Tourisme en Tunisie : Résistance d’un admirable peuple

La condition féminine, les effets socio-économiques de la révolution du Jasmin, les attentats du bardo et de Sousse et d’autres sujets lui importent vivement.

Elle a perdu son travail dans une société française, laquelle craignant les turbulences ayant marqué la Tunisie ces derniers mois a plié bagages en laissant sur le carreau ses travailleurs autochtones.

Elle s’est dégotté un nouveau job et s’implique désormais bénévolement dans une association caritative agissant pour la réhabilitation de certaines écoles situées dans des zones reculées du pays. «En goûtant à la précarité, on ressent celle des autres», dit-elle en guise d’explication.

Son association a planifié un plan d’action pour redorer le blason d’une école du gouvernorat de Bizerte. «Nous avons élaboré un dossier de sponsoring et contacté des sociétés donatrices et des particuliers avec en parallèle des publications sur facebook afin de rassembler toutes les bonnes volontés. Avant la rentrée scolaire, nous allons rénover les classes, aménager des toilettes et offrir des lots de fournitures scolaires pour les élèves de l’école Demnet Rebh.

Pour construire une clôture à cet établissement scolaire, une nouvelle idée d’utiliser des bouteilles en plastique remplies de terre sera utilisée.

Ceci permettra par ricochet d’initier les enfants à de nouvelles techniques de recyclage des objets du quotidien. Nous allons réaménager le jardin et peindre la maison des enseignants car nous pensons que le changement des mentalités commence à l’école et qu’un enfant qui lit sera un adulte qui pense», a confié notre interlocutrice visiblement nantie d’un admirable capital de volonté et d’abnégation pour que les choses changent en Tunisie. Fort heureusement, celle-ci n’est pas la seule à s’investir dans l’action humanitaire car «le passage d’un Etat autoritaire à la démocratie à son prix», est-elle persuadée.

DES ASSOCIATIONS DYNAMIQUES

Dénotant du profond désir de la société civile tunisienne de développer les notions de volontariat, de bénévolat et de solidarité au profit des minorités et de la frange de la société aux besoins spécifiques telles que celles des enfants des zones rurales en mal de scolarité, des mères célibataires, des handicapés mentaux et moteur, des malades du cancer et du sida, des chômeurs et des migrants des pays du Sahel, plus de 300 associations caritatives et humanitaires à but non lucratif affiliées à l’Union des associations humanitaires tunisiennes (UAHT) ont été créées en Tunisie depuis 2011, a-t-on appris.

Elles activent sans le moindre budget étatique mais avec le soutien de mécènes, de bienfaiteurs et de donateurs de tous acabits.

Ces organisations s’assignent la mission du maintien de la cohésion sociale et la lutte contre les disparités et toutes les injustices sociales ainsi que contre les épidémies et les pandémies du temps présent. B. Skander, la trentaine bien entamée est le leader de l’association Amel.

Celle-ci s’occupe des personnes à mobilité réduite, «lesquelles sont marginalisées et doublement pénalisées du fait de l’absence d’aménagements d’accès aux bâtiments publics, aux administrations et aux infrastructures à caractère culturel et sportifs», s’offusque-t-il. Les membres de cette association mènent à travers les réseaux sociaux une campagne pour que des rampes d’accès et des escalators soient prévus pour les handicapés au moins dans les grandes villes tunisiennes.

Autre projet tenant à cœur des affidés de cette association, le lancement en octobre prochain d’une radio pour les handicapés. Elle emploiera 8 d’entre eux et émettra 12h par jour sur bande FM.

Elle sera, selon son cahier des charges, la voix des handicapés et un médium de promotion de leurs droits. Z. Choukry est un intermittent du spectacle. Il travaillait à Hammamet dans les studios de cinéma.

Mais depuis la recrudescence du terrorisme, beaucoup de producteurs de films et de séries pour la télévision ont quitté les lieux laissant des dizaines de figurants, décorateurs, maquilleurs, preneurs de son, cameramen, restaurateurs et transporteurs dans l’oisiveté et le désarroi.

Il milite dans une association pour que ces personnes mises au chômage technique aient des aides de l’Etat pour se reconvertir en attendant que les projecteurs se rallument pour eux. Recensant plus de 300 nouveaux cas de malades du cancer par an, les membres de l’association «Yellow», eux, organisent des visites dans les hôpitaux pour les enfants cancéreux.

