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Le président sortant de la Fifa s'est livré à l'agence officielle russe. Avant de partir en février, "Seppi" a opté manifestement pour la tactique de la terre brûlée.
Joseph Josephovitch a encore frappé. Ceux qui croyaient que le président de la Fifa en annonçant la remise de son mandat il y a cinq mois était retourné boire du chasselas à l’ombre du Matterhorn, en sont pour leurs frais. Sepp est vivant et bien vivant, toujours aussi tonique pour ses 79 ans. La preuve dans une interview exclusive donnée mercredi à nos confrères russes de l’agence Tass, où le vieux hiérarque, dans un délicieux sabir helvético-anglais, dit tout le mal qu’il pense de ses anciens amis, de ses ennemis actuels, et plus largement du monde entier.
Sepp Blatter est un homme blessé, et tient à le faire savoir. Les Anglais le détestent. Ce sont de "mauvais perdants", qui lui en veulent de s’être fait chiper la Coupe du monde 2018 au profit des Russes. Idem pour les Américains, qui ont subi la même mésaventure au profit des Qataris pour le Mondial 2022. Quant à ses compatriotes suisses, ils l’ont traîné dans la boue, parce qu’il est originaire du Valais, "un tout petit canton", dont les habitants, fiers montagnards seraient pris localement pour des "primitifs".
"Joseph Josephovitch"
Sepp ne semble plus avoir qu’un seul ami, cet excellent Vladimir Poutine, hôte de la prochaine coupe du monde, qui, lui, ne l’a jamais lâché. Dans son interview Blatter, pardon "Joseph Josephovitch" (voyez, il n’a pas perdu son humour), s’attarde longuement sur l’idylle qui le lie à "Vladimir Vladimirovitch".
"Ce que j’aime avec lui, c’est que dans des situations difficiles, j’ai toujours eu son appui. C’est bien. Et moi, en retour, je le soutiens dans toutes les discussions, dans toutes les situations."
On peut voir dans cette ode à l’amitié zuricho-moscovite une politesse pour ses interlocuteurs, héritiers de l’agence officielle du PCUS. Mais également une de ces phrases à double tiroir, dont le papy-flingueur est coutumier.
Qui en effet, contrairement à Vladimir Vladimirovitch, lui a été déloyal, et ne pourra plus jamais profiter de son caractère magnanime ? Michel Aldovitch bien sûr, l’ancien fils prodigue devenu patron de l’UEFA (la confédération européenne) et principal concurrent pour la suprématie sur le football mondial. Prostré dans sa villa genevoise, voyant ses soutiens se faire la malle les uns après les autres, notre Platoche national, donné jadis gagnant "à coup sûr" des prochaines élections à la présidence de la Fifa (le 26 février), est aujourd’hui un homme à terre, suspendu pour trois mois de toute activité dans le football.
Platini, même pas capable de flinguer papa
Et ce n’est pas Sepp qui va le relever. Dans son interview, le Suisse a la dent dure. Qui a mis le feu à la Fifa ? Michel Platini désireux de mettre la main sur une fédération internationale jugée insuffisamment à l’écoute des intérêts financiers du foot européen. Qui a tendu la perche pour se faire battre ? Ce grippe-sou de Michel, encore lui, qui, devenant son bras droit à la Fifa en 1998, lui a réclamé 1 million de francs suisses par an – un montant trop élevé pour faire l’objet d’un contrat en bonne et due forme, cette absence de contrat étant à l’origine de leurs suspensions respectives.
Et en plus, Platini serait un incapable, même pas foutu de flinguer proprement papa. La preuve, le voilà emporté dans une affaire qui le dépasse.
Au début, l’UEFA voulait se débarrasser de moi, mais ils n’avaient pas mesuré la dimension politique que tout cela prendrait. Aujourd’hui, ce n’est plus Platini contre Blatter, c’est la revanche des Etats-Unis, du Royaume-Uni, de tous ceux qui n’ont pas eu la Coupe du monde et ne s’en remettent pas".
