touwensa.com هي بوابة إخبارية على الإنترنت ومصدر دائم للمحتوى التقني والرقمي لجمهورها المؤثر في جميع أنحاء العالم. يمكنك الوصول إلينا عبر البريد الإلكتروني أو الهاتف.
editor@touwensa.com
Mannequins et actrices bousculent les normes en aimant les filles comme les garçons. Une inclination qui dépasse le petit monde de la mode.
Deux tops prennent la pose au bord d'une piscine. Deux filles. L'une, Ondria Hardin, cherche à embrasser l'autre, Cara Delevingne. Elles ont été choisies pour incarner la dernière ligne de cosmétiques d'Yves Saint Laurent. Des femmes qui s'embrassent ? Rien de très nouveau dans ce milieu qui a souvent brouillé les pistes entre luxe et luxure. Plus étrange, en revanche, le choix de convoquer l'imagerie lesbienne pour vendre des rouges à lèvres - à des femmes.
Il y a quelques mois, c'est Miu Miu qui mettait en scène bras dessus-jambes dessous Adèle Exarchopoulos et Léa Seydoux, les deux canons de La Vie d'Adèle. Même ambiance chez Schweppes, Pénélope Cruz succède à Uma Thurman et Nicole Kidman en égérie sulfureuse, sauf que, cette fois, elle préfère les blondes : "What did you expect ?"
C'est officiel, la galoche lesbienne est de nouveau dans l'air du temps. Elle a connu son heure de gloire il y a plus de dix ans, quand le porno chic de Tom Ford et Carine Roitfeld souillaient à grand coups de pauses lascives et de rouge à lèvres les bonnes moeurs du papier glacé.
Les caresses saphiques, elles, restaient cantonnées aux shootings.
Aujourd'hui, étrangement, les clichés du photographe Terry Richardson montrant les deux tops Freja Beha Erichsen et Arizona Muse, amoureuses en noir et blanc, dans leur intimité, seraient presque plus dérangeants que toutes les mises en scène, aussi scandaleuses soient-elles.
Dans leur sillage, mannequins et starlettes - émissaires ultimes de désir hétérosexuel - ont aussi prouvé leur nouvelle capacité à naviguer entre les genres. Miranda Kerr, icône Victoria Secret et ex de l'acteur à midinettes Orlando Bloom, a déclaré récemment apprécier autant les femmes que les hommes. Cara Delevingne, toujours elle, a fricoté avec toutes les pop-stars de la planète (Miley Cyrus, Rita Ora, Rihanna...) avant d'officialiser sa relation avec l'actrice Michelle Rodiguez, lors du fameux match de basket où elles se sont bécotées en public au nez des paparazzis du monde entier.
« Le fait que ces filles passent si facilement d'une sexualité à l'autre sonne le glas du mythe de l'homme blanc. L'industrie du mannequinat n'est plus la même. Elle résiste désormais à une société dominée par l'argent et le pouvoir phallocentré, qui s'est écroulée avec la crise. Le golden boy avec sa poule dans la voiture, le fantasme du mari riche, c'est fini », explique Alice Pfeiffer, journaliste spécialiste des questions de genre.
Ce changement de dynamique se dessine depuis quelques années dans l'allure des femmes. L'humeur est au masculin féminin, aux baskets et aux coupes garçonnes : une fille qui s'habille comme un homme n'est plus forcément étiquetée "lesbienne" ou "bi". De la même façon, les tops des magazines sèment le trouble, en affichant leur sexualité sans cérémonie, comme un refus d'entrer dans les cases.
Yohann Roszéwitch, président de SOS Homophobie, reconnaît les bienfaits de cette nouvelle visibilité : "Même si le mot «mode» est quelque chose que l'on dénonce, il faut avouer que l'influence de personnalités joue un rôle bénéfique." En choisissant des mannequins comme Cara Delevingne, les marques font passer la bisexualité de l'anecdotique au réel. Réalité qui se traduit très concrètement : chez les 18-24 ans en 2013, 20% des filles déclaraient avoir déjà été attirées par une personne de même sexe, et 10% avoir déjà eu au moins un rapport sexuel avec une femme. Elles étaient seulement 7,4% et 5,7% en 2006. Une libération de la parole, mais aussi des pratiques.
Le contexte des débats de la loi sur le mariage gay a évidemment joué. Une plus grande tolérance s'est imposée par effraction. Et le succès des films Guillaume et les garçons, à table ! ou La Vie d'Adèle a certainement contribué à déboulonner les discours normés enchaînés à la bisexualité. La loi finalement votée, il est possible que les revendications liées à l'homosexualité finissent peu à peu par s'émanciper du combat politique. Aux jeunes de tracer une nouvelle voie, la leur.
Elle passe par un affranchissement du regard masculin : "Les filles ne couchent pas ensemble pour échapper à la domination masculine. Il s'agit simplement d'assumer sa sexualité, et de laisser place au plaisir et à l'amour, tout naturellement", reconnaît Juliette, 22 ans, bisexuelle. Une construction très individualiste de l'identité, qui fait place libre à l'hédonisme. "Je grandis dans un monde où il n'y a plus de CDI, plus de relation qui dure, tout le monde divorce. Je n'ai pas de comptes à rendre. Je m'en fous d'être bi, lesbienne ou hétéro, je veux juste être bien", lâche Sophie, 17 ans, qui multiplie les expériences.
Une décontraction édifiante, qu'analyse ainsi Alice Pfeiffer : "C'est le modèle de l'auto-entrepreneur. D'un contrat à l'autre, sans stabilité, la vie n'est plus qu'une succession de phases. L'organisation du temps, dictée par le couple hétérosexuel - le mariage, le CDI, la maternité -, ne fonctionne plus." On cheminerait donc vers une certaine "fluidité sexuelle", sans prédétermination, où l'on passe d'une personne à l'autre et non d'un sexe à l'autre. Le triomphe de l'individu, unique et mouvant, qui échappe à toute forme de catégorisation. Post-crise, post-genre, une douce révolution est en marche.
Error: No articles to display