Accord entre Séoul et Tokyo sur les esclaves sexuelles de la Seconde guerre mondiale

By www.touwensa.net décembre 29, 2015 1289

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Le Japon a présenté des «excuses sincères» aux «femmes de réconfort», ces Coréennes enrôlées de force dans les maisons closes de l'armée nippone. Cet accord historique ouvre la voie à une amélioration des relations entre les deux pays.

Nouveau tournant dans les relations diplomatiques entre la Corée du Sud et le Japon. Les deux pays ont trouvé un accord pour mettre un terme à leur contentieux concernant les «femmes de réconfort». Cet euphémisme a été inventé par l'armée impériale d'Hiro-Hito pour désigner le système de prostitution de masse qu'elle avait orchestrée durant la Seconde guerre mondiale où 200.000 jeunes filles de l'Asie colonisée, souvent adolescentes, ont été enrolées de force pour satisfaire les besoins sexuels des soldats - dans l'ordre, l'hygiène et la discipline.
 

Ce lundi, fait historique, le Japon a présenté «des excuses sincères» et offre un milliard de yens (7,5 millions d'euros) aux 46 esclaves sexuelles sud-coréennes encore en vie. De son côté, Séoul, en coopération avec les associations de victimes, s'est engagé à déplacer une statue symbolisant les souffrances de ces femmes qui se dresse en face de l'ambassade du Japon.
«Nous ne permettrons jamais que ce problème soit transmis à la prochaine génération»

 

Shinzo Abe, premier ministre du Japon
 

Peu après l'annonce de cet accord, le premier ministre japonais Shinzo Abe a déclaré: «Nous ne permettrons jamais que ce problème soit transmis à la prochaine génération», une remarque qui fait écho aux déclarations qu'il avait faites lors du 70e anniversaire de la fin du second conflit mondial le 15 août dernier. «À partir de maintenant, le Japon et la Corée du Sud entrent dans une nouvelle ère», a-t-il ajouté devant des journalistes.
 

Le premier ministre a exprimé aux victimes ses «excuses et son repentir, du plus profond de son cœur», a martelé le ministre japonais des Affaires étrangères, Fumio Kishida. «Le système des femmes de réconfort (...) a existé du fait de l'implication de l'armée japonaise (...) et le gouvernement japonais est pleinement conscient de sa responsabilité», a déclaré Fumio Kishida, à l'issue de discussions à Séoul avec son homologue Yun Byung-Se.
 

Pour sa part, la Corée du Sud considérera que le contentieux est clos «de manière définitive et irréversible» lorsque Tokyo aura mis en œuvre les mesures promises, a dit Yun Byung-se lors de la conférence de presse commune. Dans une déclaration séparée, la présidente sud-coréenne, Park Geun-hye, espère que «l'effort fourni par les deux gouvernements pour parvenir à un accord, leur permettra de coopérer étroitement pour commencer à bâtir une confiance mutuelle et engager de nouvelles relations». De fait, encore récemment, la présidente présentait ce différend comme le «plus grand obstacle» à l'amélioration des relations bilatérales.
 

Un accord avant tout politique?
 

«Les femmes, qui étaient absentes des négociations, ne doivent pas être oubliées dans cet accord»
 

Hiroka Shoji, spécialiste de l'Asie de l'Est à Amnesty International
 

Auprès de l'opinion publique coréenne, les réactions étaient toutefois mitigées. Yoo Hee-Nam, elle-même contrainte de se prostituer par l'armée japonaise pendant la guerre, a affirmé que l'accord n'est pas suffisant mais qu'elle se plierait à la décision du gouvernement. «Les femmes, qui étaient absentes des négociations, ne doivent pas être oubliées dans cet accord qui sent plus la politique que la justice», a déclaré Hiroka Shoji, spécialiste de l'Asie de l'Est à Amnesty International. «C'est un accord entre deux gouvernements, pas entre deux sociétés. Toute la question est de savoir si la société sud-coréenne l'acceptera», a mis en garde Kan Kimura, chercheur à l'université japonaise de Kobé.
 

De nombreux observateurs estiment que la Maison Blanche a fait pression sur Park Geun-hye pour qu'elle adoucisse sa position vis-à-vis de Tokyo.
 

L'accord a en tout cas été salué aux États-Unis. De fait, cette question empoisonne les relations entre ses deux plus grands alliés dans la région, depuis des décennies. Washington préférerait voir les deux voisins se concentrer ensemble sur la réponse à apporter aux ambitions grandissantes de la Chine dans la région, plutôt que de se déchirer sur ce contentieux. Par ailleurs, les tensions entre le Japon et la Corée du Sud ont jusqu'ici empêché les deux pays de signer un accord bilatéral de partage d'informations militaires sensibles. Un pacte trilatéral a été conclu il y a un an avec Washington qui se charge de jouer les intermédiaires.
 

200.000 femmes prostituées de force
 

La plupart des historiens estiment que jusqu'à 200.000 femmes, pour la plupart des Coréennes mais aussi des Chinoises, des Indonésiennes et des ressortissantes d'autres pays asiatiques, ont été enrôlées de force dans les maisons closes de l'armée impériale.
 

La position du Japon, qui a occupé la Corée de 1910 à 1945, était jusqu'à présent de considérer cette question réglée en 1965 à la faveur de l'accord qui a rétabli les liens diplomatiques entre Tokyo et Séoul. Le pays s'en tenait en outre aux excuses officielles formulées en 1993 et la reconnaissance de sa culpabilité dans l'exploitation de ces femmes. Un fonds avait alors été établi pour leur verser des réparations financières. Toutefois, ce fonds a été financé par des dons privés, non par le gouvernement japonais, au grand dam de Séoul.
 

La Corée du Sud estimait cela insuffisant et reprochait à Tokyo ses réticences à réparer son passé militariste. Séoul continuait à exiger un véritable repentir. Cette fois, le ministre coréen Yun Byung-Se se dit «très heureux de pouvoir annoncer, avant la fin de cette année qui marque le 50e anniversaire de la reprise des relations, la conclusion de négociations difficiles». Reste à savoir si la société civile partagera ce point de vue.
 

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