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Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI
Un tiers des Français dorment mal ou pas assez. Pourtant, les dernières recherches démontrent l'impact décisif du sommeil sur la santé et l'équilibre personnel.
Sur un côté, puis sur un autre, sur le ventre, sur le dos, puis de nouveau sur le flanc, en boule, en chien de fusil, côté pile de l'oreiller, puis côté face, avec ou sans traversin, en dessous puis au-dessus des draps… Rien de plus fatigant que de chercher le sommeil jusqu'au plus profond de son lit. Interminables, les heures s'égrènent et lorsque, enfin, Morphée semble vous tendre ses bras, le réveil carillonne. Plus le temps de rêver, il faut se lever.
Nombreux sont ceux qui connaissent ce cauchemar éveillé d'attentes noctambules et de matinées somnambules. Plus de 30 % de la population française se plaint de nuits inachevées, notamment parmi les jeunes générations. Chez ces «veilleurs de nuit» malgré eux se comptent 22 % d'insomniaques (dont 10 % sévèrement atteints), 5 % de personnes souffrant d'apnées du sommeil (arrêts épisodiques de la respiration) et 10 % atteints du syndrome des jambes sans repos, qui se manifeste par un besoin irrépressible de les bouger. Résultat: un Français sur cinq connaît des épisodes de somnolence durant la journée.
D'où viennent ces troubles du sommeil? «Les causes en sont multiples, explique le Pr Damien Léger, qui dirige le centre du sommeil et de la vigilance de l'Hôtel-Dieu, à Paris, et préside l'Institut national du sommeil et de la vigilance (INSV). Elles peuvent être médicales, consécutives à des douleurs, des troubles endocriniens ou neurologiques. Elles peuvent être d'ordre psychologique chez des personnes trop anxieuses, ou simplement d'ordre toxique avec le tabagisme, la consommation de café, d'alcool ou les effets secondaires de certains médicaments. Elles peuvent enfin provenir du surmenage et des vicissitudes du quotidien.»
Ces rythmes de vie parfois insensés qui obligent à reléguer le sommeil au dernier rang des priorités. Journées trop courtes pour concilier activités professionnelles, sociales et familiales, temps de transports allongés, et le soir, veilles prolongées devant l'écran de la télé, celui de l'ordinateur, du jeu vidéo ou du smartphone. Ces dernières technologies, propices aux addictions, sont soupçonnées par les chercheurs de nuire sérieusement au sommeil, «par l'effet d'excitation qu'elles produisent mais aussi du fait de la luminosité de l'écran, qui perturbe l'horloge biologique, précise le Pr Léger. S'exposer à la lumière en fin de journée retarde l'arrivée du sommeil.» Il a ainsi été observé que les enfants et les adolescents les plus équipés étaient ceux qui dormaient le moins, une situation qui rejaillit directement sur les résultats scolaires.
La lumière des écrans perturbe le sommeil
Il semblerait que nos anciens dormaient plus longtemps, calant leur rythme sur celui du soleil et de la nuit. L'électricité, la vie citadine, puis la télévision et l'ordinateur sont venus bouleverser la donne. En cinquante ans, le temps de sommeil moyen a diminué de 1 h 30. Si aujourd'hui, il s'établit à 6 h 58 en semaine et à 7 h 50 le week-end (ce qui est satisfaisant), un tiers des Français dort seulement 5 à 6 heures par nuit. Chez les jeunes adultes, le temps de sommeil est aussi limité avec une moyenne de 6 h 40, selon une enquête de l'INSV/MGEN. Et les conséquences de ce manque chronique ou aigu de repos sont loin d'être négligeables.
Car le sommeil est une fonction vitale. Tous les animaux, des mammifères aux oiseaux et jusqu'aux insectes, se reposent. Chez les humains, il occupe à peu près un tiers de la vie adulte (et plus encore dans l'enfance), ce qui signifie qu'à 60 ans, on a dormi près de vingt ans. Voilà qui est révélateur du besoin. «Or, même si nous sommes loin de tout savoir sur le rôle du sommeil, poursuit le Pr Léger, nous savons qu'il participe notamment à la restauration de notre organisme et qu'il lui fournit l'énergie nécessaire pour affronter la journée à venir. Il est indispensable au bien-être physique comme intellectuel.»
Et plus encore. Les recherches de ces dix dernières années ont mis en exergue l'importance du temps et de la qualité du sommeil sur la santé. «Longtemps, on a considéré qu'un manque de sommeil n'avait comme conséquence qu'une simple fatigue passagère, qui pouvait se récupérer. On découvre que les restrictions de sommeil quotidiennes ou occasionnelles sont des facteurs de risque clé pour notre vie», insiste le Dr Joëlle Adrien, directeur de recherche à l'Inserm.
