Les boat-people lancent un appel de détresse à l’Europe.

Touwensa (FTDES). Mokhtar TRIKI

Le 11 octobre 2013 en fin d’après-midi, un nouveau naufrage s’est produit à 61 miles nautiques de l’île de Lampedusa, dans la zone maritime de secours maltaise (Zone SAR – « Search And Rescue »).

Le bateau transportait plus de 250 personnes parties de Libye et a chaviré lorsque les passagers ont tenté d’attirer l’attention d’un avion de patrouille maltais. Ce dernier a alors lancé des bateaux pneumatiques auxquels certains sont parvenus à s’agripper. Les secours maltais et italiens arrivés sur les lieux ont sauvé 206 personnes et on récupéré 34 corps sans vie. D’autres corps avaient déjà coulé.1


La réponse de Cecilia Malmström, commissaire européenne aux affaires intérieures, ne s’est pas fait attendre sur Twitter : « La Libye, la Tunisie doivent faire cesser le business indigne des embarcations de fortune ».2 Dans son communiqué de presse, elle rappelle son initiative annoncée en début de semaine à Luxembourg « Il est plus urgent que jamais de lancer la grande opération de sauvetage Frontex en Méditerranée ».3 Plus de contrôle dans les pays du Sud de la Méditerranée et plus de surveillance sont ainsi les remèdes que l’UE propose pour mettre un terme à cette hécatombe dont elle se sent soudain si concernée.


Les naufrages de cette dernière semaine contredisent pourtant entièrement la pertinence de ces « solutions ». Le naufrage de Lampedusa du 3 octobre montre qu'aucun système de contrôle ne pourra empêcher la mort des migrants en mer : Lampedusa est certainement l’île la plus surveillée en Méditerranée et tous les moyens annoncés par Mme Malmström comme nécessaires « pour sauver des vies » y sont déjà déployés. Cela n’a pas empêché la mort de plus de 350 personnes à moins d’1km de l’île.4 Le naufrage du 11 octobre jette quant à lui une lumière crue sur la responsabilité européenne dans les départs des migrants et refugiés au péril de leur vie.


L'UE continue de négocier avec le sud de la Méditerranée des accords migratoires qui limitent les possibilités d’obtention de visas et la liberté de circulation du plus grand nombre. Elle continue également par la multiplication des contrôles à restreindre les possibilités d’accès à son territoire aux demandeurs d’asile. En raison de la militarisation des frontières et du quadrillage de l’espace maritime, les habitants du sud de la Méditerranée se voient contraints de prendre des routes maritimes de plus en plus dangereuses et mortifères pour gagner les rives de l'Europe forteresse. On ne compte plus le nombre de familles qui, depuis 2011, sont sans nouvelles de leurs proches fuyant la persécution, la guerre ou partis pour une vie meilleure. En Tunisie, les réfugiés du camp de Choucha, ouvert lors de la crise libyenne, restent encore et toujours sans solution durable ni possibilité d'être réinstallés dans des pays dotés de systèmes d'asile.


Depuis la fermeture officielle du camp en juin 2013, plusieurs dizaines d'entre eux ont disparu dans des naufrages, dont deux le 11 octobre.
 

La leçon est claire et implacable. L’UE a les moyens d’éviter aux migrants et réfugiés de risquer leurs vies, mais elle s’enferme dans une spirale sans fin de militarisation des frontières. Celle-ci ne sauve pas, elle tue. Combien de naufrages et combien de vies encore devront signifier cette réalité avant que l’UE ne revoie fondamentalement sa politique en matière de migration et d’asile et arrête de criminaliser ces hommes et ces femmes à la recherche d’une protection ou d’un avenir meilleur, ne leur laissant d’autres choix que celui de risquer leur vie ?
 

Le FTDES appelle la société civile tunisienne à se mobiliser pour que les réfugiés de Choucha soient tous réinstallés dans de bonnes conditions de vie.

1 http://watchthemed.net/index.php/reports/view/32


2 http://www.lemonde.fr/europe/article/2013/10/11/nouveau-naufrage-d-un-bateau-de-migrants-chavire-pres-delampedusa_3494580_3214.html


3 http://europa.eu/rapid/press-release_MEMO-13-883_en.htm?locale=FR


4http://www.frontexit.org/fr/actus/item/174
 

 

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