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La question du port du niqab s'est subitement posée en Tunisie à l'aune des dangers sécuritaires qu'encourt le pays. L'interdiction du port du niqab dans les espaces publics se retrouve propulsée dans le débat national, entre ceux qui justifient une telle mesure par les enjeux sécuritaires et d'autres, attachés aux libertés individuelles.
Le débat sur la question du port du niqab a été relancé par de récents faits divers. Le porte-parole du ministère de l'Intérieur, Mohamed Ali Aroui, a lourdement insinué, lors de l'une de ses déclarations médiatiques, que les terroristes se déplaçaient vêtus d'un niqab pour échapper aux contrôles de police. Par ailleurs, la récente arrestation d'un criminel notoire qui se déplaçait en niqab a donné la preuve que ce vêtement pouvait être utilisé à des fins de dissimulation.
Réagissant à cette question, le ministre de l'Intérieur, Lotfi Ben Jeddou, a indiqué que la question de l'interdiction du port du niqab était une question politique qui dépasse le niveau de son ministère. Il a ajouté que la Tunisie était un pays de liberté et qu'on ne pouvait interdire le niqab. Cependant, à la lumière des récentes menaces terroristes, le ministère a annoncé, aujourd'hui même, de nouvelles mesures visant à resserrer le contrôle sur les personnes portant le niqab et ce, dans le respect de la loi.
Pourtant, la question du port du niqab est une problématique à laquelle la Tunisie a déjà été confrontée après la révolution. Des étudiants de la Faculté de Lettres de la Manouba se sont rebellés contre la décision de l’administration d'interdire l'accès aux salles d'examen aux niqabées. Complètement lâché par son administration et par l'Etat, le doyen de la faculté, Habib Kazdaghli, a dû se battre seul contre ces étudiants qui n'ont pas hésité à user de violence contre lui.
Le ministre de l'Enseignement supérieur de l'époque, Moncef Ben Salem, avait décrété que la décision d'interdire ou non le port du niqab ne lui revenait pas et dépassait le niveau du ministère. Il avait déclaré que c'était à l'Assemblée nationale constituante de trancher et avait même demandé l'arbitrage du Tribunal administratif dans cette affaire. A peu de choses près, cette argumentation est reprise, aujourd'hui, par le ministre de l'Intérieur pour se dessaisir de la responsabilité d'une telle décision.
Les décideurs du pays se retrouvent donc pris entre le marteau de la menace sécuritaire et l'enclume des libertés individuelles. D'un côté, il est légitime de se prémunir contre un risque éventuel d'ordre sécuritaire en imposant une interdiction du port du niqab. D'un autre côté, est-il logique d'imposer cette punition collective à toutes les personnes qui ont fait ce choix vestimentaire discutable car des criminels en profitent pour se dissimuler? Là est toute la question.
Une citation prêtée à David Cameron, Premier ministre britannique, dit : "Il n'y a plus de droits de l'Homme quand il s'agit de sécurité nationale". La Tunisie se trouve confrontée à ce dilemme. La France, pays de tradition laïque, a été confronté à ce choix et a préféré légiférer sur la question. En effet, le port du voile intégral y est interdit depuis le 11 avril 2011. Une série de faits divers, dont un contrôle d'identité opéré à Nantes sur une femme au volant qui portait un niqab, ont précipité le débat sur cette question. Plusieurs griefs ont été adressés à cette loi parmi lesquels le simple fait de voter une loi qui ne concerne que quelques centaines de personnes. Evidemment, la question des droits et des libertés individuelles a été évoquée mais finalement la loi a été votée. Selon cette loi, le port du voile intégral est puni : dissimuler son visage sous une cagoule ou un niqab dans les lieux publics est ainsi passible d'une amende qui peut monter jusqu'à 30.000 € pour celui ou celle qui aura éventuellement imposé le port de ce voile à autrui.
Quel est le bilan de cette loi aujourd'hui? Le moins que l'on puisse dire est qu'il est mitigé. La loi a permis de réfréner, dans une certaine mesure, les ardeurs de jeunes filles qui ne portaient pas encore le niqab. Le sachant interdit par la loi, elles ne franchissent plus ce pas vers le voile intégral et se contentent d'autres formes vestimentaires qui ne couvrent pas le visage. D'un autre côté, l'application de la loi est imparfaite car plusieurs avouent braver la loi et continuer à porter leur niqab dans les lieux publics sans pour autant être inquiétées par les autorités. Par conséquent, des questions se posent quant à l'applicabilité de cette loi. Le bilan français sur cet aspect est équivoque : seulement quelques dizaines de contraventions ont été dressées après un an d'application de la loi. Est-ce dû au fait que la loi est inapplicable ou au fait que la population cible de cette loi est déjà assez réduite? La question se pose.
De retour au contexte tunisien, il est difficile d'imaginer la manière avec laquelle une loi comparable serait appliquée. Si le port du niqab est interdit dans les lieux publics en Tunisie, que risquerait la ou le contrevenant? Une amende ou une peine d'emprisonnement?
L'application également pose problème. Aurions-nous des policiers postés pour vérifier sur les visages des passants à quel point ils sont couverts? Le risque de dérive et de mauvaise interprétation est prépondérant.
Le débat sur la question de l'interdiction du port du niqab en Tunisie semble n'être qu'à ses débuts. La vision sécuritaire de la question devra confronter ses arguments avec la vision défendant les libertés individuelles. Le rôle des institutions dans ce débat social par excellence sera déterminant. Il faudra éviter de reproduire la monumentale erreur de la présidence de la République qui avait pris fait et cause pour le port du niqab dans les facultés, de manière maladroite. Moncef Marzouki avait décrété : "Je ne peux pas comprendre et je n’accepte pas que l’on empêche les étudiantes de passer leurs examens en portant le niqab". Le comble c'est qu'il avait fait cette déclaration un certain 16 mai 2013 à l'occasion du…dialogue national !
Le débat s'annonce donc passionné et mouvementé. Mettant aux prises des argumentations différentes, sécuritaires ou religieuses, la question de l'interdiction du port du niqab devra être abordée avec tact et mesure. C'est-à-dire, autrement que la façon avec laquelle l'a fait le président de la République. Le point positif c'est qu'aujourd'hui, on peut en parler librement.
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