Emmanuelle Devos et Édouard Baer se font des scènes

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Dans La Porte à côté, Bernard Murat dirige Emmanuelle Devos et Édouard Baer avec doigté. Une pièce ludique et musicale.

C'est malin comme du Diderot, vertigineux comme du Pirandello, brillant comme du -Ayckbourn, grisant comme du Marivaux. Une comédie à la française, élégante, sentimentale, -pleine d'esprit. Bernard Murat signe un spectacle idéal, se jouant de toutes les difficultés qu'induit la forme très particulière qu'a choisie Fabrice-Roger Lacan pour sa nouvelle pièce, La Porte à côté.
 

Cette suite de variations sur un thème unique, très bien écrite et redoutablement construite, alterne l'adresse au public et le jeu face à face. Au cœur du duel à fleurets plus ou moins mouchetés qui oppose les deux protagonistes, l'auteur tient aussi à nous rappeler qu'il s'agit de théâtre… Comme si, elle et lui - ainsi les désigne Fabrice-Roger Lacan - savaient que, littéralement, ils se font des scènes.
 

Ils habitent sur le même palier. Elle, psychanalyste, intellectuelle active, qui, en s'occupant des difficultés des autres, oublie les siennes. Lui, publicitaire, dilettante résolu, qui travaille pourtant beaucoup et se contente de distractions faciles. Elle, Emmanuelle Devos , lui, Édouard Baer. Un très beau couple de théâtre. Ils sont séduisants, audacieux et libres. Et très disciplinés sous le regard d'un directeur d'acteurs exigeant qui s'appuie sur une équipe artistique inspirée.
 

Sophistication enivrante
 

Tout commence sur un plateau nu, face au public. Les deux «person¬nages» se définissent réciproquement avant d'entamer un éblouissant match, hilarant et toujours émouvant. Les scènes se suivent sur un rythme soutenu, déclinaisons de tous les ¬avatars qui nourrissent les conflits ¬entre voisins. La musique tonitrue, les clés ont été oubliées, le four ne marche pas, le dégât des eaux menace, etc. C'est simple, mais d'une sophistication enivrante, et jamais l'intérêt ne faiblit dans cette partie de ping-pong aérienne, toujours relancée avec efficacité par le dramaturge de Cravate club.
 

On les admire, ces deux ¬comédiens très doués et ultrasen¬sibles, pétillants et capables de passer d'une humeur à l'autre
 

Le décor de Nicolas Sire, éléments mobiles aux mouvements parfaitement orchestrés, les lumières très changeantes de Laurent Castaingt, la musique de Benjamin Murat, les cos¬tumes d'Emmanuelle Youchnovski, tout ici sonne juste, allegro presto.
 

Les deux interprètes sont accordés à la perfection et leur jubilation est très communicative. Elle est autoritaire jusqu'à l'arrogance, il est léger jusqu'à la nonchalance. Il est moqueur, elle est sérieuse. Il est souple, elle est ¬rigide. Les timbres des voix sont ¬profondément harmonieux et disent ce que ne disent pas les mots, disent ce que les personnages ne veulent pas s'avouer.
 

Chut! On n'en dévoilera pas plus. On sourit, on rit beaucoup, on est ému toujours. On les admire, ces deux ¬comédiens très doués et ultrasen¬sibles, pétillants et capables de passer d'une humeur à l'autre comme l'exigent leurs partitions. Elle, lui, les personnages, sont en lévitation légère et érotique.
 

C'est superbe. Une effervescence ¬irrésistible à saisir jusque dans leurs beaux regards, profonds et vifs. Le ¬public, tellement heureux, éclate en applaudissements sans fin. Cham¬pagne!
 

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