Marcel Lance, boxeur musulman : Concilier l'effort sportif et le jeûne, c'est possible

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Marcel Lance, musulman pratiquant de 50 ans, est membre d’un club de boxe. Tous les jours, entre le lever et le coucher du soleil, il ne pourra ni boire ni manger. Pour ce sportif, il n’est pas question de prendre des risques inconsidérés, mais il ne s'arrêtera pas de boxer pour autant pendant cette période... Témoignage.

Français converti à l’islam, depuis 2008, je fais le ramadan. Cette période de jeûne, je l’attends avec impatience. Même si je sais que dans un peu plus d’un mois, j’aurais hâte qu’elle se termine.
 

Jusqu’à mes 30 ans, j’ai pratiqué la boxe française au niveau national, allant même jusqu’au championnat de France Elite. Aujourd’hui, j’ai 50 ans, mais ce n’est pas pour autant que j’ai arrêté de m’entraîner.
 

Tous les jours, je fais environ 2 heures de sport. Je m’entretiens pour conserver un bon rythme cardiaque.
 

Pendant le mois du ramadan, il n’est pas question de stopper du tout au tout. Pour ça, j’ai quelques techniques.
 

Faire attention à son alimentation dès le début
 

Pour bien aborder cette période de jeûne tout en continuant à faire du sport, la première étape est de se préparer en amont. La semaine précédant le ramadan, vous pouvez troquer votre alimentation très riche de sportif, pour des repas un peu plus légers (légumes, salade, poisson…).
 

 Un fois, le ramadan débuté, vous n’avez plus le choix : il est interdit de manger ou de boire entre le lever et le coucher du soleil.
 

Moi, je me lève pour 4h30 du matin pour faire la première prière. Puis, tout de suite après, je prends ma première collation de la journée : un café - hors de question de s’en passer -, un plat consistant (des pâtes, par exemple) et un yaourt.
 

Un entraînement moins soutenu
 

Pendant la journée, je ne fais rien de particulier. J’évite simplement de faire du sport à trop haute dose. Un jogging à 14 heures en plein cagnard serait totalement idiot et inconsidéré.
 

Je préfère me dépenser le soir entre 20 et 22 heures. Pour pallier au manque de carburant, j’opte pour un entraînement beaucoup moins soutenu. Vélo, footing, musculation, oui, mais en baissant l’intensité à trois au lieu de sept par exemple.
 

Quand vous faites le ramadan, il faut bien comprendre que vous manquez de sucre, de vitamines, d’énergie. Ça ne sert à rien de vous tuer à la tâche.
 

 Ne pas boire et avoir la bouche pâteuse
 

Le plus difficile à vaincre, c’est la soif. Ne pas manger, c’est maîtrisable. L’eau, en revanche, me manque terriblement.
 

Dès l’aube, je bois au moins deux litres d’eau. J’ai l’impression de me transformer en chameau, mais ça me permet de tenir toute la journée, même si en fin d'après-midi, je me retrouve avec une langue toute blanche et une bouche pâteuse.
 

Pendant l’entraînement, je m’autorise à m’asperger d’eau. Sur la nuque, le visage et même en mettre dans ma bouche puis la recracher, ça fait toujours du bien.
 

 Pas question de se gaver après 22 heures
 

À partir de 22 heures, nous avons donc la possibilité de faire une deuxième collation dans la journée. Pour moi, il n’est pas question pour autant de dévorer tous les plats qui me passent sous le nez.
 

Bien sûr, à la maison, ma femme me prépare des plats traditionnels, mais nous essayons de rester raisonnables.
 

Je ne bois pas d’alcool, je ne fume pas, je ne prends aucun complément alimentaire, je marche au naturel. C’est certainement pour ça que je n’ai jamais craqué ou que j'ai eu de difficulté à supporter ces privations.
 

Il est quasi-impossible de concilier compétition et jeûne
 

La boxe est un sport très soutenu, qui demande pas mal d’effort si on veut être au maximum de ses capacités. En plein match, vous portez un protège-dents, en sueur, dans une chaleur insupportable, il est quasi-impossible de concilier la compétition et le jeûne.
 

J’ai déjà vu des boxeurs s’écrouler en plein match parce qu’ils n’avaient pas suffisamment de force face à l’adversaire.
 

Dans ce cas-là, mieux vaut éviter de faire le jeûne, quitte à le faire plus tard dans l’année, ou à le répartir sur plusieurs mois. La religion l’autorise. Quand vous êtes pro, vous jouez votre carrière à chaque match, il vaut mieux rester vigilant pour éviter les accidents.
 

La boxe, un sport trop violent pour le ramadan
 

Certains décident de freiner d’eux-mêmes leurs entraînements. Pas seulement à cause de l’effort, mais aussi parce que la boxe reste un sport de combat. Or, le Coran ne recommande pas ce type d’activités "violentes" pendant le ramadan.
 

Moi, je préfère taper dans un sac plutôt que de faire un match avec quelqu’un. Je ne serais pas suffisamment concentré pour combattre correctement.
 

On peut toujours trouver un moyen de concilier les deux sans se sentir frustrer. Moi, le ramadan, je le vois comme une épreuve mais je suis heureux de le faire.
 

D'une certaine manière, c’est aussi un match que j’essaie de remporter.
 

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