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VIDÉO - L'ex-premier ministre tunisien Béji Caïd Essebsi, un vétéran de la politique âgé de 88 ans, a remporté la présidentielle de dimanche avec 55,68% des voix, devant le président sortant Moncef Marzouki.Thibaut Cavaillès, Tunis
Les estimations étaient donc justes, annonçait ce lundi après-midi l'Instance Supérieure Indépendante des Élections (ISIE), obtient 55,6 % des voix contre 44,4% pour son adversaire le président sortant Moncef Marzouki. Le leader du parti Nidaa Tounes n'avait pas attendu l'annonce officielle. Dimanche soir au pied de son QG de campagne, il s'adressait en vainqueur à ses sympathisants qui ont chanté et dansé jusque tard dans la soirée.
Comme dans la plupart de ses discours Béji Caïd Essebsi s'est référé au Coran: «Dieu a dit “Unissez-vous, même dans la compétition”» déclarait-il. C'est peut-être insuffisant pour rassurer ceux qui voient en ce défenseur d'un État séculier un ennemi de l'islam, mais la citation a le mérite de tenter de rassembler dans un pays divisé par une campagne électorale violente. Moncef Marzouki n'avait pas reconnu sa défaite que déjà BCE appelait à la réconciliation. «Permettez moi de remercier Moncef Marzouki, lançait-il au milieu des lazzis fusant dès le nom du président sortant prononcé, et lui dire que le plus important, ça n'est pas ce qui s'est passé dans la campagne mais ce que l'on va faire aujourd'hui et demain pour la Tunisie.» Un appel à la concorde relayé par son directeur de campagne Mohsen Marzouk: «Nous appelons nos concurrents et toutes les forces politiques du pays à unir nos forces, pour ensemble sortir le pays de la crise actuelle car aucun parti ou individu ne peut y parvenir seul. Il faut qu'il y ait un consensus national autour des thèmes majeurs et des objectifs de la révolution.» Objectifs non tenus avec des prix à la hausse, un chômage qui touche environ 15% de la population et une montée de l'insécurité à laquelle les Tunisiens ne sont pas habitués. «Il faut rester modeste face à cette victoire, poursuivait le directeur de campagne, parce que ce qui nous attend est énorme. Tant au niveau des réformes que du développement économique et social, de la lutte contre le terrorisme.»
Estomper le clivage nord-sud
L'une des missions de Béji Caïd Essebsi et le gouvernement que le premier ministre nommera doit former -son parti Nidaa Tounes ayant obtenu une majorité relative à l'assemblée en octobre dernier-, sera également de réconcilier les Tunisiens entre les tenants d'un islam politique et les «modernistes», essayer aussi d'estomper le clivage nord-sud que ce scrutin a confirmé. Depuis dimanche des manifestants protestent contre l'annonce de la victoire de BCE dans la ville de Hama, dans le sud. «Non à l'ancien régime» chantaient des centaines de jeunes brûlant des pneus avant d'être réprimés par les gaz lacrymogène des policiers. Déjà à l'issue du premier tour, les propos de ce vieux loup de la politique ont provoqué des échauffourées dans ce même sud tunisien oublié de la capitale. BCE pourtant en tête avait critiqué le fait que les électeurs de son adversaire Marzouki étaient des salafistes et des djihadistes. Il est maintenant devenu le président de ces gens là, tout comme de celui d'environ 5 millions de citoyens qui n'ont pas voté, non inscrits ou abstenus.
Une élection avec 55,5 % des suffrages des tunisiens inscrits n'est pas un plébiscite d'autant que les moindres faits sous sa présidence, ainsi que ceux de son gouvernement, seront scrutés par ceux qui ont chassé l'ancien régime. Dans le quartier populaire du Kram, près de Tunis, Zyed, 25 ans voit en cet ancien ministre de l'Intérieur de Bourguiba, le retour de Ben Ali: «Les gens vont attendre de voir ce que va faire Béji Caïd Essebsi. Si dans cinq ou six mois, il n'y a rien de mieux, il y aura une nouvelle révolution et le même scénario qu'avec Ben Ali.»
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