’interroger sur le rôle finalement favorable qu’ont joué les câbles diplomatiques de wikileaks pour l’administration américaine. Certains n’hésitent d’ailleurs pas à avancer que la « fuite » de ces messages diplomatiques confidentiels aurait pu répondre à une opération des services de renseignement américains ayant pour objectif la déstabilisation de plusieurs régimes arabes. Sur ce point, il est intéressant de constater que plusieurs organisations qui ont participé au « mirroring » (duplication d’un site internet afin d’en assurer la sauvegarde et la large diffusion) de wikileaks ont eu pour « généreux donateur » le milliardaire américain Georges Soros. Ce proche de Henry Kissinger est à la tête d’un vaste réseau mondial d’ONG. Parmi elles, on peut citer l’Open Society Institute (OSI) qui a joué un rôle actif dans les révolutions arabes. En effet, dès 2009, l’OSI, en partenariat avec le gouvernement américain, a organisé un atelier au Caire destiné à former des activistes égyptiens et tunisiens au contournement de la censure. La fondation SOROS a déjà été au cœur de nombreuses révolutions et son action a même été jugée « subversive » par plusieurs Etats dont la Russie ou l’Iran qui l’ont accusée d’être un bras invisible de la CIA au service de la « promotion d’une démocratie à l’américaine ». Concernant wikileaks et le soutien « indirect » apporté par la fondation SOROS, on pourra noter que Mark Stevens, l’un des avocats de Julian Assange est aussi l’avocat de l’Open Society Institute.

Une autre fondation américaine, « Global Voices », a également apporté une aide précieuse aux blogueurs arabes. Fondée à la faculté de droit de Harvard par Rebecca MacKinnon, ancienne journaliste à CNN et Ethan Zuckerman,  membre de l’Open Society Institute de Georges Soros, cette organisation a pour but de soutenir un réseau international de blogueurs et « citoyens journalistes » qui suivent et concentrent l’actualité de la « blogosphère » mondiale. En octobre 2011, Global Voices co-organisait la troisième rencontre des blogueurs du monde arabe à Tunis et affirmait sa volonté d’aider à promouvoir le « droit des peuples à exprimer librement sur les réseaux leurs aspirations démocratiques ».

On le voit, les éléments d’une préparation « sous influence » extérieure des révolutions proches et moyennes orientales se mettent peu à peu en place. D’ailleurs, si le berceau du printemps arabe est en Tunisie, on pourrait peut-être en situer sa genèse, en juin 2009, en Serbie.

Mohamed Adel, un jeune égyptien qui a fait ses classes au sein des Frères musulmans, est un des leaders du mouvement du 6 avril. Composé de jeunes cyberdissidents, ce groupe qui a choisi son nom en référence à la grève générale du 6 avril 2008, est né sur internet. Mais à en croire Mohamed Adel, cela n'a pas vraiment été une action spontanée. Comme il l'avoue lui-même : « en Serbie nous avons été formés aux méthodes de non-violence. On nous a appris à mobiliser les foules pacifiquement, comment contrôler ses troupes et comment organiser de manière efficace des manifestations et des événements... »
               
C'était en juin 2009. Accompagné de 14 autres militants égyptiens et algériens, il s'est rendu à Belgrade. Là, il a suivi une formation en langue arabe. Ce séminaire de deux semaines avait pour vocation de former des « apprentis révolutionnaires » à la lutte non violente. Ce fut notamment l'occasion d'échanger avec des militants serbes et de rencontrer des ONG et des journalistes.
               
Derrière cette formation révolutionnaire se trouve CANVAS ou Center for Applied Non Violent Action and Strategies. Cette organisation est en fait une émanation du mouvement serbe Otpor. Signifiant Résistance, Otpor est une association étudiante à l'origine des manifestations qui ont fait tomber Milosevic en 2000. Le but avoué de CANVAS est d'utiliser le savoir-faire d'Otpor en matière de mouvements de protestation non violente. Ainsi on retrouve la trace des « consultants » de CANVAS dans la révolution des roses en Géorgie.
 
