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Si on la définit comme habit de dessus à manches longues qui s'arrête au niveau des hanches, on ne peut que constater que la veste (qu'elle soit en tweed, en tissu, en jean, en lin, en cuir…) est notre lot vestimentaire commun (quel que soit notre sexe et notre âge) et quotidien (hiver comme été, journée comme soirée). Les mots sont donc bien faits si l'on songe que c'est précisément cette tenue qui s'est emparée, sous le nez et à la barbe des autres habits, du terme générique les désignant tous. « Veste » vient en effet du latin vestis qui signifie « le vêtement », ce qui en fait en quelque sorte le vestibule de notre vestiaire…
La coupe s'inspire du costume persan et apparaît en Occident au tout début du XVIIe siècle. Elle devient rapidement à la mode, si bien qu'en 1666, le monarque anglais Charles II tente de faire de ce costume une coutume, l'officialisant comme uniforme des gens de cour. Mais la veste lui revient bien vite à la figure — autrement dit, il s'en prend une, de veste — quand le roi de France a la machiavélique idée d'en faire la jaquette de la valetaille, ainsi que le raconte, de façon savoureuse, le diariste Samuel Pepys : « En un geste de défi à l'égard du roi d'Angleterre, le roi de France [les deux pays étaient alors en guerre] a ordonné que tous ses valets de pied portent des vestes, et qu'il en aille de même de ceux de la noblesse ; si cela est vrai, c'est la plus grande insulte qu'un prince ait jamais imposée à un autre, et elle appelle irrésistiblement la vengeance (…). Tout cela me réjouit fort, car l'affront est ingénieux. »
Mais capable comme on le sait de tous les revirements (qui n'a jamais « retourné sa veste », ne serait-ce que pour faire apparaître au niveau des poignets les chatoyants tissus qui en composent si souvent les doublures ?), la veste retrouva ses lettres, sinon de noblesse, du moins de bourgeoisie (elle dut pour cela passer par la forme sophistiquée et tirée à quatre épingles du smoking au XIXe siècle), pour finir par connoter aujourd'hui, dans une sorte de synthèse digne de la dialectique hégélienne la plus orthodoxe qui soit, aussi bien un sérieux très compassé (le costume de bureau) que la plus entière décontraction (la veste associée à un jean). Sachant que tout cela ne doit pas faire oublier qu'il faut aussi parfois savoir la tomber…
Sophie Chassat
La barbe ne fait pas le philosophe…
L'expression, devenue proverbiale, est l'équivalent de « l'habit ne fait pas le moine ». Dans une interprétation toute personnelle de l'expression, j'y vois une manière de dire que la philosophie ne se trouve pas forcément là où on le croit souvent, à savoir dans les choses importantes, austères et sérieuses, et qu'elle n'est pas réservée qu'aux mines graves qui se grattent la barbe d'un air inspiré et sévère. Des talons aiguilles, un bâton de rouge à lèvres, l'apparence d'une star, un vêtement à la mode, tout cela peut donner naissance à d'étonnants philosophèmes… !
L'expression est dérivée d'un passage du Traité d'Isis et d'Osiris, de Plutarque (vers 46-125 apr. J.-C.) : « Car ce qui fait les philosophes, ô Cléa, ce n'est ni l'habitude d'entretenir une longue barbe ni le manteau. » On la retrouve chez Aulu-Gelle (vers 130-180 apr. J.-C.) dans Les Nuits attiques : « Hérode Atticus, consulaire célèbre par les charmes de son esprit et par son éloquence dans les lettres grecques, fut un jour accosté en ma présence par un personnage recouvert d'un manteau : cet homme portait une longue chevelure et une barbe qui descendait au-dessous de la ceinture : il lui demanda de l'argent pour acheter du pain. Hérode lui demande qui il est. Celui-ci, d'un air et d'un ton de grandeur, dit qu'il est philosophe, et il s'étonne, ajoute-t-il, qu'on lui fasse cette question, puisqu'on sait bien qui il est. “Je vois, dit Atticus, une barbe et un manteau, mais je ne vois pas encore un philosophe. Dis-moi, sans te fâcher, à quelle marque veux-tu que nous le reconnaissions selon toi ?” »
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