Proposition pour l'inscription de Tabarka au patrimoine mondial de l'UNESCO

Touwensa (Mokhtar TRIKI)

« Le projet réunissant les deux rives de la Méditerranée que nous avons présenté, l'association "Tabarkini" et "Le pays vert: la Tunisie du Nord-Ouest" à l'Institut National du Patrimoine, cette semaine vise le classement au patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO de "L'héritage immatériel de l'aventure historique des Tabarchini" autrement dit de "L'épopée tabarquine en Méditerranée, de Gênes à Tabarka et aux 'nouvelles' Tabarka, Caloforte, Calasetta et Nueva Tabarca". A écrit Monique Longerstay, Présidente du Pays Vert : La Tunisie du N.O

En effet, ajoute-t-elle,  en 1544, Charles Quint, à l'issue d'un traité signé avec Moulay Hassan qui lui accordait l'autorisation de fonder des places fortes sur les côtes tunisiennes et celle de pêcher le corail, favorisa l'installation de Génois dans l'îlot de Tabarka (aujourd'hui presqu'île), qui devint vite un comptoir prospère, sous la direction de la puissante famille des Lomellini. La population, qui y vécut près de 200 ans et atteignit jusqu'à 1800 personnes, s'adonna à la pêche du corail et au commerce des produits régionaux, dont le blé exporté à Gênes.
 

Par ailleurs, les Tabarquins ou "Tabarchini", comme on les désignait dans les registres tunisiens jusqu'à la fin du XVIIIe siècle, créèrent une société originale qui empruntait au milieu local certains de ses modes de vie et des éléments de sa culture. Nombre d'entre eux, dont les élites sont devenues bilingues ont vu leur langue d'origine s'enrichir de mots et de concepts empruntés à la langue arabe et aux autochtones.
 

C'est ce qui permit à certains, quand le comptoir fut détruit en 1741, de s'intégrer à la société tunisienne, de trouver des emplois à la mesure de leur compétence et de former le noyau central de la communauté chrétienne de Tunis, tout en gardant des liens avec ceux qui, partis de Tunisie, fondèrent les trois "nouvelles" Tabarka, Carloforte et Calasetta, dans deux îles au sud-ouest de la Sardaigne et Nueva Tabarca, au large d'Alicante, en Espagne.
 

Les "Tabarchini" d'outre-mer n'ont jamais oublié leur patrie africaine et depuis 2008, les liens se sont resserrés avec Tabarka.
 

Les témoignages culturels de l'histoire qu'ils partagèrent pendant deux siècles avec Tabarka et son arrière-pays, sont nombreux et vivaces dans bien des domaines. Par exemple la pratique, y compris chez les plus jeunes, du "tabarchino", langue reconnue par la Sardaigne comme langue minoritaire, les chansons qui parlent d'horizons lointains, la cuisine, dont la fabrication du couscous, "il cahscà", et de bien d'autres plats aux senteurs de chez nous, les publications savantes et de vulgarisation, les romans historiques, les articles dans les media de nos trois pays, Italie, Espagne et bien sûr Tunisie.
 

Mais aussi les conférences et les projections dans chacune des cités sur les cités-sœurs, les rencontres, les voyages de retrouvailles, le jumelage entre Tabarka et Carloforte et bientôt entre les 5 cités tabarquines, car Pegli, petite ville ligure, aujourd'hui 7e arrondissement de Gênes, dont sont vraisemblablement partis les Génois pour Tabarka en 1544, revendique sa part de "Tabarquitude", le vote par les conseils municipaux des cités d'outre-mer du classement au patrimoine immatériel de l'UNESCO et du jumelage à cinq.
 

Tabarka n'est pas en reste, et participe déjà à certains projets culturels proposés par les cités, comme celui qui s'intitule "Saveurs et savoirs tabarquins". Elle va bientôt, grâce aux jeunes, monter une pièce de théâtre qui évoquera l'histoire pleine de rebondissements des Tabarquins, pièce qui sera jouée ensuite dans les autres pays, en italien et en espagnol.
 

D'autre part, un chantier de dégagement des vestiges du comptoir de l'île de Tabarka réunira des jeunes de toutes les cités tabarquines. Enfin, une régate qui partira de Tabarka pour se rendre dans les autres villes est en cours de préparation, en attendant une autre régate plus importante.
 

Par ailleurs, des projets d'ordre économique et touristique ont été proposés par la Ligurie, dont la capitale est Gênes, au gouvernorat de Jendouba auquel appartient Tabarka sur le plan administratif.
 

C'est ainsi que par deux fois les responsables nous ont proposé la mise à disposition gratuitement d'une salle au siège de la région, en plein centre de Gênes, pour exposer les atouts du gouvernorat de Jendouba dans tous les domaines. Ce serait une bonne occasion d'attirer davantage de touristes à Tabarka et dans la région. Même s'ils ne descendent pas directement des "Tabarchini", ni des grandes familles qui les encadrèrent, les Génois ne peuvent manquer d'être sensibles à une page originale de leur histoire et d'avoir envie de venir dans une cité où certains des leurs vécurent pendant deux cents ans.
 

Cela peut-être aussi le point de départ de circuits entre les cités tabarquines, circuits que nous commençons déjà à préparer. D'autre part, des projets incluant la formation de jeunes ont aussi été proposés, comme « Gardiens de pierre ». Le temps est venu de les réaliser.
 

Et pour terminer, Monique ajoute que « l'héritage immatériel de l'épopée tabarquine, qui se transmet de génération en génération, est une belle illustration de ce que la Méditerranée peut donner de mieux en matière de solidarité séculaire et de culture commune, c'est pourquoi nous demandons, soutenus par l'Italie et l'Espagne, son inscription au Patrimoine culturel immatériel de l'UNESCO ».
 

Mokhtar TRIKI d’après les propos de Monique Longertay (Présidente du Pays Vert)
 

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Dernière modification le jeudi, 31 juillet 2014 12:13