En Ukraine, l'organisation PORA, très active durant la « révolution orange », a envoyé, en avril 2004, 18 de ses membres à Novi Sad, dans le nord de la Serbie, pour y suivre un séminaire. On notera également que peu avant les élections, un membre de CANVAS a été expulsé d'Ukraine.
 
CANVAS est également en étroite relation avec ZUBR, en Biélorussie, Cette organisation de droits civiques proche des idées occidentales a été créée en 2001 dans le but de renverser le régime d'Alexandre Lugachenko.
 
En 2002 on retrouve les traces de CANVAS au sein de l'opposition vénézuélienne. En janvier et février 2011, le logo de CANVAS - qui est resté celui d'Otpor - est brandi par les jeunes tunisiens et les étudiants égyptiens du mouvement du 6 avril qui manifestent dans les rues du Caire.
 
Pour faire fonctionner une telle structure des moyens financiers considérables sont nécessaires. CANVAS est-il financé par de riches philanthropes ayant pour seul but de construire un monde meilleur et de faire progresser la démocratie ? Si l'on en croit Srdja Popovic, fondateur d'Otpor et actuel directeur de CANVAS, il ne reçoit que des subventions privées et aucuns fonds gouvernementaux.
 
Il semble en fait qu'il en soit autrement. Selon certaines sources généralement bien informées, deux organismes américains contribuent largement à son financement. Il s'agit de l'International Republican Institute et Freedom House.
 
L'International Republican Institute est une organisation politique liée au Parti républicain. Son financement provient en majorité du gouvernement fédéral américain. À noter qu'au printemps 2000 le colonel à la retraite de l'armée américaine Robert Helvey a été envoyé en Serbie par l'International Republican Institute pour diriger des séminaires sur la non violence au profit des militants d'Otpor. Des milieux proches des services de renseignement occidentaux vont jusqu'à déclarer qu'en fait l'IRI ne serait rien d'autre qu'une façade de la CIA.
 
Freedom House, dont l'objectif affiché est d'exporter les valeurs américaines, a été dirigée par James Woolsey. Est-il utile de rappeler que ce dernier fut directeur de la CIA de 1993 à 1995 ?
 
À noter que la bloggeuse égyptienne Israa Abdel Fattah, cofondatrice du mouvement du 6 avril, a fait partie d'un groupe d'activistes invité par Freedom House. Elle a pu ainsi participer à un programme destiné à former des « réformateurs politiques et sociaux ». Le tout était financé par l'USAID (United States Agency for International Development). Cette agence américaine a notamment pour but de réduire la pauvreté et de promouvoir la démocratie et la croissance économique.
 
Durant ces séminaires, les aspirants révolutionnaires (Tunisiens, Egyptiens, Algériens, Syriens, Yéménites…) apprennent également à utiliser au mieux internet et les réseaux sociaux. Ces derniers ont joué un rôle de premier plan. On notera en particulier la création d'une page Facebook six mois avant la chute de Moubarak. Baptisée « Nous sommes tous des Khaled Saïd », elle rendait hommage à un jeune internaute torturé à mort par les autorités après avoir mis en ligne une vidéo montrant des policiers corrompus. Plus de 500 000 personnes deviennent rapidement membres de ce groupe qui proteste contre les violences policières. Son créateur, tout d'abord resté anonyme, finit par être démasqué par la police qui l'interpelle. Il s'agit de Wael Ghonim, un Égyptien directeur du marketing au Moyen-Orient pour le géant américain de l'internet Google.
 
Ce vent de révolte tente de gagner d'autres pays d'Afrique et du Moyen-Orient. Le voisin soudanais de l’Égypte n'est pas épargné. Khartoum, qui a perdu les trois quarts de ses revenus pétroliers après la sécession du Sud Soudan, doit faire face à une forte inflation et à la dévaluation de sa monnaie. Dans la capitale soudanaise, les étudiants sont donc descendus dans la rue le 30 janvier 2011 à l'appel de plusieurs groupes constitués sur Facebook, et notamment « January 30, a word to the Sudanese youth ». Violemment réprimé, le mouvement n'a pas eu l'effet escompté. De plus le président Hassan Omar Al-Béchir ne s'est pas contenté d'ordonner la répression des manifestants, mais a envoyé des cyber-djihadistes combattre sur le net. Leur mission étant de lutter, sur leur propre terrain, contre les membres des deux principaux groupes actifs rassemblant à eux seuls près de 20 000 sympathisants. Il s'agit de « Youth of change » et « WeR fed-up ». La méthode semble efficace car si sporadiquement les étudiants soudanais défient les autorités en manifestant dans les rues de Khartoum, la répression a tôt fait de disperser ces fauteurs de troubles. Jusqu'à ce jour, ils n'ont pas réussi à entraîner le reste de la population, même si les islamistes du leader Hassan Al-Tourabi pourraient bien finir par se laisser tenter...
 
