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Alors que la Tunisie s’apprête à célébrer les trois ans de la Révolution du jasmin, des voix s’élèvent pour louer les qualités voire réclamer le retour de l’ancien dictateur Zine el-Abidine Ben Ali désormais réfugié en Arabie saoudite.
"Ben Ali, on nous a trompés, on t’a enfin compris, reviens-nous vite !" À quelques jours du troisième anniversaire de la Révolution du jasmin, les slogans appelant au retour de l’ex-dictateur semblent faire florès en Tunisie. À Sfax, Ariana, Mahdia, Tunis, Gafsa et bien d’autres villes du pays, des manifestations contre la hausse des taxes sur les véhicules de transport et les camions ont donné lieu, mardi 7 janvier, à des scènes anachroniques.
À Sfax, un rond-point a été tagué "7 novembre… À bas Ennahda !", en référence au 7 novembre 1987, date du coup d'État de Zine el-Abidine Ben Ali à l'encontre du président Habib Bourguiba. Des inscriptions comme "Vive Leïla" (Leïla Trabelsi, épouse de Ben Ali) ou "Vive Ben Ali" sont également venues noircir les murs de certaines villes ou de quartiers de Tunis. Sur les réseaux sociaux, les citoyens rendent également hommage au dictateur déchu sur les murs de pages Facebook comme celle intitulée "Pardon monsieur le Président".
D’après un sondage de l’institut 3C Etudes, publié lundi 6 janvier, 35,2% des interrogés regrettent la chute de l’ancien régime contre 56,7 % qui n’éprouvent aucun regret. Si la tendance n’est pas majoritaire, elle montre malgré tout la défiance vis-à-vis du pouvoir islamiste.
Les Tunisiens sont-ils nostalgiques de Ben Ali ou rejettent-ils simplement le régime d’Ennahda ? Pour Vincent Geisser, chercheur au CNRS, détaché à l’Institut français du Proche-Orient, les Tunisiens expriment avant tout "une peur de l’avenir".
Les Tunisiens sont-ils vraiment nostalgiques de Ben Ali ?
V.G. : Il y a un retour à la nostalgie mais à plusieurs niveaux. Il y a tout d’abord un phénomène populaire et très banal au niveau de l’Histoire : la nostalgie de l’ancien régime. La transition politique crée une incertitude, une peur de l’avenir. Les citoyens vantent l’ordre ancien mais sur des bases qui restent floues. Ensuite, il y a les nostalgiques du Benalisme mais sans Ben Ali. C’est une tendance très répandue. Contrairement à Habib Bourguiba, la figure de Zine el-Abidine Ben Ali est détestée. Il symbolise le népotisme. Le Benalisme sans Ben Ali est une nostalgie d’un modèle social et politique que l’on retrouve chez certains partis politiques. C’est l’impression que c’était mieux avant. On regrette l’ordre, le sentiment de sécurité de l’ancien régime.
Enfin, il y a la nostalgie portée par toutes les personnes qui étaient déjà là sous Ben Ali. Il n’y a pas eu d’épuration en Tunisie. Certains acteurs de l’ancien régime sont toujours en place notamment dans la haute fonction publique, au sein des partis politiques ou à la tête de certaines entreprises. Ils sont nostalgiques mais ne le proclament pas haut et fort car le sujet reste tabou. Ben Ali n’est pas une personnalité charismatique, il reste une figure gênante, intellectuellement médiocre. On peut ressortir le portrait de Bourguiba mais pas celui de Ben Ali, ou de manière plus marginale.
Est-ce une forme de rejet pour le gouvernement d’Ennahda ?
V.G. : Les gens expriment davantage une angoisse et une peur de l’avenir. La transition politique est porteuse d’instabilité. La Tunisie se trouve actuellement en pleine zone grise : l’ancien régime n’est plus mais le pays n’est pas encore une démocratie. Il y a beaucoup d’incertitudes et cela crée un climat anxiogène.
Mais aujourd’hui, les Tunisiens ont découvert la liberté d’expression. Ils peuvent tout dire et de n’importe quelle façon. Ce qui surprend les Occidentaux, c’est avant tout la virulence du discours. Ennahda traverse une crise de mutation. Le parti islamiste a gagné les élections mais les divergences demeurent. Il a conservé un mode de fonctionnement des années 1980-1990. Il doit se réformer pour apparaître comme un parti musulman moderne.
Les Tunisiens sont-ils tout simplement désenchantés par la Révolution du jasmin ?
V.G. : Ils sont désenchantés par rapport aux espoirs de changement. Les Tunisiens ont fait la révolution pour avoir de l’emploi et certaines régions, fers de lance de la contestation, ont l’impression qu’on la leur a volé. La situation économique et sociale ne s’est pas améliorée et ceux qui ont manifesté à Sidi Bouzid ou à Gafsa ont toujours l’impression d’être délaissés même s’il y a une réelle volonté de décentraliser.
Il y a aussi toute une frange de la population qui a peur de l’islamisme. Si elle déteste l’ancien régime autoritaire, elle estime que l’islamisme est une catastrophe. Certaines élites politiques seraient ravies de voir un scénario à l’égyptienne, c’est-à-dire voir les islamistes en prison.
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