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La 31ème édition de la foire internationale du livre a recueilli généralement un bon score en termes d’appréciation. Le contraste est visible par rapport aux précédentes sessions, marquées par l’inflation croissante de livres d’un autre temps et la transformation de l’enceinte et du périmètre du palais d’exposition du Kram en marché aux puces où les livres de grand classique côtoyaient les opuscules jaunes et les brûlots rétrogrades, où le parfum des œuvres d’érudits se mêlait aux relents des encens et aux effluves des potions magiques, et où les éditeurs croisaient et décroisaient les charlatans et les revendeurs de tapis, de reliques, de chapelets, de fétiches, de fioles douteuses et de divers objets de dévotion.
Manifestement, l’intérêt intellectuel, culturel ou scientifique et la dimension de créativité et d’originalité n’étaient pas les premiers critères de sélection, d’autres considérations moins audacieuses mais certainement plus aliénantes ayant prévalu. Il y avait un côté « karakouz » qui donnait, dans une certaine mesure, et quelques endroits, à la foire internationale du livre un air de « souk El Blat » où on vend de tout et de rien. On dirait que les organisateurs, par complaisance, voire même par complicité, laissaient faire, à la grande satisfaction des acteurs de ce commerce parallèle, indigne d’un tel lieu de connaissance et de culture.
De l’avis général, l’édition 2015 est d’un tout autre millésime, une cuvée bien instructive et plus riche qu’auparavant. Le souci de faire retrouver son lustre à la foire internationale du livre est tangible, même si les préjudices subis aux sessions antérieures restent difficiles à gommer en un temps si court. Mais la bonne volonté de remonter la pente est bien affichée. Le fait qu’en 2014 la foire internationale du livre n’ait pas eu lieu a vraisemblablement donné un autre goût à la présente session et une responsabilité plus grande aux organisateurs, compte tenu des attentes et des doléances, pour relever le défi et redonner à la foire ses lettres de noblesses qu’elle avait perdues ces dernières années. La culture a repris son droit et le pas sur le spectacle affligeant et accablant de naguère.
Les chiffres sont significatifs : 113 168 titres sont proposés, en 3.568.713 exemplaires, par 340 éditeurs. Les manifestations culturelles avoisinent les 130, sans compter les séances de dédicaces et les animations mises en œuvre par les éditeurs dans leurs stands. A titre illustratif, parmi les invités, la présence, entre autres, d’Adonis, poète et critique littéraire syrien et de Nawal El Saadawi, femme de lettres égyptienne, médecin psychiatre et féministe irréductible, a rehaussé l’Edition 2015. Le Maroc en est l’invité d’honneur, alors que la France en a décliné l’offre, préférant mieux préparer sa participation à la prochaine édition en qualité d’invité d’honneur.
Nombreux tunisiens ont déserté la foire internationale du livre, non par brusque désintérêt par rapport au livre ou manque de considération à la notion même de lecture, mais tout simplement parce que la manifestation a cessé, ces dernières années, de nourrir ses friands et ses amateurs de faire valoir sa vocation première. Et si nombreux continuent d’honorer le rendez-vous c’est sous le poids beaucoup plus de l’habitude que de la curiosité intellectuelle et de l’envie de découverte. Cette année, nombre de férus en ont repris le chemin, animés par le désir de renouer et de se réconcilier avec la foire internationale du livre, après une période de divorce plus ou moins longue. En tout cas, la foule des grands jours a répondu présente et l’esprit tunisien avide de connaissance et vouant au livre un respect quasi religieux est de retour, et c’est tant mieux. De bel augure pour les prochaines éditions.
Il y a certes regain d’intérêt et de qualité mais le chemin est encore long pour mettre définitivement la foire internationale du livre sur les bons rails. Il faut capitaliser sur le succès de cette année, quoique tout relatif, pour mieux réussir les prochaines sessions. Trois handicaps en entravent encore la bonne marche : Le niveau souvent inaccessible pour le tunisien moyen des prix pratiqués, l’éloignement géographique du palais d’exposition du Kram et le manque d’espaces de restauration et de repos. Sans compter l’absence d’aires de lecture dans les stands et de services (banque, communication, wifi, …..) Ces aspects, qui rebutent un peu les tunisiens, nécessitent, de toute évidence et de toute urgence, un effort d’imagination et de réorganisation pour que la foire soit mieux attractive et plus populaire, une véritable fête dédiée à la connaissance, à l’érudition et à la culture, non seulement un rendez-vous d’élite ou une manifestation commerciale.
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