Début 2011, un peu plus à l'est, un internaute anonyme crée la page Facebook « Yemen révolution » qui arbore fièrement le poing fermé, symbole d'Otpor. Le 3 février 2011 le Yémen connait ses plus grandes manifestations depuis des décennies. Des dizaines de milliers de manifestants adoptent la couleur rose en signe de ralliement. Mais au Yémen seul 1% de la société est connecté à internet et l'analphabétisme y est encore important. Si cette révolution rose semble faire long feu, un an plus tard le président Saleh a quitté le pouvoir et des élections présidentielles sont organisées. Même si il n'y a qu'un seul candidat, le vice-président, et si de nombreux incidents provoqués par les indépendantistes sudistes entraînent la fermeture de nombreux bureaux de votes, le Yémen devient ainsi le premier pays arabe où un soulèvement aboutit à une solution négociée. Maintenant le sort du Yémen n'est pas réglé pour autant. Entre les indépendantistes sudistes et la présence en nombre de militants d'Al-Qaïda le pays est loin d'être stabilisé. Notons également la présence discrète mais très active de forces spéciales américaines fortement impliquées dans la lutte antiterroriste. Une présence soutenue régulièrement par des raids de drones américains pilotés par la CIA.
 
Durant la même période un groupe Facebook baptisé « Algérie pacifique » est créé. On y retrouve le poing fermé d'Otpor et un slogan qui dit : « Ensemble tout devient possible ». Mais les autorités algériennes surveillent de très près internet et les forces de sécurité sont déployées en masse lors des rassemblements qu'elles dispersent systématiquement. Là encore la révolution peine à prendre forme.
 
Au Maroc voisin, le roi anticipe et pour éviter un printemps arabe organise un referendum afin de modifier la constitution. Fin novembre 2011 le Parti pour la justice et le développement, rassemblant les islamistes qualifiés de monarchiques, est le grand gagnant des élections législatives. Le roi n'a pas d'autre choix que de nommer à la tête du nouveau gouvernement le chef des islamistes.
 
Si l’on devait chercher un dénominateur commun à toutes ces actions censées être spontanées et ayant pour but louable avoué de défaire des tyrans et d'instaurer la démocratie, ce serait «  islamistes et États-Unis ».
 
Un exemple : l'Égyptien Mohamed Adel, qui a fait ses premières armes chez les Frères musulmans avant d'être formé par CANVAS financé par des organisations américaines, ou encore Wael Ghonim, cadre chez Google, le géant de l'internet dont la collaboration avec les services de renseignement américains n'est plus un secret.
 
Plus discret mais non moins actif, le Qatar non seulement apporte son soutien financier, mais fournit également des combattants sous la forme de ses forces spéciales qui ont été, notamment, très actives en Libye.
 
Peu à peu, un voile d’ombre, que certains qualifieront volontiers « d’omerta », se lève sur ces révolutions qui ont transformé, en profondeur, le visage du monde arabe tel que nous le connaissions. Ce printemps arabe a, également, révélé la puissance d’une force nouvelle, désormais au cœur des enjeux de stratégie mondiale, celle d’Internet et des réseaux sociaux. Elle marquera un tournant dans l’Histoire des « Révolutions ».
 
Yves-Marie Peyry, Chercheur associé au Centre Français de Recherche sur le Renseignement (CF2R)
Alain Charret, Ancien cadre des services de renseignement français, rédacteur en chef de « Renseignor ».

 

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