Gaffes diplomatiques de Moncef Marzouki en Tunisie

Une unanimité à la fois populaire et médiatique est faite autour du manque d'autorité au sommet de l'Etat en Tunisie où l'opinion publique parle de l'autorité du locataire du Palais de Carthage avec mépris et moquerie. Cette attitude de l'opinion publique à l'égard de l'autorité de l'Etat est sans doute due aux positions adoptées et déclarations faites à l’intérieur et sur le plan arabe et international, par le président de la République tunisienne, Moncef Marzouki.

Au plan local, les Tunisiens ont été, pour la première fois, choqués par la publication, par M. Marzouki du 'livre noir' sur le système de propagande du président déchu, Ben Ali. Tiré des archives de la présidence de la République, le livre s'est attaqué à des symboles politiques, intellectuels et médiatiques du pays sous Ben Ali.

Mais à peine publié, le livre et son auteur ont fait l'objet de critiques acerbes qui ont, sans doute, terni l'image du président.

M. Marzouki a ouvert un autre front par ses déclarations allant à l'encontre des intérêts des citoyens à l'intérieur et à l'extérieur du pays. Ses positions controversées à l'égard de nombreux pays arabes ont aussi mis la diplomatie tunisienne à rude épreuve.

Face à ce comportement de la première personnalité de l'Etat tunisien, les forces politiques et les médias ont unanimement critiqué ce qu'ils ont appelé 'les comportement anarchiques' de Marzouki.

Suite aux derniers événements enregistrés en Libye, le président tunisien s'est précipité pour contacter, au nom du peuple tunisien, le président du Congrès national général libyen (CNG, Parlement) pour apporter, selon lui, son soutien à la légalité, s'alignant ainsi en faveur d'une partie du Parlement au détriment d'autres parties.

Pourtant, selon les observateurs, il savait pertinemment qu'il ne représentait pas le peuple tunisien, lui qui a perdu le soutien, même de ses proches à la présidence de la République et au sein de son parti.

Réagissant à la position prise par M. Marzouki sur la situation en Libye, le journal 'al-Maghreb' affirme que le maître du Palais de Carthage n'a consulté personne, ni le Premier ministre, ni le ministre des Affaires étrangères, encore moins le président de l'Assemblée constituante (Parlement) et les commandements militaires et sécuritaires.

Plus grave, selon le journal, 'à chaque fois que le président Marzouki fait une déclaration par rapport à une question internationale, sa position est toujours en parfaite cohésion avec des intérêts et parties qui ne souhaitent aucun bien à nos peuples'.

Plusieurs observateurs craignent, en effet, que la position de Marzouki sur la crise politique libyenne n'entraine plus tard une crise diplomatique entre la Tunisie et la Libye et ses conséquences sur les intérêts de la Tunisie dont 130.000 ressortissants vivent en Libye, surtout si un changement intervenait à la tête de ce pays voisin.

Les observateurs politiques et des médias rappellent à cet égard les crises dans les relations diplomatiques entre la Tunisie et des pays comme la Syrie, l'Egypte, l'Algérie, le Maroc, l'Arabie Saoudite, la suisse et la France, à la suite toujours de déclarations inappropriées de Marzouki.

Le premier choc a été avec l'Algérie lorsque M. Marzouki, fraichement arrivé au pouvoir, s'est rendu en visite en Libye où il a rencontré des milices armées à la base de la chute de Kadhafi et s'est attaqué à l'Algérie et son armée malgré les positions de ce pays soutenant matériellement, économiquement et sur le plan de la sécurité la Tunisie. Il s'était comporté à l'époque en donneur de leçons de démocratie pour un pays qui a sacrifié 1,5 million de martyrs, causant une crise diplomatique entre les deux pays.

La presse algérienne avait sévèrement critiqué Moncef Marzouki qu'elle a qualifié de président sans légitimité agissant sous les ordres de Qatar et de l'occident.