Ils les accompagnent et les soutiennent financièrement et moralement lors des séances de chimiothérapie et leur offrent des cadeaux à l’occasion des fêtes nationales. Ces jeunes malades bénéficient aussi d’un soutien scolaire et de fournitures à chaque rentrée scolaire.

Le plus grand souhait des membres de cette association est de voir se construire un hôpital anti-cancer et un centre de recherches à Tunis.

Dame à l’allure distinguée, parlant d’une voix claire et posée, B. Souah, 32 ans, parle des difficultés socio-économiques des mères célibataires et du devenir de leurs enfants nés hors mariage dans une société conservatrice rejetant de facto ce genre de personnes.

Son travail dans l’association, où elle active depuis 4 ans, consiste à se rapprocher des femmes vivant cette tragédie pour leur proposer un soutien moral et psychologique et les aider à subvenir aux besoins de leurs bébés nés sous x en leur offrant des trousseaux, du lait, des médicaments et des jouets. D’autres associations prennent en charge les malades du sida, les toxicomanes, les alcooliques, les migrants subsahariens et les SDF, note-t-on.

UNE SAISON TOURISTIQUE SAUVÉE IN EXTREMIS

Même si cette saison n’aura pas répondu aux attentes des professionnels du tourisme habitués à des records d’affluence en été, les algériens avec leur promesse tenue de venir en masse en Tunisie pour contrecarrer les machiavéliques desseins des terroristes, ont permis de limiter la casse, explique-t-on.

En effet, l’on décompte depuis le début du mois d’août de 7500 à 8000 entrées par jour de véhicules algériens sur le sol tunisien par voie terrestre, sans omettre les estivants qui ont rejoint la Tunisie par les airs. L’avenue Bourguiba de Tunis a certes connu une baisse palpable de son taux de fréquentation en ce mois d’août 2015, mais elle est restée un lieu prisé et loin d’être désertée en dépit du blocage de l’une de ses voies.

Elle est gardée par des voitures de la police postées à intervalles réguliers tandis que des bâtiments publics sont désormais entourés de fils barbelés et que l’ambiance n’est pas vraiment à la joie, a-t-on constaté. Les hôtels et les complexes touristiques de Gammarth, Sousse et Hammamet n’ont pas fonctionné à plein régime. Plombée par la défection des touristes européens, le secteur du tourisme affiche, en attendant les chiffres officiels, un taux de -30% d’occupation par rapport aux années fastes, reconnaît-on pour le moment.

Ammi Hassan, chauffeur de taxi sexagénaire connaît l’histoire de son pays sur le bout des doigts. «La Tunisie vivra !» clame-t-il en ajoutant que «Bourguiba l’a mise sur les rails du modernisme et du développement mais il a commis une immense bêtise en octroyant d’immenses terrains agricoles à des affairistes et des gens n’ayant rien à voir avec l’agriculture qui ont revendu leurs lopins de terre et sont allés investir dans les secteurs où le gain est facile et rapide.

Comment expliquez-vous qu’un travailleur comme moi, faisant parfois des journées de 18h pour nourrir sa famille, paye à l’Etat le même taux d’impôt annuel que le propriétaire d’une brasserie ou d’un café ? C’est inique. Non ? Cette année est mauvaise pour nous, mais cela va redémarrer bientôt.

C’est vrai, nous sommes touchés mais encore loin d’être coulés. Les pays maghrébins doivent s’inspirer du mode de développement des pays de l’Asie du sud-est», estimera-t-il sans jamais évoquer les effets du terrorisme sur son activité, un sujet qu’il semble vouloir éluder tant il le répugne, a-t-il confié. Classée parmi les 10 plus importantes économies du continent africain, «bien qu’elle n’ait ni petrole, ni industrie lourde, ni agriculture performante, la Tunisie a les ressources humaines pour se relever de cette mauvaise passe», conclura H. Fatma, qui ne s’est jamais départie de sa bonne humeur et de son sourire radieux de Tunisienne.

Elle avait aussi au fond des prunelles durant tous nos entretiens cette sorte d’étincelles inextinguibles des gens sincères, des étincelles rendant crédibles toutes ses paroles. Des paroles à boire sans modération aucune tant elles étaient belles et empreintes d’espoir pour la Tunisie qui sort enfin de son légendaire anonymat.

 

 

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