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Le syndrome de Wernicke-Korsakoff est une maladie neurologique qui entraîne des troubles majeurs de la mémoire, du fait de l’alcoolisme. Or, on ne sait pas toujours qu’un sevrage « sauvage » peut déclencher son apparition...
La dépendance à l’alcool est un enfer mental pour celui qui en souffre et pour ses proches. Mais elle crée aussi, on le sait, des ravages sur la santé, notamment sur le système nerveux. En effet, la consommation excessive d’alcool entraîne un déficit sévère en vitamines, et en particulier en vitamine B1, aussi appelée « thiamine », laquelle joue un rôle majeur dans le fonctionnement du système nerveux. Ainsi, on estime qu’entre 30 et 80 % des patients alcoolodépendants souffrent d’un déficit en thiamine (1).
Après plusieurs années de dépendance, les personnes alcooliques ont en effet tendance à ne plus s’alimenter normalement et souffrent alors de dénutrition.
« Par ailleurs, l’alcool provoque souvent des vomissements et bloque aussi l’absorption au niveau intestinal de nombreuses vitamines hydrosolubles, notamment les vitamines du groupe B », précise le Pr Paul Verbanck, chef du service de psychiatrie au CHU Brugmann. Or ce déficit en thiamine peut entraîner chez certains patients un syndrome neurologique grave, appelé « syndrome de Wernicke-Korsakoff ». « Le déficit en vitamines va pousser l’organisme à aller chercher la thiamine là où elle se trouve, c’est-à-dire soit dans le cerveau, soit dans les nerfs périphériques, soit les deux », explique le Dr Carine Lambot, psychiatre à l’hôpital psychiatrique du Beau Vallon, qui accueille une unité de revalidation spécifique pour les personnes atteintes de ce syndrome.
De Wernicke à Korsakoff
La phase aiguë de la maladie, qu’on désigne plus précisément sous le nom de « syndrome de Wernicke », se caractérise par l’apparition de petites lésions hémorragiques au niveau cérébral. Trois symptômes typiques se manifestent alors brutalement : la confusion mentale, l’ataxie (difficulté à coordonner les mouvements et troubles de la marche) et la paralysie de certains nerfs oculomoteurs (problème de mobilité des paupières, strabisme...). Cette phase aiguë requiert l’injection rapide de vitamine B1 en intraveineuse, qui permet en général de faire disparaître l’ataxie et les paralysies ophtalmologiques.
Néanmoins, outre la mortalité non négligeable associée à cette phase aiguë, de nombreux patients demeurent par la suite dans un état de confusion mentale, caractérisée par des troubles de la mémoire : on parle alors de syndrome de Wernicke-Korsakoff. Les patients atteints de ce syndrome ne peuvent plus retenir les faits récents (amnésie antérograde) : ce qu’ils ont mangé au repas précédent, qui est venu les voir pendant la journée, le lieu où ils sont... « Les patients ont également une tendance à la confabulation, explique le Pr Verbanck. Cela signifie qu’ils perdent l’arrangement des différents éléments dans le temps, ce qui les amène à produire un ‘compactage’ de ce qui leur est arrivé, à mélanger plusieurs histoires. »
Les confabulations interviennent ainsi comme autant de tentatives de combler les failles de la mémoire, ce qui crée des discours en apparence « délirants ». « Il y a aussi souvent des troubles des fonctions exécutives comme des difficultés pour résoudre des problèmes simples, calculer... C’est pourquoi la revalidation comporte de nombreuses activités basées sur ces aspects, comme la préparation du semainier avec les médicaments à prendre chaque jour, explique le Dr Lambot. Les malades sont aussi souvent dans une grande apathie, avec un manque total d’initiative. »
Les troubles de la mémoire entraînent par ailleurs une perte d’autonomie au quotidien. « Quand vous oubliez tout le temps d’éteindre le gaz, vous représentez un danger pour vous-même et pour les autres », illustre le Dr Lambot. En revanche, les patients gardent souvent la mémoire de faits plus anciens, ce qui peut rendre difficile le diagnostic différentiel entre un syndrome de Korsakoff et d’autres démences, comme Alzheimer. « Si l’on voit que, malgré l’arrêt de l’alcool, les troubles ne s’améliorent pas, il faut alors soupçonner un autre problème neurologique », précise le Dr Lambot.
Récupérer est possible
Car le syndrome de Korsakoff n’est pas une maladie dégénérative : directement lié à la consommation d’alcool, il cesse d’évoluer après le sevrage et de nombreux patients vont pouvoir récupérer une grande partie, voire la totalité de leurs fonctions cognitives et de mémoire. « Il est important de dire que la récupération est possible. Je pense au cas d’un ancien chef d’entreprise qui, à un moment donné, ne reconnaissait plus ni sa femme, ni ses enfants et qui, aujourd’hui, à un âge avancé, gère encore ses affaires avec des usines dans plusieurs pays... Ce sont évidemment des personnes éminemment fragiles, qui ne doivent pas repartir dans l’alcool.
C’est pourquoi il est important de pouvoir les en éloigner », explique le Pr Verbanck, qui rappelle aussi que le syndrome de Wernicke-Korsakoff, s’il est loin d’être banal, est toutefois une réelle menace pour les personnes alcoolodépendantes. « Contrairement à ce que l’on croit parfois, ce n’est pas une maladie qui concerne exclusivement les personnes qui sont à la rue... L’alcoolisme est en lui-même un facteur de risque ! »
Ceci dit, le travail avec les unités d’alcoologie, les centres de revalidation mais aussi la présence de l’entourage seront des facteurs déterminants dans la récupération du patient. « Il est très important de tout expliquer à la famille, commente le Dr Lambot : le pourquoi, le comment, les dangers. Mais il faut aussi que cette famille soit présente et fiable. »
Le manque : un facteur déclencheur
« Le manque lui-même est un élément toxique qui peut déclencher le syndrome chez une personne carencée : c’est pourquoi, dans une cure de désintoxication, on n’attend pas que la personne soit en manque pour la soigner. On lui donne des médicaments pour prévenir l’apparition du manque et on lui administre des vitamines », poursuit le Pr Verbanck. Il importe donc de rappeler aux patients alcooliques et à leurs familles qu’il est dangereux d’arrêter de boire brutalement sans suivi médical... « Les patients qui décident d’entrer en cure de désintoxication ne doivent surtout pas arrêter de boire les jours précédents pour ‘se préparer’ comme ils veulent parfois le faire », insiste-t-il. Car aujourd’hui encore, trop de personnes se retrouvent dans des états neurologiques graves pour avoir arrêté de boire « sauvagement » alors que leur organisme lui-même n’en était plus capable.
Par Julie Luong
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