Tunisie : Mehdi Jomaâ, un ingénieur sans expérience politique

Le nouveau Premier ministre tunisien devra diriger un gouvernement de techniciens. Un choix déjà contesté par l'opposition.

Mehdi Jomaâ, actuel ministre de l'Industrie appelé à former un gouvernement d'indépendants en Tunisie, est une personnalité peu connue du public dont l'expérience politique a débuté en mars 2013 avec son entrée dans l'actuel gouvernement. Désigné samedi soir, trois ans après la révolution de janvier 2011 pour conduire son pays vers des élections et le sortir d'une profonde crise politique, M. Jomaâ n'a fait aucune déclaration et n'est pas apparu en public. Cet ingénieur au physique robuste et sans appartenance partisane déclarée a été formé par l'École nationale d'ingénieurs de Tunis dont il est sorti diplômé en 1988 avant d'obtenir un diplôme supérieur de mécanique (DEA), selon sa biographie officielle. Il entame alors une carrière dans le privé qui l'amènera au poste de directeur d'une division d'Hutchinson, une filiale du géant français Total spécialisée dans l'aérospatiale et dont les principaux clients sont des groupes tels EADS, Airbus et Eurocopter.

Après la démission du gouvernement dirigé par l'islamiste Hamadi Jebali à la suite de l'assassinat de l'opposant Chokri Belaïd en février dernier, son successeur Ali Larayedh avait fait appel en mars à cet indépendant pour diriger le ministère de l'Industrie. "Il est suffisamment compétent et indépendant pour assurer les fonctions de Premier ministre", a commenté Mahmoud Baroudi, un responsable de l'Alliance démocratique, un mouvement d'opposition au parti islamiste Ennahda qui a soutenu la candidature de M. Jomaâ au poste de chef du gouvernement.

Âgé de 51 ans et père de cinq enfants, d'après sa biographie diffusée par l'agence de presse d'État TAP, Mehdi Jomaâ n'a jamais été actif en politique sous le régime de Zine El Abidine Ben Ali, renversé par la révolution de janvier 2011. Depuis sa nomination au ministère de l'Industrie, il ne s'est pas engagé sur le terrain miné des batailles qui déchirent la classe politique, s'exprimant publiquement uniquement sur son domaine de compétence. Sous son égide, dans un contexte de conflits sociaux dans le pays et d'incertitude, il a milité auprès des entreprises et des décideurs européens pour de nouveaux investissements afin d'aider à rebâtir l'économie tunisienne, alors que le chômage reste endémique, un facteur clé du soulèvement de 2011.
Un choix controversé

Il s'est aussi prononcé pour des réformes très impopulaires en Tunisie, notamment la hausse des prix des carburants prévue pour 2014, une mesure justifiée par les coûts exorbitants pour l'État des subventions en la matière, selon les autorités et les organisations comme la Banque mondiale et le Fonds monétaire international.

Mehdi Jomaâ n'a cependant aucune expérience en matière sécuritaire, un dossier clé depuis la révolution en raison de l'essor de groupes djihadistes armés responsables, selon les autorités, d'un nombre grandissant d'attaques. S'il devient Premier ministre, c'est d'ailleurs à la faveur d'une crise politique profonde déclenchée le 25 juillet dernier par l'assassinat de l'opposant Mohamed Brahmi, attribué à un groupe islamiste armé.

Il sera aussi confronté à la défiance d'une partie de l'opposition tunisienne qui a vivement contesté sa désignation, loin d'avoir été consensuelle. Des opposants considèrent en effet que sa participation au gouvernement dirigé par les islamistes d'Ennahda aurait dû l'exclure de la course à la direction du gouvernement. "On ne peut pas choisir comme chef du gouvernement un membre du gouvernement sortant (...) Le Premier ministre choisi ne sera pas un Premier ministre de consensus", a ainsi dénoncé Issam Chebbi, un des chefs du parti Républicain, pour qui l'équipe en place a failli.

 

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