The Homesman de Tommy Lee Jones

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Pour sa deuxième réalisation, Tommy Lee Jones nous propose un Western très classique formellement. La musique est séduisante, les cadrages soignés. Road-movie en carriole, cette odyssée est ponctuée de scènes jamais trop longues, de rebondissements très hollywoodiens : le film est divertissant, malgré son aspect très dramatique. Plus sage, moins noir que Trois enterrements, doté d’une légère dose d’humour et de quelques cocasseries, The Homesman se conjugue, durant les trois quart du temps au féminin. C’était l’intérêt premier.

Malheureusement, l’écriture du personnage central – avant que l’histoire ne bascule vers le personnage de Tommy Lee Jones, au jeu minimaliste et cabotin - n’est pas assez rigoureuse. Alors que le duo se construisait dans une opposition, certes déjà vue, mais assez réjouissante, le spectateur voit sacrifier la sympathique Hilary Swank au profit du désenchanté Tommy Lee Jones, lui même s’adoucissant un peu trop rapidement.
 

Hilary Swank (impeccable) est une demoiselle autoritaire, autonome, dure, travailleuse, effrayée à l’idée de finir vieille fille. Sans explications, elle glisse dans une folie qu’on ne perçoit pas, voire qu’on ne comprend pas. Comment cette bonne citoyenne, considérée comme l’égale des hommes par sa communauté (voire un peu supérieure : elle sait cuisiner), peut-elle perdre pieds aussi facilement, soudainement ? Clairement, le scénario est bâclé sur ce point.

C’est d’autant plus regrettable qu’ils sont rares les grands personnages féminins de Westerns. Il y a un an, le film allemand Gold démontrait qu’il était possible pour une femme d’affronter les dangers de l’Ouest sauvage… Hélas, dans cette histoire, les femmes sont des hystériques (proche de l’aphasie sur la fin) incapables de supporter la dure vie des Plaines (maladies, morts, solitude …). Et même la plus solide n’y résiste pas. Ceci dit, les hommes ne sont pas vraiment mieux traités : brutaux ou lâches, salauds ou paumés.

Mais, au delà de cette misanthropie latente (l'humanité est peu flattée), le réalisateur sait nous embarquer dans ces péripéties avec une dérision bienvenue, quelques répliques bien trouvées, et de l’action – à l’ancienne – quand il le faut. On aurait aimé un peu plus de psychologie et de profondeur. Cependant, trop concentré à faire avancer le récit tout en essayant de nous attacher au duo qu’il forme avec Swank, le cinéaste oublie de donner une âme à cet étrange périple.

Sur la fin, il abuse même des séquences convenues et de quelques clichés (l’arrivée de Meryl Streep n’apporte rien). C’est un peu décevant par rapport au premier tiers du film, où il avait su installer une atmosphère promettant une histoire singulière. Hélas, le film s’avère aussi léger que lisse, et même un peu bancal. Sans doute, la frustration provient de quelques manques, à commencer par les portraits plus fins et moins synoptiques des « folles », à l’origine de ce parcours périlleux à l’issue incertaine. Le voyage est bien plus plaisant que le baroque Trois enterrements. Mais on cherche encore la destination des errances qu’affectionnent tant le réalisateur. Rester seul et libre, à l'écart du monde et en faisant fi des lois, semble son motif. En cela, il s'approche du cinéma de Clint Eastwood, la référence majeure ce cette aventure. On ne peut pas s'empêcher de penser à Pale Rider.

 

 

Évaluer cet élément
(0 Votes)