Génération "twee" : une jeunesse gentille et aseptisée ?

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Douce et sensible, accro aux cupcakes et à la musique folk, voici la jeunesse "twee".

Après le peace and love des 1970's, le néolibéralisme des années 1980, le minimalisme version 1990, les Y ultraconnectés de 2000, une nouvelle révolution générationnelle serait en marche : l'univers des twee. Vous êtes douce et sensible, aimez les cupcakes et Zooey Deschanel ? Vous en faites probablement partie.
 

Dans la série « New Girl », Zooey Deschanel alias Jess incarne une jeune institutrice qui partage son quotidien et son appart avec trois garçons sympas quoiqu’un peu maladroits voire un brin demeurés. Mais Jess est patiente, Jess chante à tue-tête toute la journée, adore ses élèves, les serre-têtes et les petits animaux. Elle vit dans un univers gentillet et aseptisé, un microcosme « twee ».
 

« Twee » : ce terme apparu dès 2003 grâce à la contribution d’un internaute sur le site Urban Dictionary vient de refaire surface avec la publication du livre de Marc Spitz Twee : The Gentle Revolution in Music, Books, Television, Fashion & Film. « Twee » signifie maniéré, doux, voire chichiteux selon un article de Slate et sa sonorité vient de la manière dont les enfants essaient de prononcer (sans y parvenir) « sweet » en anglais. Tellement mignon que le « twee » en deviendrait écœurant. Si Marc Spitz parle, lui, de « nouvelle révolution esthétique », la plupart des articles consacrés à la thématique viennent surtout critiquer une jeunesse aseptisée, vulnérable, inadaptée à la cruauté du monde dans lequel nous vivons. Une génération qui refuserait de grandir en somme. Dans le même temps, elle remet la bienveillance, la facilité et la douceur au goût du jour. On aurait alors peut-être tort de s’en priver.
 

Manque d'exigence et naïveté
 

Dans un article paru en 2012 dans le magazine The Flack et intitulé « The Art of Twee », l’auteur pointe du doigt une tendance à la niaiserie. L’adjectif « twee » viendrait donc qualifier quelque chose d’ « excessivement délicat, mignon, au charme suranné ou pittoresque ». Abonné(e) aux pâtisseries maison, aux Polaroïds, au « Do it Yourself » et aux musiques sirupeuses, la « twee girl » ou le «twee boy » serait sensible et naïf, fragile et en même temps exalté par tout. Une sorte de Hipster avec le sens critique en moins.
 

Même son de cloche dans un article paru dans The Atlantic. Son auteur remarque une forme de  ravissement pour les groupes de musique folk médiocres osant même « The crapper, the better », littéralement « plus c’est nul, mieux c’est ». Comme si un manque d’exigence et de qualité venait qualifier la génération twee. Comme si aimer le DIY condamnait à se vêtir de frusques multicolores sans jamais craquer pour une paire de Louboutin. Pourtant, bienveillance ne rime pas systématiquement avec naïveté ou niaiserie.
 

 Du consumérisme ou du militantisme ?
 

Certains arguent que cette sensibilité marque un refus de grandir. Comme si les 20-30 ans réalisaient subitement que l’âge adulte est complexe et que l’enfance était bien plus propice à la simplicité et à l’ébahissement. D’autres invoquent le privilège d’une jeunesse dorée qui n’a à se soucier de rien, incapable de prendre ses responsabilités, à tout jamais bénéficiaire d’une société consumériste. Autant de notions qui entrent en contradiction avec la propension notoire du twee à faire de la récup’, à aimer les choses simples et son enthousiasme débordant.
 

Tolérance et amour
 

Les valeurs ici décrites sont peut-être, en réalité la tolérance, la sympathie et l’amour. Parce qu’à en croire l’auteur du « Twee Blog », « les individus qui sont des twees n’ont pas de rapports sexuels : ils font l’amour ». Évoquant même une génération d’hommes qui « ne correspond plus à l’idéal masculin traditionnel » et qui se répand. Et pourquoi pas ? Si la twee génération prône aussi le respect et le refus des conventions, c’est en fait une petite révolution sociale qui se joue.
 

Là, où les détracteurs de cette tendance à la bienveillance décrient un monde des Bisounours, il faut peut-être y voir une forme de militantisme paisible pour un monde plus serein. Un refus en bloc d’une société violente « inadaptée » à cette jeunesse soi-disant aseptisée. Ou peut-être, le retour à une vie sereine où l’on peut déguster des cupcakes sans craindre de perdre des neurones.


 

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Dernière modification le lundi, 14 juillet 2014 09:59