Tunisie : nouveau report du dialogue national sur fonds de troubles sécuritaires

Initialement prévu mercredi, le lancement du "dialogue national" tant attendu en Tunisie a été reporté à vendredi en raison du décès de six gendarmes dans des combats près de Sidi Bouzid et de la promesse de démission du gouvernement jugée "ambiguë" par l'opposition.

Alors que devait démarrer le "dialogue national" censé sortir le pays de la profonde crise politique dans laquelle il est enlisé depuis plusieurs mois, la Tunisie a été endeuillé une nouvelle fois, mercredi 23 octobre, par des affrontements avec un groupe armé dans la région de Sidi Bouzid qui ont coûté la vie à six membres de la Garde nationale, l'équivalent de la gendarmerie. Selon le ministère de l'Intérieur, un policier a aussi été tué dans le nord, dans des circonstances qui n'ont pas encore été éclaircies.

Le "dialogue national" de sortie de crise devait commencer mercredi après un engagement du gouvernement à démissionner. Mais les propos en ce sens du Premier ministre, l'islamiste Ali Larayedh, qui s'est exprimé avec plus de cinq heures de retard sur l'horaire initialement prévu, ont été jugés ambigus par l'opposition. Les pourparlers politiques entre Ennahdha et ses opposants ont donc, une nouvelle fois, été repoussés.

"Nous ne nous soumettrons à personne"

En début de soirée, Ali Larayedh avait rappelé son "engagement sur le principe de renoncer au gouvernement dans le cadre de la complémentarité des différentes phases de la feuille de route" du dialogue national. "Nous ne nous soumettrons à personne", avait-il ajouté, mettant seulement en avant "l'intérêt de la patrie".

"Nous allons mener plus de concertations avec le Premier ministre pour avoir plus d'éclaircissements sur son discours d'aujourd'hui (mercredi). Nous avons convenu que le dialogue national commencera vendredi à 10h00", a pour sa part déclaré, après une réunion avec les différents acteurs politiques, Houcine Abassi, secrétaire général du syndicat UGTT et principal médiateur de la crise en cours.

De son côté, le président Moncef Marzouki a souligné à la télévision qu'Ali Larayedh "ne reviendrait pas sur le principe d'une démission tant que l'Assemblée nationale constituante acceptait de designer une commission électorale indépendante (...) et achevait la Constitution".

Manifestations à Tunis

L'opposition a jugé ces propos insuffisants, réclamant que le gouvernement s'engage à partir dans les trois semaines qui suivent le début des négociations. "La déclaration du chef du gouvernement était ambiguë (...) nous ne pouvons entrer dans le dialogue national", a ainsi estimé Jilani Hammami, représentant du Parti des travailleurs.

La feuille de route rédigée par quatre médiateurs dont l'UGTT prévoit qu'un nouveau Premier ministre indépendant soit désigné une semaine après le début du dialogue et qu'un cabinet de technocrates soit formé dans les deux semaines qui suivent. Le gouvernement est censé démissionner à l'issue de ce processus. Parallèlement, l'opposition et Ennahdha doivent s'entendre sur le contenu de la nouvelle Constitution, rédiger une loi électorale, former l'instance chargée d'organiser les élections et fixer le calendrier pour les prochains scrutins.

Mercredi, quelques milliers de militants de l'opposition ont manifesté dans le centre de Tunis pour réclamer le départ des islamistes au pouvoir. Dans la soirée, ils étaient encore quelques dizaines place de la Kasbah, où siège le gouvernement, certains y dressant même une tente pour y passer la nuit.

Deuil national de trois jours

Sur le front sécuritaire, les six gendarmes tués près de Sidi Bouzid ont été accrochés par un groupe "terroriste", selon Ali Larayedh, qui a indiqué que les forces tunisiennes "pourchassaient" les autres assaillants. "L'État tunisien est en train de vaincre le terrorisme (...) malgré les sacrifices", a-t-il également assuré. Un deuil national de trois jours a été décrété et l'UGTT a appelé à une grève générale jeudi dans la région de Sidi Bouzid.

Ces nouveaux combats risquent de compliquer encore la position des islamistes d'Ennahdha et de leurs alliés, régulièrement accusés par l'opposition d'avoir fait preuve de laxisme vis-à-vis de la mouvance jihadiste, à qui ont été attribués les assassinats du député Mohamed Brahmi en juillet et de l'opposant Chokri Belaïd en février.

La semaine dernière déjà, deux gendarmes avaient été tués dans la région de Béja, à 70 km de Tunis. Si les autorités ont ensuite annoncé la mort de neuf "terroristes" dans une opération militaire, ces combats ont aussi déclenché aussi une fronde au sein des forces de l'ordre. Des dizaines de militants de syndicats de policiers avaient notamment chassé le président et le Premier ministre d'une cérémonie en hommage aux gendarmes tués.

(Avec AFP)


 

Évaluer cet élément
(0 Votes)