touwensa.com هي بوابة إخبارية على الإنترنت ومصدر دائم للمحتوى التقني والرقمي لجمهورها المؤثر في جميع أنحاء العالم. يمكنك الوصول إلينا عبر البريد الإلكتروني أو الهاتف.
editor@touwensa.com
Roselyne Bachelot avait raison. En octobre 2007, deux mois avant l’introduction du passeport biologique dans le cyclisme, l’ancienne ministre de la santé et des sports assurait que l’on assistait là à « un changement radical qui marquera(it) l’histoirede la lutte antidopage ». Effectivement, le passeport biologique – qui compile les données hématologiques des sportifs faites au cours des contrôles – a marqué l’histoire de l’antidopage, mais pas exactement de la manière dont Mme Bachelot l’envisageait.
Devenu l’outil indispensable d’un incroyable chantage mené dans les coulisses de l’athlétisme mondial, il est la victime collatérale du scandale qui ébranle la Fédération internationale d’athlétisme (IAAF). Le passeport biologique de l’athlète (PBA), fruit d’importantes avancées scientifiques, présenté à sa naissance comme la parade des chercheurs au dopage sanguin, n’a jamais autant fait parler de lui.
Variations anormales
Par un retournement ironique de l’histoire, ce sont les utilisateurs du passeport biologique les plus zélés qui ont mis en lumière ses faiblesses, en utilisant à leur profit personnel l’accès aux données sanguines des athlètes : Lamine Diack, l’ancien président d’une fédération qui fut la deuxième à mettre en place le système, et son ancien patron du département médical et antidopage, Gabriel Dollé, qui en faisait la promotion. Ils ont été mis en examen par le parquet national financier, comme Habib Cissé, conseiller juridique personnel de Lamine Diack.
Lire aussi : Les incroyables confessions de Lamine Diack, ex-président de la Fédération internationale d’athlétisme
« Tous les trois ont reconnu que le traitement des passeports biologiques russes a été réalisé de manière inhabituelle », a résumé le procureur Eliane Houlette jeudi 14 janvier, en clôture de la conférence de presse de la commission indépendante de l’Agence mondiale antidopage (AMA), organisée à Munich.
Outil de détection indirecte du dopage, le passeport biologique, dans son volet hématologique, le seul vraiment au point à ce jour, permet de détecter les variations sanguines anormales et de sanctionner les manipulations illicites, même si aucune substance interdite n’a été dépistées lors des contrôles. Il est ainsi devenu possible de juger de la probité d’un sportif en étudiant les variations de son hémoglobine – la protéine qui se trouve dans les cellules rouges et favorise le transport du dioxygène –, l’évolution de son taux de réticulocytes – ses globules rouges jeunes – et des indices obtenus à partir de différentes données sanguines, notamment l’off-score. En théorie, une poignée de prélèvements peuvent suffire à confondre un tricheur. Si des données anormales sont relevées, elles sont soumises à un panel de trois experts, qui déterminera si ces variations ne peuvent s’expliquer autrement que par le dopage.
Ciblage des athlètes
L’IAAF a mis en place le passeport biologique en 2009, un an après l’Union cycliste internationale (UCI). Premier athlète suspendu sur la base de son PBA en 2012, l’obscur marathonien portugais Helder Ornelas a depuis été rejoint par 68 autres athlètes. Soit l’immense majorité des 85 sportifs confondus, l’UCI en revendiquant 13 de son côté.
L’apport du passeport ne se limite pas à la suspension de ces 85 tricheurs, pour la grande majorité des anonymes de leur sport. D’une part, il permet le ciblage d’athlètes aux valeurs sanguines suspectes, sur qui les contrôles sont désormais concentrés. « Le passeport a toujours été un moyen de cibler, rappelle le directeur général de l’AMA, David Howman. Et il peut désormais mener à des contrôles nocturnes[autorisés depuis 2015],car le passeport peut être un élément qui amène à penser : il faut qu’on attrape ce mec la nuit. »
D’autre part, son pouvoir est dissuasif, au moins dans un premier temps. « Vous mesurez les résultats en nombre de cas ouverts, mais le passeport est surtout un outil de ciblage et de dissuasion, plaide Francesca Rossi, présidente de la Fondation antidopage du cyclisme (CADF), instance indépendante mise sur pied par l’UCI. La dissuasion est un moyen très important de la lutte antidopage. Des articles scientifiques ont prouvé que l’absence de passeport biologique provoquait une augmentation des pratiques dopantes. »
« Il est évident que le comportement d’un grand nombre de sportifs a changé depuis la mise en place du passeport, abonde Michel Audran, professeur de pharmacie à l’université Montpellier-I, spécialiste du dopage sanguin et expert pour l’IAAF. Cela a au moins mis fin à certains abus. Quand on regarde les passeports, s’il y avait 10 % à 20 % de passeports anormaux au début – tous ne donnent pas lieu à sanction –, nous sommes tombés à nettement moins de 5 %. Il y a eu un changement. »
Thomas Capdevielle, qui codirige, avec Pierre-Yves Garnier, le département antidopage de l’IAAF, est lui aussi convaincu qu’à long terme, le passeport biologique est préférable aux méthodes traditionnelles.« Si on nous donne le choix, pour un athlète, entre aller faire une quinzaine de tests EPO, dont les fenêtres de détection sont réduites, et investir dans le passeport pour faire des contrôles, on prendra la deuxième option, explique-t-il. Avec le passeport, ça sera une question de temps, à partir du moment où on a des données anormales. » Une question de temps, mais combien ?
Who’s Who de l’athlétisme
Dès 2001, l’IAAF a pris l’initiative de tests sanguins dans l’objectif de mieux cerner ses athlètes et d’en cibler certains. Les résultats ont été saisissants. La chaîne de télévision allemande ARD et le quotidien britannique Sunday Times ont révélé en août 2015 l’inquiétante proportion des valeurs anormales chez les spécialistes des épreuves d’endurance, après avoir mis la main sur une base de données recensant quelque 12 500 prélèvements effectués entre 2001 et 2012. L’IAAF a porté plainte à la suite des révélations autour de cette base de données. Parmi les athlètes aux valeurs très atypiques, certaines dangereuses pour la santé, une proportion non négligeable n’a jamais été suspendue pour dopage, comme a pu le constater Le Monde, qui s’est procuré la vertigineuse base de données.
Error: No articles to display