En même temps, on peut comprendre les Anglais. Dans son interview, Blatter déclare tout haut et sans vergogne ce qui depuis longtemps se murmurait tout bas : l’attribution des Coupes du monde n’est pas le fruit d’un processus démocratique, mais de tractations en coulisse. "Nous nous étions mis d’accord : la coupe du monde irait à la Russie et aux Etats-Unis. Tout allait bien jusqu’à ce que Sarkozy déjeune avec Michel Platini en présence du prince-héritier du Qatar et lui dise "ce serait bien de les soutenir ". Après il y a eu une élection à bulletin secret, et quatre voix européennes ont manqué aux Etats-Unis". Bref, avant même le fameux déjeuner à l’Elysée, dont la presse anglo-saxonne s’était largement fait l’écho, les dés étaient pipés. Aux dépens de Londres, mais au profit de l’Oncle Sam qui se retrouve dans la position de l’arroseur arrosé. Shocking !
Défourailler à tout va
En matière de pavé dans la mare, Joseph Josephovitch n’était jamais allé aussi loin. Depuis 2010, ses relations dégradées avec l’UEFA nous ont valu quelques belles passes d’armes. Mais cela se faisait encore à fleurets mouchetés. En mai 2014, lorsque les journalistes suisses de la RTS lui demandaient si le Qatar "avait un peu acheté le Mondial", Seppi répondait, onctueux :
Non, non, non, je ne dirais jamais qu’ils ont acheté, car c’était de la poussée politique. Aussi bien en France qu’en Allemagne. Nous ne pouvons pas intervenir dans les considérations politiques."
Le propos était clair pour les initiés, mais les formes étaient encore préservées. Pas d’attaques ad hominem, pas de révélations directement exploitables – on était entre gens éduqués, amenés à se croiser régulièrement au comité exécutif de la Fifa, dont tout ce beau monde était membre de plein droit.
Les précautions oratoires n’ont plus cours aujourd’hui. En juin dernier, à la toute fin de l’annonce de sa "démission", le Suisse, qui s’est longtemps vu en prix Nobel de la Paix, avait annoncé la couleur. Libéré de toute contrainte électorale, il profiterait de ces derniers mois pour agir en homme libre.
Cela veut dire défourailler à tout va, on le voit. Mais également mener les grandes réformes qu’attend selon lui la maison Fifa : élection directe des membres du comité exécutif (ComEx) par l’ensemble des fédérations représentées à l’assemblée générale (ils sont aujourd’hui nommés par les confédérations continentales), limitation à deux mandats, contrôle d’intégrité de tous les candidats, bref une "fuite en avant démocratique", ne réglant pas la question du clientélisme, mais réduisant un peu plus le poids de l’Europe et de sa toute puissance financière dans le football mondial.
Bientôt sanctifié ?
Blatter a beau avoir fait du Blatter – couvrir les errements des autres, mais ne jamais se retrouver dans la position de l’obligé – l’affaire du vrai-faux contrat Platini lui a été fatale. Le président sortant, qui un temps n’excluait pas de se représenter en février, a jeté l’éponge. Mais, volontairement ou non (Platini penche nettement pour la première option), il emporte son principal opposant dans sa disgrâce, et en sapant la crédibilité de l’UEFA, met les choses en place pour que le big-bang institutionnel qu’il appelle de ses vœux, puisse avoir lieu.
Il s’en est d’ailleurs réjoui dans son interview. Son interlocuteur s’inquiétait que sa suspension puisse être liée aux "décisions importantes qu’il était en train de faire passer". Blatter tout en qualifiant la question de "très intelligente" (spasiba !) a répondu par la négative :
Je ne crois pas que ce soit le cas, je commence à bien sentir les situations après 40 ans. Un comité des reformes est en train de travailler, et il travaille sur l’ordre du jour que je lui ai transmis".
Blatter prend-il ses rêves pour des réalités ? Ledit comité, présidé par l’avocat suisse François Carrard rendra ses conclusions fin novembre. François Carrard est l’ancien directeur général du Comité international olympique qui en 1999 avait dirigé le processus de réformes de l’organisation après le scandale de corruption lié aux Jeux d’hiver de Salt Lake City. En août dernier, il avait estimé que M. Blatter était injustement traité.
Je le dis en toute indépendance. On est en train de le brûler. Il a certes commis des erreurs, mais il a aussi apporté des éléments positifs."
Vous verrez, cet homme finira par être sanctifié.
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