Georges Rousse : ses dernières photographies exposées à Lyon

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Jusqu’au 26 juillet au Plateau de Lyon, «Utopies partagées» retrace la carrière de Georges Rousse et dévoile ses derniers clichés, réalisés en Inde.

Désormais, une immense étoile jaune flotte tel un talisman dans le petit local en tôle de l’ONG Apnalaya, au pied des montagnes d’ordures qui surplombent l’un des plus grands bidonvilles de Bombay, à Shivaji Nagar. Ce motif, peint à même l’architecture, est une anamorphose. Ce qui signifie qu’il faut se placer à un endroit précis de la pièce pour le voir prendre forme, comme détaché de son support. Ce qui signifie, aussi, que le photographe Georges Rousse est passé par là.
 

Le dernier chantier du roi du trompe-l’oeil, réalisé en Inde en février, laisse une trace rare, car l’artiste intervient habituellement dans des bâtiments voués à la démolition, qu’il transfigure par ses anamorphoses avant d’en faire le cliché. L’œuvre est bien là, exclusivement photographique; acte de mémoire, sublimé, dédié à des lieux arrachés à l’oubli.
 
Bombay : un dernier projet inédit

 

Les cinq photographies réalisées en Inde sont montrées pour la première fois, jusqu’au 26 juillet au Plateau de Lyon, dans le cadre de l’exposition Utopies partagées. Cette dernière propose un éclairage original sur la dimension sociale de l’œuvre de Georges Rousse. «En 1996, Daniel Siino [ex-éducateur, NDLR] m’a proposé de parler de mon travail avec des jeunes rhônalpins en difficulté. J’ai dit OK, et pourquoi ne pas les faire venir sur les chantiers ?», rapporte le photographe. Sacuny (1997), Palerme (2000) Houston (2002), Chasse-sur-Rhône (2010), Bourgoin-Jallieu (2011), Mumbai (2014)… Une douzaine d’œuvres réalisée dans ce cadre est rassemblée à Lyon.
 

«L’Inde, c’était un projet personnel. Nous avons voulu les emmener dans un pays plus difficile», poursuit Georges Rousse. Là-bas, cinq jeunes rhônalpins et des enfants du slum de Shivaji Nagar ont suivi des ateliers de peinture et participé à la réalisation de l’œuvre. Fait inhabituel également, le produit de la vente des photographies, par la galerie Saffron art de Bombay, doit être intégralement reversé à l’ONG Apnalaya. Tirés chacun à cinq exemplaires, les clichés sont disponibles en «format indien» (50 cm x 66 cm, contre 125 cm x 160 cm habituellement) pour un «prix indien» (environ 3000 euros; soit en deçà de la cote de l’artiste, confirme Artprice). Un geste humanitaire qui, pour les acquéreurs, devrait donc être aussi une bonne affaire.
 

A Lyon, un espace est consacré à ces photographies, jouxtées d’une installation inédite : un prototype d’espace reproduisant le local d’Apnalaya grandeur nature. Ce dernier - plus didactique qu’artistique - permet au visiteur, placé au point de vue de l’appareil photo, de visualiser une anamorphose circulaire.
 

ARTVENTURE - MUMBAI 2014 from Georges Rousse on Vimeo.
 

Utopies partagées, la rétrospective
 

Au-delà de l’aventure indienne, l’exposition Utopies partagées rassemble une trentaine d’œuvres réalisée entre 1982 et 2014, favorablement en Rhône-Alpes, de la figuration des débuts (Villeurbanne, 1982), abandonnée dans les années 1980, aux « sculptures immatérielles » (Houston, 2002 ; Lyon, 2012..).
 

«En voyant mes photographies aujourd’hui, certains pensent que j’en travaille les effets sous Photoshop», s’amuse ce dernier. On en est loin, et ce sont plutôt le XVe siècle renaissant d’Alberti, l’un des théoriciens de la perspective à l’italienne, ou les plus tardives Carceri d’Invenzione (Prisons imaginaires) du Piranèse, qui sont ici évoqués.
 

Sacuny (1997), réalisé dans un ancien établissement pénitencier, a ainsi nécessité une découpe des murs existants, une reconstruction d’autres éléments – ici en placoplâtre -, puis un texturage à la craie de l’anamorphose sphérique qui semble léviter au centre de la photographie. Et c’est bien cette remise en jeu de l’image, peinture et crayonnages venant frictionner les volumes capturés par le médium photographique, qui fascine dans l’œuvre de Georges Rousse. L’exposition du Plateau de Lyon est donc une belle occasion d’admirer les développements d’une œuvre aux multiples subtilités, que l’on aurait aimé voir mieux expliquées au visiteur, dans le cadre d’un parcours construit, mais finalement peu informé.
 

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