La Tunisie s'engage un peu plus pour l'égalité hommes/femmes

La Tunisie a officiellement adopté sa nouvelle constitution le 26 janvier 2014, entrée en vigueur lundi dernier. Trois ans après la destitution du président Ben Ali, l’assemblée constituante consacre un document qui représente un pas important pour les femmes tunisiennes. En effet, la nouvelle institution établit la citoyenne dans son libre droit pour la première fois.

Depuis la chute du régime autoritaire de Ben Ali en 2011, suite au mouvement dit du printemps arabe, la Tunisie a à sa tête une assemblée constituante composée de 217 membres, tous issus de partis politiques différents, présidée par Mustapha Ben Jaafar.
 

La constitution tunisienne demeurait inchangée depuis le texte de 1959. Après trois ans de compromis et discussions entre les partis islamistes (Ennahada) et les autres forces politiques, une nouvelle constitution vient d'être adoptée, le 26 janvier dernier. Ce travail collaboratif est un exemple pour les pays du Moyen-Orient et du Maghreb. Le texte a été voté à l’unanimité avec 200 "pour" et seulement 12 "contre" (et 5 abstentions). Il est composé de 146 articles séparés en 10 chapitres. Cette nouvelle constitution tunisienne est une avancée importante pour le statut de la femme tunisienne, comme nous l'a expliqué la sociologue et chercheuse Amel Boubekeur, spécialiste du Maghreb, du féminisme, des minorités, et de l’Islam en Europe, qui considère ce texte comme "une avancée exemplaire".
 

L’établissement de l’égalité homme/femme
 

La nouvelle constitution intègre directement "la citoyenne" dans le texte, changeant le principe de "complémentarité" par celui de "l’égalité" entre les deux sexes. En effet, la complémentarité ne mettait pas les membres féminins au même plan que les hommes, puisqu’elle instituait que chacun des sexes avaient un rôle différent, et complémentaire. Aujourd’hui, selon Amel Boubekeur, ce texte colle directement : "à la tradition tunisienne de moderniser l’Etat". L’article 20 impose l’égalité institutionnelle des sexes : "Un pays libre, indépendant et souverain […] Les citoyens et citoyennes, sont égaux en droits et devoirs devant la loi sans discriminations aucunes". Néanmoins, peut se poser la question du décalage entre le texte et son application. Pour Amel Boubekeur, "L’avenir du droit des femmes est définit, par contre l’avenir sur le plan civil ne peut pas simplement dépendre du texte […] C’est concret, mais d’autres acteurs rentre en jeux, les réalités économiques difficiles ne sont pas une situation idéale pour l’émancipation des minorités".
 

La parité s’institue et la femme est protégée
 

L’article 45 de la constitution institue la parité hommes/femmes, jusque dans les sphères politiques avec une "représentativité des femmes à l’assemblée". Désormais, n’importe quelle Tunisienne pourra s’encarter sur une liste électorale sans craintes. "L’Etat garantit la protection des droits de la femme et soutient ses acquis. L’Etat garantit l’égalité des chances entre la femme et l’homme pour assumer ses responsabilités et dans tous les domaines. L’Etat œuvre pour réaliser la parité entre la femme et l’homme dans les conseils élus. L’Etat prend les mesures nécessaires afin d’éradiquer la violence contre la femme".
 

Amel Boubekeur précise également "que n’importe qu’elle femme dans les campagnes tunisiennes pourra s’inscrire sur une liste, et c’est cela qui va renforcer l’imprégnation du texte et son application sur le terrain".
 

La place de la Religion face au nouveau statut féminin
 

La constitution institue le statut égalitaire en s’opposant au principe de complémentarité directement tiré d’une lecture de la Charia. La question du statut de la femme dans la religion musulmane et plus particulièrement selon les codifications de la Charia est bien mal connue pour les non-spécialistes, et très compliquée. Tout d’abord, la Charia est un ensemble de principes et de lois rédigés plus de trois cent ans après la mort du prophète Mahomet. Ce texte est tendancieux puisqu’il propose un nombre de lectures incalculable. En résumé, il codifie la vie publique et privée d’un musulman, ainsi que ses interactions sociétales. Ce texte serait une émanation de la volonté de Dieu. Le code du statut personnel d’Habib Bourguiba promulgué en 1956 a établi des limites à la lecture de le Charia. Le texte éradique par exemple le principe de répudiation ou la polygamie. Il institue également le divorce et le mariage par consentement mutuel. En revanche, il maintient le statut complémentaire, la dot, l’homme comme chef de famille, et l’héritage deux fois plus important d’un garçon conformément à la Charia.
 

En somme, cette constitution est une avancée "concrète" et inéluctable pour l’identité tunisienne. C’est un progrès d’une force rare découlant directement du printemps arabe, selon Amel Boubekeur. "C’est la réouverture d’une discussion" explique-t-elle. L’identité politique tunisienne se qualifie par son modernisme et la marche semble définitivement lancée, qui seront les prochains à suivre le mouvement ?

 

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