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Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI
Entre les gouttes et les perturbations liées au conflit des intermittents, le théâtre. Voici une première sélection de la rédaction des spectacles qui nous ont conquis.
Depuis le 5 juillet, le festival Off est sur le pont. Malgré les grèves et les orages qui ont perturbé le démarrage et rendu frileux le public. Les théâtres et les compagnies déplorent une baisse de 30% de fréquentation par rapport à l'année dernière. Mais elles ne désespèrent pas et constatent déjà que les salles se remplissent à l'approche du pont du 14 juillet. Tant mieux. Reste une question pour le festivalier: comment s'y retrouver dans cette jungle du Off? Loin des stars et des paillettes, voici une sélection des premiers spectacles qui nous ont séduits.
● Constellations
Roland est apiculteur, Marianne est physicienne. Les deux londoniens se rencontrent à un barbecue. Elle le met au défi de se lécher le coude, acrobatie plus que périlleuse. La première scène de Constellations pourrait sortir tout droit d'une comédie romantique anglaise. Mais très vite, la scène dérape, ou plutôt s'enraye, se répète avec des variations plus ou moins sensibles. Un coup, Roland est déjà en couple et leur histoire d'amour est mort-née, un coup, il est libre et leur romance peut commencer. Ou pas. Toute la pièce est fondée sur ce principe de l'alternative, riche en nuances. Plus tard, Roland avoue à Marianne qu'il la trompe ; la seconde suivante, Marianne avoue à Roland qu'elle le trompe. Cela revient au même et cela change tout.
Nick Payne, jeune auteur britannique, lauréat du Harold Pinter Award, ne se contente pas de jouer avec l'arbitraire du récit et le vertige des possibles. Il applique au théâtre les codes du cinéma: ellipses, flash-back et même flash-forward, procédé qui consiste à anticiper une scène se déroulant dans le futur. Ces fragments d'un discours amoureux dépassent l'exercice de style grâce à la justesse des comédiens, Noémie Gantier et Maxence Vandevelde, et de leur metteur en scène, Arnaud Anckaert, formidable directeur d'acteurs. Leur talent parvient à faire oublier le décor, un caisson en bois moche et inutile.
A la Manufacture / Patinoire, jusqu'au 26 juillet à 16h25 (départ de la navette), relâche les 10, 11 et 16 juillet. Tél.: 04 90 85 12 71.
● Inoffensif (titre provisoire)
«Parce que demain, c'est presqu'aujourd'hui, changeons le changement.» Dès le prologue, le ton est donné. Celui de l'humour drôle. Celui de Jérôme Rouger, auteur, comédien et metteur en scène. Au début, il est sur le plateau mais ne dit pas un mot. Les didascalies qui s'affichent sur le grand écran en fond de scène parlent pour lui. Le décalage est à mourir de rire. On ne sait pas très bien ce qu'il fait là. On le comprend au fil d'un spectacle qui mêle habilement les coulisses du monde du théâtre à celles de la politique. Attention, Inoffensifest le contraire d'un spectacle militant puisque Rouger, «révolté subventionné par l'État», ne fait qu'exprimer ses doutes. Doutes sur le discours et l'action politiques, doutes sur le théâtre comme lieu idoine pour faire part de ses états d'âme. Ce propos pourrait faire partir en courant. Heureusement, l'intervention d'un «chercheur en mécanique et dynamique de spectacle» le rappelle à l'ordre (Patrick Ingueneau, aussi bon musicien qu'excellent comédien).
Dès que la cote de satisfaction du public baisse et que l'esprit de sérieux domine, Rouger est rappelé à l'ordre. Cela ne l'empêche pas de se glisser dans la peau de Sébastien Richard, économiste et conférencier à Polytechnique, pour expliquer de façon limpide les arcanes de la finance (vous comprendrez tout sur la «couverture de défaillance»). Faussement foutraque et débridé, vraiment bien écrit et maîtrisé, Inoffensif porte mal son titre. L'humour est une arme de persuasion massive. Ce n'est pas Rouger qui le dit mais un philosophe qu'il ne se prive pas de citer: «Les gens sont plus faciles à diriger quand ils sont tristes.»
Au Théâtre GiraSole, jusqu'au 27 juillet, à 12h15 (relâche le 21 juillet). Tél.: 04 90 82 74 42.
● Yves-Noël Genod: «Rester vivant»
Yves-Noël Genod est fidèle à sa réputation de dandy. Il accueille le spectateur en lui offrant une coupe de champagne et lui demande s'il souffre de claustrophobie. Délicate attention et étrange question qui trouvent leur sens une fois installé dans la salle de la Condition des soies. Les gradins sont presque pleins. Genod éteint les lumières ; on est plongé dans le noir. Une petite heure durant, Genod dit Les Fleurs du Mal de Baudelaire. Il les dit sans emphase et superbement. Il ouvre avec L'Albatros, enchaîne avec Correspondances. Les mots nous parviennent à travers ce noir qui est un noir à la Soulages, plein d'aspérités, de reliefs et de reflets. Les professeurs de français qui veulent faire aimer Baudelaire à leurs élèves devraient tenter l'expérience. Et s'en méfier ; la morbidité sublime de Baudelaire ne laisse pas indifférent. Avant de conclure par Une charogne, Genot a niché quelques loupiotes dans le mur en pierre. Il a coiffé ses longs cheveux blonds d'un haut de forme qui lui donne une allure de croque-mort. Le même chapeau dans lequel le spectateur paye ce qu'il veut à la sortie. Ce spectacle préfigure celui annoncé en décembre prochain au Théâtre du Rond-Point à Paris. Mais on ne saurait trop conseiller de le voir à la Condition des soies, caveau idéal à ces Fleurs du Mal.
