L'antisémitisme est motivé par le désir de faire de l'autre un bouc-émissaire, et même s'il était éradiqué, une autre forme de haine prendrait sa place. Voici en substance ce qu'a expliqué le génial réalisateur américain Woody Allen dans une interview publiée cette semaine dans The Guardian.

"C'est dans la nature des gens d'avoir un bouc émissaire", a déclaré le réalisateur, alors qu'il faisait la promotion de son nouveau film "Café Society".

"S'il n'y avait pas de Juifs dans le monde, ils prendraient les noirs. S’il n'y avait pas de Noirs, ils s'en seraient pris aux catholiques. Pas de catholique? Alors autre chose. Si tout le monde était exactement pareil, les gauchers commenceraient à tuer les droitiers. On a juste besoin d'un autre [sur qui] évacuer son hostilité et sa frustration", a-t-il dit.

Agé de 80 ans, Woody Allen a admis que même si, personnellement, il n'a pas remarqué une hausse de l'antisémitisme, ses amis l'ont constaté.

"Espérons que la vague va se calmer et que les gens se rendent compte que ce n'est pas le problème et qu'ils se concentreront davantage sur les vrais problèmes", a-t-il dit. "Mais le monde est plein d'intolérance et de préjugés. Freud a dit qu'il y aura toujours de l'antisémitisme parce que les gens sont nuls. Et ils sont vraiment nuls", a-t-il ajouté

Allen, considéré par de nombreux critiques comme un des meilleurs cinéastes de tous les temps, avait affirmé par le passé que certains antisémites cachent leur mépris à l'égard des Juifs en critiquant Israël.

Dans une interview à la chaîne israélienne Arutz 2 en 2013, Allen avait expliqué qu'il n'était pas plus difficile aujourd'hui d'être un Juif aux Etats-Unis. "Par rapport au faible niveau de tolérance à l'égard des Juifs partout dans le monde, l'Amérique a été un pays très tolérant", avait-il lancé avec ironie.

"Beaucoup de gens déguisent leurs sentiments négatifs envers les Juifs, ils les déguisent en critique anti-israélienne, en critique politique, alors qu'en fait ce que cela signifie vraiment, c'est qu'ils n'aiment pas les Juifs".
Un an plus tôt, Allen s'était confié sur son identité juive au journal Yedioth Ahronoth, affirmant que sa propre signification du judaïsme avait été mise en évidence par les attaques contre sa religion.

"J'ai grandi dans une atmosphère juive et ils m'ont fait faire ma bar-mitsva. Donc, clairement c'est un élément qui restera ancré dans ma vie de façon permanente", avait-il dit.

"Mais je ne crois pas aux religions organisées. La plupart d'entre eux exploitent les gens, et je pense que ces 'clubs' n'ont rien à voir avec Dieu. Aujourd'hui, je me sens juif surtout quand les gens m'attaquent à cause de mon identité juive", avait-il révélé.

Il avait également déclaré son amour pour Israël, tout en avant n'y être jamais allé.

"Je soutiens Israël et je l'ai soutenu depuis le jour où il a été fondé. Les voisins d'Israël l'ont mal traité, cruellement, au lieu de l'embrasser et d'en faire un membre de la famille des nations du Moyen-Orient. Au fil des années, Israël a répondu à ces attaques de diverses manières, dont certaines que j'ai approuvées et d'autres moins. Je comprends que les Israéliens aient traversé des moments difficiles, je ne pense pas qu'Israël réagit parfaitement à chaque fois, mais cela ne change rien au fait que c'est un merveilleux pays", avait-il déclaré.

Interrogé sur la raison pour laquelle il ne s'était pas rendu en Israël, Woody Allen a répondu qu'il était pas un "touriste" et ne se rendait qu'à Paris, Londres et Rome.

"Ma femme est d'origine coréenne et elle essaie depuis des années de me convaincre d'aller en Corée du Sud avec elle, sans succès. Elle est aussi très curieuse au sujet d'Israël, et elle veut y aller avec les filles, afin qu'elles puissent voir et comprendre la culture juive de leur père. Je suppose que nous irons en Israël bientôt", avait-il dit.