La Vie d'Adèle : Abdellatif Kechiche et le Monde

Touwensa (Agences).Mokhtar TRIKI

Abdellatif Kechiche, dont le film La Vie d'Adèle, Palme d'or à Cannes, est actuellement sur les écrans, publie une tribune sur le site Rue 89 intitulée "A ceux qui voulaient détruire La Vie d'Adèle". Selon le cinéaste, parmi ces "destructeurs"figurent ses anciens producteurs, Jean-François Le petit et Marin Karmitz, ainsi que l'actrice Léa Seydoux. Et il y a Le Monde. M. Kechiche accuse le journal d'avoir publié une série d'articles "contenant un grand nombre d'allégations calomnieuses", notamment sur les conditions du tournage du film.

Le Monde conteste fortement ces propos. A chaque fois que notre journal s'est exprimé sur le contenu du film, c'est pour le louanger. Mieux. Rarement un film n'a bénéficié d'autant d'articles enthousiastes. Rappelons-les, puisque le cinéaste n'en dit pas un mot dans son texte fleuve.
 

Le lendemain de la projection officielle à Cannes, Le Monde publie en première page une photographie des actrices Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos avec ce titre : "Le choc émotionnel que Cannes attendait". Puis notre journal consacre une page à cet événement. Le lendemain du palmarès, nous titrons "La Palme du courage". Lors de la sortie en salles, le mercredi 9 octobre, Le Monde va plus loin en consacrant l'éditorial de première page au film – un choix rare – dans lequel nous écrivons : "A l'heure où La Vie d'Adèle va enfin être présenté au public, il est temps de revenir à l'essentiel : la beauté et l'émotion du film, l'incroyable talent de mise en scène dont il témoigne."
 

De tout cela, donc, Kechiche ne dit mot. Ce qui compte uniquement pour lui, ce sont les articles autour du film. Dans ce registre, ce n'est pas Le Monde qui a allumé la mèche, mais des personnes liées à La Vie d'Adèle : des techniciens, les actrices, notamment Léa Seydoux, mais aussi l'auteure de la bande dessinée originelle. A écouter Kechiche, Le Monde n'aurait pas dû évoquer tout cela. Ce n'est pas notre conception du journalisme.
 

Il y a les œuvres, qui font l'objet de critiques. Et il y a la vie du cinéma, qui est un champ d'enquête comme un autre. Nous avons enquêté sur la façon dont le cinéaste travaillait parce que le directeur du Festival de Cannes, un mois avant son début, expliquait que La Vie d'Adèle n'était pas encore terminée. Nous avons enquêté sur les conditions de tournage parce que des techniciens ont réagi.
 

Nous avons fait écho aux déclarations des actrices parce qu'elles se sont exprimées. A chaque fois, contrairement à ce que dit M. Kechiche, nous avons sollicité sa réaction. Il a refusé de répondre.
 

M. Kechiche va plus loin et met en cause Auréliano Tonet, le chef du service culture du Monde, comme s'il était l'instigateur d'une quelconque censure. C'est faux. Et c'est mal connaître l'équipe des journalistes du service culture, qui est constituée de sensibilités diverses, chacun pouvant s'exprimer dans le respect des règles déontologiques. Avec cette diatribe, son auteur éloigne finalement son film de l'essentiel : La Vie d'Adèle est un film magnifique. Ce que nous répétons depuis sa révélation cannoise.
 

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