Lykke Li, le spleen pop

Touwensa. Agences- Elle chante la perte de l’amour, son chagrin et le manque. En trois albums, Lykke Li a imposé sa sublime mélancolie au monde entier et séduit Terrence Malick, David Lynch ou encore U2. L’artiste suédoise a inauguré, mardi, la 27e édition du Festival Les Inrocks. Portrait.

Sur la scène du Casino de Paris, Lykke Li avance en majesté toute de noir vêtue, le visage à peine éclairé. Des colonnes de tissus transparents se dressent derrière elle. Un décor sombre et austère qui reflète l’atmosphère de son dernier disque, I Never Learn, révélé au printemps. Dès les premières notes du titre qui a prêté son nom à l'album, les spectateurs découvrent la dualité d’une voix, qui alterne finesse et puissance pour mieux crier au monde la douleur amoureuse. Difficile alors, de résister à une voix qui transperce les cœurs les plus durs et transforme une salle baignée dans la mélancolie en un monde enchanté où le sourire prend le pas sur les larmes. « C’est quelqu’un de passionnant », confie JD Beauvallet, directeur du Festival Les Inrocks, qui a programmé Lykke Li en ouverture mardi. « On ne sait jamais à l’avance ce qu’elle va faire sur disque et sur scène. Donc c’est toujours assez précieux d’avoir des artistes comme ça, qui peuvent encore créer la surprise et se remettre en cause », explique-t-il.  
 

Six ans déjà, que Lykke Li enivre le monde de ses tourments. De son vrai nom Li Lykke Timotej Svensson Zachrisson, la jeune chanteuse suédoise (elle a 28 ans) affiche une maturité impressionnante. Née d’un père musicien et d’une mère photographe, elle baigne dans l’art depuis toujours, et passe son enfance entre la Suède, le Maroc, le Népal et l’Inde. Une jeunesse itinérante qui a favorisé l'imagination de celle qui n’a jamais possédé de jouets ni de télévision. Mais la musique ne fut pas une évidence. Elle rêvait de devenir biologiste marin, jusqu’au jour où elle entend un certain Michael Jackson. Le clip Black and White est un électrochoc. « Je voulais danser et chanter dans le désert (...) je ne savais pas s’il était un homme ou une femme mais il semblait libre et heureux », confiait-elle en juillet au Telegraph.
 

Mais la liberté a un prix. Les années de galère qui ont suivi forgeront son caractère. Après avoir écumé les bars de Stockholm et de Londres, elle prend le chemin de l’Amérique. De fil en aiguille, elle parvient à assurer quelques premières parties le temps de composer son premier album, Youth Novels publié en 2008. Chaleureusement accueilli par les critiques, le disque ne trouve plus grâce aux yeux de sa compositrice. « Il est tellement mauvais », confiait-elle récemment dans la presse. Le second opus, Wounded Ryhmes paru trois ans après, est le disque qui la consacre. Les thèmes eux, ne changent pas. Lykke Li expose ses fêlures à travers sa pop gracieuse, explore l’amour perdu et clame même que la tristesse est une bénédiction. Mais cette perfectionniste qui gère tout, des paroles à ses clips vidéos, n’a pas prédit la vague qui fit de son titre I Follow Rivers un tube planétaire.
 

La chanson n’était pourtant pas prédéstinée aux discothèques. La mélancolie du morceau original a été gommée par le DJ belge The Magician, qui en a fait un hymne à la fête. Depuis, plus de 50 millions de vues, une place de choix dans la BO de La vie d’Adèle, et un projecteur soudainement jeté sur une artiste dont la musique demeurait encore confidentielle. « C'est fou, le destin d'I Follow Rivers. J'ai eu tant de mal à écrire les paroles jusqu'à ce qu'elles s'imposent d'elles-mêmes. Les mots sont assez abstraits, tout comme le clip, et pourtant j'ai l'impression qu'elle a été comprise. Il n'y a pas eu de malentendu, elle ne m'a pas échappé. C'est la plus belle chose qui puisse arriver avec le succès », lâchait-elle dans une interview à Télérama en mai.
 

En parallèle de la sortie de son troisième et dernier album, I Never Learn, Lykke Li en profite pour effectuer un détour et arpenter les couloirs de la mode, sa deuxième passion. Elle a imaginé sa première collection de vêtements en collaboration avec & Other Stories, le label le plus branché du groupe H&M. Une ligne de pièces prêt-à-porter, de sacs, de bijoux et de chaussures dont elle a puisé l’inspiration dans ses multiples voyages. Sollicitée par David Lynch, Terrence Malick ou encore U2 (dont son sublime duo avec Bono, The Troubles, est paru sur le dernier album du groupe) Lykke Li ne laisse personne indifférent. Pas même ses admirateurs, qui lors de son concert au Casino de Paris mardi, se surprennent encore à verser une larme sur le déchirant Heart of steel.
 

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