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L’année 1889 n’a pas été une bonne année pour Tchekhov. Il termine péniblement son Ivanov, commence un roman mais ne sait pas trop où il va, n’arrive pas à écrire, son frère Nicolas est malade, il le voit « deux fois par jour » dès le mois de mars, le printemps est très tardif à Moscou, il décide de partir en mai pour Louka en Ukraine, emmenant son frère Nicolas en train (en 1ere classe, vu son état). Sa maladie est incurable mais il se dévoue entièrement à ce frère qui va mourir tout en cachant la vérité à sa mère, à sa sœur aussi. Il s’absente, fatigué, quelques jours en juin pour prendre quelques jours de repos, mais Nicolas décède.
La lettre qui suit est le reflet de cette année sombre. Rien ne présage cependant qu’il est à quelques mois –il ne le sait pas lui-même d’un voyage et d’une aventure, Sakhaline et son bagne qu’il veut visiter, qui le transformeront.
A A. S. SOUVORINE.
(Moscou, 18-23 décembre 1889)
... des essais, des feuilletons, des absurdités, des vaudevilles, des histoires ennuyeuses, une foule d'erreurs et d’inepties, des tonnes de papier noirci, un prix de l’Académie, une vie à la Potemkine, et pourtant pas une seule ligne qui ait, à mes yeux, une valeur littéraire réelle. J’ai derrière moi une somme de labeur intense, mais pas une minute de travail sérieux. Quand j’ai lu, ces jours-ci la Tragédie Familiale de Bejetski, ce récit m’a inspiré à l’égard de l’auteur un sentiment proche de la compassion; c’est exactement ce sentiment que j’éprouve quand je vois mes livres. Ce sentiment comporte un grain de vérité pas plus gros qu’une mouche, mais ma méfiance et l’envie que je porte aux œuvres d’autrui en font un éléphant. J’ai une envie folle de me cacher quelque part pendant cinq ans pour m’abandonner à un travail sérieux et méthodique. J’ai besoin d’apprendre, de tout reprendre depuis le début : en fait de littérature, je suis un complet ignorant. J’ai besoin d’écrire avec application, avec sentiment, avec intelligence, d’écrire non pas au rythme de cinq feuilles d’imprimerie par mois, mais d’une seule feuille tous les cinq mois. Il faudrait quitter la maison, il faudrait recommencer à vivre avec sept cents ou neuf cents roubles par an et non avec trois mille ou quatre mille comme aujourd’hui, il faudrait se moquer de tant de choses, mais il y a en moi plus d’indolence de méridional que d’audace...
En janvier j’aurai trente ans accomplis. Quelle horreur. Pourtant je suis dans le même état d’esprit que si j’avais vingt-deux ans...
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