À la Condition des soies, jusqu'au 27 juillet, à 19h Entrée gratuite, sortie payante. Tél.: 04 32 74 16 49.
● Les loges de la vertu
En Avignon, l'Espace Alya abrite une faille spatio-temporelle. Tout à coup, on est à Paris dans les années 20. Le décor est celui des loges d'un cabaret. Avant d'entrer en scène, quatre femmes se racontent, se chamaillent, se consolent. En 1920, la guerre est tout juste finie et le féminisme n'a pas encore été inventé. Pour elles, la vie est plus rosse que rose. Anne-Louise de Ségogne, auteur, metteur en scène et comédienne, a lu Colette et Dan Franck pour croquer les danseuses de music-hall et les muses de Soutine, Modigliani, Apollinaire et Picasso. On croise Kiki de Montparnasse, modèle scandaleux du violon d'Ingres de Man Ray, mais aussi des anonymes, des crève la faim en quête de gloire et de fortune.
Des femmes-fleurs de trottoir comme celles que décrivaient Albert Londres et Frehel. Anne-Louise de Ségogne et ses partenaires, Sonia Fernadez-Velasco, Emilie Hamou et Muriel Marschal jouent à merveille la gouaille du début du siècle dernier, à la manière d'Yvonne Printemps et de Mistinguett. Elles la jouent et elles la chantent, faisant entendre tout un répertoire plus ou moins connu, de Je cherche un millionnaire (Marc-Cab et Lima, Nacio Herb Brown) à C'est un mâle (Charlys), en passant par Comme un moineau (Lenoir et Hély) et Les nuits d'une demoiselle (Breton et Legrand). Alexandre Rigaud (piano) et Alexandre Voisin (contrebasse, banjo, accompagnateur de la chanteuse Juliette) font parfaitement swinguer la gaieté triste de ces belles de nuit.
À l'Espace Alya, jusqu'au 27 juillet, à 18h45. Tél.: 04 90 27 38 23.
● Patinoire
Un homme seul en scène. Singulière configuration pour Patrick Léonard habitué à jouer au cirque à plusieurs; il est l'un des fondateurs des 7 doigts de la main. Il prend la scène comme on se ménage une place dans l'existence lorsqu on est un grand escogriffe d'artiste mal adapté à la vie, et doté d'un solide accent québecois. Il va de bricolages en maladresses, qui sont autant d'exploits.
Pas d'accessoires compliqués: deux chaises, une table, des baffles, une platine et sa valise de vinyles, et un lot de bouteilles vides. Assez pour dire la vie de tous les jours avec une virtuosité qui en souligne tous les déséquilibres. Il se pose tour à tour comme un DJ encombré de câbles et luttant corps à corps avec le matériel, joueur de diabolo aux prises avec la hauteur des ceintres, loin des problèmes ordinaires de gravité, bateleur de l'impossible dans un improbable numéro avec une unique pièce de monnaie. C'est un danseur de bric à brac, jongleur ébouriffant, qui fait feu de tout ce qui lui tombe entre les mains. Il jette son corps dans l'envol et le rebond, comme on marche sur des oeufs pour éviter le pire.
Avec en guise de morale des maximes joyeusement assénées et idéales pour défier les moments où la vie patine. Même s'il fait beaucoup rire, Patrick Léonard patine sur la gravité avec brio.
Théâtre du Chêne Noir, 8 bis rue Sainte-Catherine. Du 5 au 27 juillet à 10h30. Tél.: 04 90 86 74 87.
● Emeline Bayart, une perle dans le off
Du théâtre, du cirque, des spectacles jeune public, mais aussi du cirque, de la danse, de la musique. Côté chanson ne ratez pas «D'Elle à Lui» avec une artiste épatante qui a choisi un répertoire décalé. On connaît Emeline Bayart depuis ses années de Conservatoire. Comédienne sensible et grand caractère, elle est à l'aise dans les rôles sensibles et moirés, comme dans les compositions plus déjantées. Philippe Meyer, homme de goût, l'avait embarquée lorsqu'il donnait ces spectacles musicaux dans lesquels lui-même chantait. Etait-ce «Paris la grande»? Sans doute.
En tout cas, à cette occasion, on avait découvert le talent formidable de chanteuse de la jeune Emeline Bayart. Quelques années ont passé. A Paris, en juin dernier, dans la petite cave d'un restaurant, derrière les grands boulevards, on a retrouvé Emeline Bayart en compagnie d'un pianiste qui sait jouer et chanter, Osvaldo Calo. Elle, en robe noire, beaux cheveux blonds, regard d'un bleu intense et d'une expressivité magique.
Le Tout Paris du spectacle s'est vite refilé l'adresse si bien qu'Emeline sera à l'affiche du Rond-Point la saison prochaine avec «D'Elle à Lui» qu'elle a imaginé. Elle a le goût des textes et des mélodies. Elle peut tout chanter. En attendant Paris, elle est à Avignon, au Bourg Neuf, à 20h40. Ne la ratez pas.
C'est un mélange d'Arletty pour la gouaille et la grâce. Mais il y a en elle une aristocratie qui en impose et un charme. On ne sait quoi de délicat et en même temps, c'est une tempête, Emeline. Une puissance, une énergie! Le répertoire délicieusement suranné amuse. Il y a aussi quelques merveilles signées Vincent Scotto, des chansons très célèbres que l'on n'entendait plus depuis des années comme «N'allez pas Julie». Il y a du Bernard Joyet mais aussi de belles pages de Juliette. Emeline Bayart ne craint pas une forte expressivité. Parfois elle fait le clown. Elle est irrésistible. Son partenaire a beaucoup de présence aussi. La beauté musicale de ce récital est ce qui séduit le plus. On est charmé. On oublie tout. L'un des très bons rendez-vous du festival off.
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