Toni M. Le convoyeur énigmatique

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

L’affaire Toni Musulin a marqué tous les esprits. En 2009, ce convoyeur de fonds lyonnais disparaît avec son chargement – près de 12 millions d’euros. L’homme est retrouvé par la police monégasque trois semaines après le début de sa cavale. On compte les billets de banque, il manque environ 2 millions d’euros qui ne sont toujours pas retrouvés. Le comédien Gaëtan Vassart a écrit, à partir du personnage du convoyeur et du fait divers, un monologue où il éclaire, à sa façon, un tel geste obscur. « Plutôt que de retracer la suite chronologique de sa cavale, ou de lui donner un sens directement politique, j’ai tenté d’entrevoir la portée poétique et humaniste d’un geste « fou », dit-il. Pour y parvenir, j’ai fouillé dans l’enfance, la mienne, je l’ai passée au tamis pour tâcher de mettre à jour ces rêves enfouis, universels, qui sommeillent en chacun de nous et ne demandent qu’à reprendre vie ».

Pour la mise en scène de ce texte, Vassart a collaboré avec Bernard Sobel. Tous deux ont eu l’idée de présenter le personnage comme un homme qui parle à voix haute en déplumant un poulet mort, tandis qu’un coq vivant tourne en rond derrière lui, dans une cage. Toni M. s’exprime en arrachant et en laissant tomber les plumes à terre. C’est de liberté qu’il rêvait. Il savait qu’il ne gagnerait pas, mais il a essayé. La somme qui a disparu, ce n’est pas lui qui l’a prise, mais un ripoux de Lyon bien connu… Jeu rude, décor rude, presque sordide, mais le texte a sa grâce – des inflexions imprévues, une langue musclée, une sensibilité masquée. Ce n’est pas anecdotique, c’est un parcours mental qui saisit des rêves et des sensations, bien au-delà de l’histoire même. Gaëtan Vassart, comme acteur, a une présence étrange et forte, une enveloppe brute qui libère des mots et des sentiments pleins de finesse. Il ne fait pas de Musulin un héros ou un salaud. Il efface quasiment Musulin lui-même pour créer un personnage plus universel, banal et noble, à aimer sans passer par les habituelles catégories morales et romanesques.
 

Toni M., texte et interprétation de Gaëtan Vassart, collaboration artistique de Bernard Sobel, dramaturgie de Sabrina Kouroughli, son de David Geffard.
 

 

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