Conséquences directes, immédiates et parfois fatales: la fatigue, la baisse d'attention, la somnolence sont les causes principales d'accidents mortels de la circulation, selon une étude de l'Association des sociétés françaises d'autoroute (ASFA). Chiffre pour le moins inquiétant: 3 % des conducteurs se seraient déjà endormis en conduisant, ce qui représente tout de même 900.000 probabilités d'accidents graves. Il en va de même pour les accidents du travail, qui peuvent tourner au cataclysme international. Le naufrage de l'Exxon Valdez, les catastrophes nucléaires de Three Mile Island et de Tchernobyl, le désastre chimique de Bhopal… ont pour point commun d'être survenus en pleine nuit, entre 2 et 6 heures du matin, alors que la vigilance faisait défaut.
Conséquences plus sournoises mais tout aussi dangereuses: on sait aujourd'hui que moins on dort, plus on a tendance à grignoter et plus le risque est important de développer une obésité et/ou un diabète de type 2, chez l'adulte comme chez l'enfant. Plus de 80 études épidémiologiques l'ont démontré. Karin Spiegel, du centre de recherche en neurosciences de Lyon, étudie l'impact sanitaire de privations partielles ou répétées de sommeil. «Elles agissent sur le métabolisme glucidique, sur la fonction immunologique et sur la fonction cardio-vasculaire. Elles entraînent chez le sujet jeune un dérèglement des sécrétions endocriniennes et provoquent une augmentation des taux de ghréline, une hormone qui déclenche la faim et réduit la consommation d'énergie par le corps, et parallèlement une diminution du taux de leptine, une hormone qui inhibe l'appétit.»
Cet effet dévastateur ne s'arrête pas là. Trop de nuits blanches favorisent l'hypertension artérielle et la résistance à ses traitements, participant également à la survenue de maladies cardiovasculaires. Plusieurs études en attestent, dont une publiée en août 2010 dans la revue Sleep . Elle concluait que les cas de maladies cardio-vasculaires ont deux fois plus de chance d'affecter les personnes dormant moins de cinq heures par nuit, mais également les hypersomniaques.
Un vrai gage de santé
«La privation de sommeil agit aussi sur les performances physiques et cognitives, précise le Pr Léger. Elle s'accompagne d'une fatigue musculaire, de troubles immunitaires, perturbe l'équilibre psychologique et altère les capacités cognitives comme la mémoire, le raisonnement, le vocabulaire et la fluidité du langage. Sans oublier qu'elle accroît le risque de dépression.» Dormir est donc un vrai gage de santé.
Ces travaux commencent à bouleverser les mentalités et certaines idées reçues, qui associent le repos au temps perdu ou à la paresse, alors qu'il est essentiel à une bonne hygiène de vie, au même titre que l'activité physique ou une alimentation équilibrée. Mais du chemin reste à faire. 85 % des troubles du sommeil ne sont jamais diagnostiqués et pas même évoqués par le patient lors de la visite chez son médecin.
En France, les autorités de santé réagissent. Pour les Académies de médecine et de pharmacie, récemment mobilisées sur le sujet, le sommeil est devenu un enjeu majeur de santé publique. Ces institutions préconisent de multiplier les centres du sommeil (50 en France contre 300 en Allemagne) qui ne parviennent pas à faire face aux demandes des patients, alors qu'à peine 16 % des personnes souffrant de ces maux sont traités. Elles recommandent également de poursuivre les recherches dans ce domaine, lesquelles vont bon train, notamment en génétique. Les scientifiques ont ainsi découvert qu'un gène appelé ABCC9 serait à l'origine des différences et des inégalités des individus face au temps de sommeil.
Les 16.366 articles scientifiques publiés sur le sommeil au cours de la seule année 2011 ne suffisent pourtant pas à endormir les insomniaques. Si les centres de sommeil ont mis au point des stratégies pour traiter ces pathologies, il reste encore beaucoup à découvrir. Pour l'heure, les traitements consistent à recourir aux somnifères, dont les Français figurent parmi les plus gros consommateurs (14 % d'entre eux en prennent contre 6 % des Européens). Or ces pilules, ne seraient pas dénuées d'effets nocifs. Ainsi, selon une étude récente de l'Inserm, la consommation régulière de benzodiazépines ou apparentés augmenterait le risque de développer une maladie d'Alzheimer. «Mais d'autres remèdes ont fait leur preuve, comme les thérapies comportementales, qui demandent plus d'effort et de discipline mais assurent de meilleurs résultats à long terme», affirme le Pr Léger. Et parfois, il suffit simplement d'appliquer quelques conseils de bon sens pour une meilleure hygiène de vie, tant la qualité du sommeil est indissociable de la qualité de la vie… éveillé.
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