Les Parapluies de Cherbourg ont 50 ans

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Le célèbre film de Jacques Demy, sorti le 19 février 1964 fête son demi-siècle. À l'occasion du spectacle monté par Michel Legrand au Châtelet du 12 au 14 septembre, retour sur l’un des plus grands films de l'histoire du cinéma français.

Deneuve, de la starlette à la grande actrice
 

Après avoir fait tourner Anouk Aimée (Lola, 1961) et Jeanne Moreau (La Baie des Anges, 1963), c’est une toute jeune actrice que Jacques Demy met en scène dans Les Parapluies de Cherbourg. Au moment où il la contacte,  Catherine Deneuve a déjà joué dans Le Vice et la Vertu de Roger Vadim et elle est déjà une star en devenir. Dans une interview pour le magazine Elle en 2002, l’actrice explique : «Jacques Demy m'a regardée, non pas comme une starlette, mais avec toute sa confiance, toute sa poésie.»
 

Demy oublie le glamour de la jeune femme pour mettre en avant sa grâce et l’incroyable profondeur de son jeu, qui explose à l’écran dans les Parapluies. Demy explique qu’il a réussi à tirer «l’étincelle» de l’actrice, tout simplement en lui montrant qu’il y avait une autre voie que celle du sex symbol à la Bardot. Au chant, elle est doublée par Danielle Licari et tourne chaque scène en playback. La collaboration artistique entre Demy et Deneuve se poursuivra en 1967 avec Les Demoiselles de Rochefort, en 1970 avec Peau d’âne et en 1972 avec L’Événement le plus important depuis que l’homme a marché sur la Lune.
 

Un projet audacieux
 

Jacques Demy n’a réalisé que Lola (1960) quand il a, en 1961, l’idée des Parapluies. Le projet s’appelle alors La Belle Amour et le réalisateur a envie de travailler sur un drame musical avec Michel Legrand. Avant de concrétiser le scénario, il tourne La Baie des Anges avec Jeanne Moreau. La France étant un terrain peu propice pour la production d’une comédie musicale, la mise en place des Parapluies de Cherbourg est longue et laborieuse. C’est le patron du quotidien France Soir, Pierre Lazareff, qui présente la productrice Mag Bodard à Demy. Elle trouve alors les financements nécessaires, aidée par le studio américain Fox. Dans les Cahiers du Cinéma en 1990, Catherine Deneuve se souvenait d’un «tournage extraordinaire. Il y avait une production formidable avec Mag Bodard, qui avait fait ça à la force du poignet. Elle avait les moyens de faire le film, mais dans des conditions justes ; c'était trop particulier pour qu'on se dise que quelqu'un avait signé un chèque en blanc au départ. Mais trop d'argent nuit aux films, en général ; le manque d'argent peut être un atout, pour la nervosité, l'envie, l'imagination dont il fallait faire preuve.»
 
Bien avant le tournage, Demy se rend en Normandie pour faire des repérages, d’abord au Havre, puis à Cherbourg. Le tournage peut enfin débuter, en août 1963. Dans la ville, le réalisateur fait fabriquer de nouveaux commerces colorés, des restaurants, bars et magasins. Heureusement pour la production et pour l’équipe, le film est un succès, à la fois critique et public qui réunit 1,3 million de spectateurs. Il obtient, en 1964, le prix Louis-Delluc et la Palme d’Or à Cannes.

 

La musique de Michel Legrand
 

L’un des atouts inoubliables des Parapluies de Cherbourg, c’est la musique de Michel Legrand, qui accompagne chaque scène du film, parfaitement synchronisée sur les images et les émotions des personnages. C'est la deuxième bande originale que Legrand écrit pour Demy, après celle de son premier film Lola. «Les mots et la musique devaient couler de source» explique-t-il. Legrand expliquait à l'occasion de l'exposition Le monde en-chanté de Jacques Demy : «J’ai fait chanter les couleurs de Jacques, il a coloré mes musiques.» Pour Demy, le musicien est devenu, tout au long de sa carrière, son «frère de cinéma». Les deux hommes ont collaboré ensemble pendant trente ans et neuf films.
 

La guerre d’Algérie
 

Malgré le caractère coloré et magique des Parapluies, le film, qui se déroule dans les années 60, est aussi profondément dramatique. L’histoire d’amour entre Geneviève et Guy est assombrie par le service militaire de ce dernier et par la guerre d’Algérie, qui met à mal leur relation. Le film de Jacques Demy est l’un des premiers à traiter du sujet. Même si elle n’est jamais montrée, la guerre est la menace terrible et invisible qui brise les vies des protagoniques. En 1969, dans le film américain de Demy Model Shop, c’est une autre ombre, celle de la guerre du Vietnam, qui s’abattra sur le couple principal formé par Gary Lockwood et Anouk Aimée.
 

Une restauration financée en partie par les internautes
 

Au début de l’année 2013, la société Ciné-Tamaris a lancé une collecte sur le site de financement participatif Kiss Kiss Bank Bank pour pouvoir lancer la restauration du film. Le but de la manoeuvre : «fabriquer des fichiers numériques DCP pour prendre le relais des bobines 35 mm.» La collecte a été finalisée en avril 2013 et la société a pu ressortir le film en salles en juin 2013 en version restaurée. Une intégrale des films du réalisateur est en outre parue en 2008. Vous n'aurez plus d’excuses pour ne pas redécouvrir ce chef d’oeuvre du cinéma français.
 

Évaluer cet élément
(0 Votes)