La Syrie qui n'avait jamais eu de différend avec la Tunisie et son peuple, prendra ensuite le relais. Donnant suite aux directives de Qatar, le président Marzouki a renvoyé l'ambassadeur de la Syrie en Tunisie, justifiant son geste par le fait que la Tunisie, selon lui, accueillait 'la conférence des amis de la Syrie qui en réalité était une conférence des ennemis de la Syrie'.

Cette position a porté préjudice à des milliers de Tunisiens qui ont étudié et obtenu leurs diplômes dans les universités de la Syrie où ils vivaient avec leurs familles. Cela a, d'autre part, entrainé pour la Tunisie l'animosité des amis de la Syrie dont des pays riches en pétrole comme l'Iran et la Russie.

La positions de Marzouki à l'égard de la Syrie a provoqué un mouvement de vives protestations à l'intérieur et à l'extérieur de la Tunisie où de nombreuses personnes sont sorties lors de manifestations pour dénoncer vigoureusement la rupture des relations diplomatiques avec la Syrie sans tenir compte des intérêts des Tunisiens qui vivaient dans ce pays ou ceux des Syriens installés en Tunisie.

Sur le même registre, le président Marzouki a critiqué le royaume constitutionnel du Maroc lors d'un discours prononcé en été de 2012 devant l'Assemblée nationale constituante tunisienne et les ambassadeurs des pays étrangers, dont l'ambassadeur du Maroc en Tunisie, créant l'indignation du diplomate marocain et une crise silencieuse avec Rabat.

La crise avec le Maroc sera suivie de celle avec l'Egypte, provoquée par le discours de M. Marzouki devant les Nations unis, critiquant l'armée égyptienne et la volonté du peuple égyptien marquée par la sortie des dizaines de millions de personnes pour manifester contre le régime des frères musulmans.

Cette sortie de M. Marzouki sera suivie de vives réactions égyptiennes demandant la rupture des relations entre les deux pays, ponctuées par le rappel de l'ambassadeur égyptien en Tunisie, alors que les Emirats Arabes Unis, en  solidarité avec Le Caire, rappelaient leur ambassadeur à Tunis, exprimant leur colère par rapport aux déclarations de M. Marzouki qui a ainsi rompu le cordon des échanges économiques et le soutien des pays du Golfe à la tête desquels l'Arabie Saoudite.

A l'époque, le journal émirati, 'al-Kalej' avait estimé que 'les déclarations de Marzouki constituaient une ingérence dans les affaires intérieures d'un pays souverain de la taille de l'Egypte et un soutien clair pour une confrérie qui ne se soucie pas de la démocratie'.

Le Premier ministre tunisien, Mehdi Jomâa, a par la suite, lors de ses tournées dans les pays du Golfe et du Maghreb arabe, déployé d'importants efforts pour aplanir les problèmes créés par le chef de l'Etat, tout en cherchant à trouver des solutions aux difficultés auxquelles fait face la diplomatie tunisienne à cause des positions idéologiques adoptées par les premiers dirigeants du pays au lendemain de la révolution, en tête le président Marzouki.

Le ministre tunisien des Affaires étrangères, Mongi Hamdi, a estimé que la diplomatie tunisienne est caractérisée par la non ingérence dans les affaires intérieures des autres pays et par l'adoption d'une position équidistante aux parties en conflit, critiquant ainsi de manière claire le président Marzouki.

Le chef du parti 'Nidaa Tounes', Beji Caid el Sebsi, a affirmé qu'il n'est pas dans l'intérêt de la Tunisie de s'ingérer dans les affaires intérieures de la Libye, faisant porter à Marzouki les conséquences de ses positions à l'égard de ce pays voisin.

De son coté, le chef de l'Union nationale libre, Salem Riyahi, a appelé tous ceux qui veulent exploiter la situation critique de la Libye pour marquer des points de se taire, affirmant que la crise en Libye a prouvé que des élites politiques tunisiennes traitent toujours la politique étrangère de la Tunisie avec légèreté.

Pour sa part, l'expert en stratégie sécuritaire, Mazen Cherif, estime que M. Marzouki se précipite toujours dans ses prises de position comme il l’a fait avec les dossiers syrien, égyptien, marocain et algérien, créant de vrais problèmes à la diplomatie tunisienne.

 

 

 

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