L'intellectuel tunisien, entre démagogie et provocation

"L'important de la pédagogie n'est pas d'apporter des révélations, mais de mettre dur la voie". Pierre Dehaye

Un intellectuel est une personnalité publique qui fait usage de son esprit et qui fait part de ses analyses et de ses points de vue sur des sujets divers. Il peut être créateur d'idées et de connaissances ou médiateur, producteur ou consommateur d'idéologies et de doctrines.

En Tunisie, la majorité de la classe intellectuelle tunisienne oscille, à mon sens, entre deux catégories distinctes: l'intellectuel démagogue et l'intellectuel provocateur.

L'intellectuel démagogue

Les intellectuels démagogues forment la plupart des "spécialistes", "scientifiques" et "chercheurs" qu'on voit sur notre écran et qu'on lit dans nos journaux. Ils se divisent en trois sortes:

L'intellectuel neutre: ce type d'intellectuels renonce à toute forme d'implications. Il prétend n'appartenir à aucun camp et s'applique à afficher une objectivité sans faille. L'illusion de la neutralité lui confère une certaine autosatisfaction et de la tranquillité. Il oublie pourtant que l'intellectuel est, par définition, une personne engagée. Aussi, dans le contexte national actuel, la neutralité intellectuelle est pareille au silence. Exemple: Kaïs Saïd.

L'intellectuel conciliateur: cet intellectuel voit dans les discours conciliateurs une forme de sagesse. Il s'efforce à satisfaire les antagonismes tout en cherchant - consciemment ou inconsciemment - l'approbation de ses détracteurs. Il se définit par exemple comme "laïc", mais argumente ses propos de versets coraniques et de hadiths afin de toucher le grand public. En Tunisie, l'intellectuel conciliateur se justifie souvent par rapport à sa foi et finit par devenir le porte-parole du sens commun. Exemples: Olfa Youssef, Raja Ben Slama, etc.

L'intellectuel populiste (ou l'intellectuel de la doxa): ce type d'intellectuels s'adresse au grand public sans l'intention de lui créer une conscience progressiste. Ses idées restent au service de la mentalité collective qu'il défend et dont il fait l'éloge. Il ne présente aucune vision critique de la politique et de la société, prétendant parler au nom du peuple et pour le peuple.

L'intellectuel provocateur

Contrairement aux intellectuels démagogues très présents sur la scène médiatique, les intellectuels provocateurs engendrent les appréhensions et sont généralement boudés par les médias tunisiens.

Ils jouent sur la provocation et l'originalité au point de perdre leur crédibilité vis-à-vis du grand public et passent pour des marginaux. En dépit de la pertinence de ses idées et de son audace, cette catégorie d'intellectuels se trouve rejetée par l'auditoire tunisien et n'est pas prise au sérieux.

Exemples: Jalel Brik, Taoufik Ben Brik, etc.

La nécessité d'un intellectualisme pédagogue

En faisant de la démagogie ou de la provocation, l'intellectuel tunisien pense agir sur la société et agiter les consciences. Mais il n'en est rien. Voici donc quelques points essentiels pour une bonne pédagogie intellectuelle:

L'intellectuel n'a pas le monopole de l'intelligence et doit le montrer au récepteur.


L'intellectuel ne doit pas faire part de ses idées d'une manière directe: il doit poser les questions de sorte à guider le récepteur vers son idée.
 

L'intellectuel a la tâche de faire naître l'esprit critique chez le récepteur et non de lui transmettre le savoir.
 

L'intellectuel doit évoluer au-delà des espaces traditionnels (universités, salles de conférence, médias) et aller au contact du grand public.
 

L'intellectuel doit transformer son engagement théorique en pratique.
 

L'intellectuel doit se situer non pas au-dessus, mais à côté des gens moins "instruits" et diplômés que lui.
 

L'intellectuel doit dialoguer et non s'adresser au récepteur.
 

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