Orphée et Eurydice, un classique de Pina Bausch, repris à l'Opéra

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Cinq ans après la disparition de la chorégraphe allemande Pina Bausch, le public se presse comme jamais à chaque reprise de ses œuvres, comme "Orphée et Eurydice", donné jusqu'au 21 mai à l'Opéra de Paris.

L'œuvre est à la fois l'opéra le plus populaire de Gluck (1714-1787) et un "classique" de la grande dame de la danse, créé à Wuppertal en 1975, et ressuscité pour son entrée au répertoire de l'opéra de Paris en 2005.
 

De l'opéra de Gluck, qui ne connait le "tube" de l'air final, le déchirant "J'ai perdu mon Eurydice, rien n'égale mon malheur" ? Mais l'œuvre entière est un chef d'oeuvre, avec sa ligne de chant épurée, suivant au plus près l'action et les paroles.
 
 
Gluck, qui voulait à l'époque délivrer l'opéra de ses ornements inutiles, exigeait de son interprète qu'il crie "Eurydice, Eurydice", au lieu de chanter, pour mieux traduire la douleur d'Orphée lorsque sa jeune épouse meurt d'une morsure de vipère au lendemain de leurs noces.

 

Emu, le Dieu des enfers accorde à Orphée de ramener sa belle à la vie, pourvu qu'il ne la regarde pas. Mais les supplications d'Eurydice, qui se croit délaissée par son amant, finissent par avoir raison de sa détermination, et Orphée se retourne, condamnant Eurydice. Lorsqu'elle compose le ballet, Pina Bausch est à une période de sa carrière où elle se confronte à la souffrance, avec deux tragédies coup sur coup, "Iphigénie en Tauride" et "Orphée".
 

Pour "Orphée", elle choisit de faire monter les chanteurs sur scène: Chaque danseur a son "double" chantant, sobrement vêtu de noir, créant un effet de fusion entre le chant et la danse.
 

- Marie-Agnès Gillot, vibrante Eurydice-
 

Bien sûr, le ballet virtuose de l'Opéra de Paris en donne une version sans doute plus lisse, moins "sauvage" que la création originale de la compagnie de Pina Bausch. Mais la beauté des ensembles -les pleureuses, les furies- la grande simplicité des décors noirs et blancs, les voiles fluides des costumes rendent justice à ce grand ballet des débuts de Pina Bausch.
 

L'étoile Marie-Agnès Gillot incarne une vibrante Eurydice, dont le visage comme le corps, parfois traversé de tremblements, sont stupéfiants d'émotion.
 

Orphée (Stéphane Bullion) évoque les éphèbes des statues grecques, référence vivante à la tragédie.
 

La chorégraphe allemande avait choisi le final tragique de la version italienne de l'opéra de Gluck, au lieu du "happy end" de la version française où les amants se retrouvent.
 

On gardera longtemps l'image d'Eurydice en longue robe carmin, se rapprochant et s'éloignant d'Orphée dans un mouvement tournoyant, jusqu'au baiser final qui lui sera fatal : La méfiance a tué l'amour. Séparés jusque dans la mort, les amants gisent de part et d'autre du plateau au tombé du rideau.
 

A partir du 21 juin, une autre pièce charnière de l??uvre de Pina Bausch, "Palermo Palermo", créée peu après l’effondrement du mur de Berlin, sera donnée au Théâtre de la Ville par sa compagnie Tanztheater Wuppertal. L'oeuvre, créée en Sicile, s'ouvrait sur l'effondrement d'un mur qui occupait toute la scène. Prémonition? Pina Bausch a toujours assuré que la scénographie avait été imaginée avant la chute du mur.
 

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