Dans le Pas-de-Calais, un fascinant jardin consacré à la guerre et à la paix

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

En cet été du centenaire de la guerre de 1914-1918, l'incroyable jardin créé sur la terre meurtrie de Séricourt (Pas-de-Calais) par deux paysagistes inspirés, trouve un écho particulier.

«Faites la paix, pas la guerre», auraient pu scander les hippies de 68. «Pourquoi faudrait-il choisir?» répondent Yves et Guillaume Gosse de Gorre. À Séricourt (Pas-de-Calais), entre Arras et Le Touquet, ces deux paysagistes célèbrent les deux forces opposées. En hommage aux soldats de la Der des ders, mais aussi à ceux de tous les conflits qui ont si fortement marqué leur région, le père et le fils ont créé un incroyable «jardin guerrier» qui trouve, en cet été du centenaire de la Grande guerre, un écho particulier.

On y pénètre par des bataillons d'ifs fastigiés que l'on a taillés à différentes hauteurs et qui dressent leurs silhouettes de combattants, sanglés dans un feuillage vert bronze. Ce sont les soldats en terre cuite de l'empereur chinois Qin, retrouvés près de Xi'an en 1974, qui ont inspiré à Yves cette réplique végétale d'une armée en marche. Y répondent les fers de lance blancs ou rouges des lupins de printemps, les traces sanguines des coquelicots d'été et, pour finir, le drapeau blanc des ibéris à l'automne.

 

Bois des ombres


En face, pensif et sombre, se tient le conseil des chefs d'armée, sculptés dans des pieds de thuyas nains globosa, soit une mer de têtes gigantesques casquées ou non, et semblant réfléchir aux conséquences des batailles. Les effets des combats sont aussi stylisés. Ici, la pelouse laisse voir les immenses cicatrices rondes que firent les bombes; là, une volée de processionnaires, sortes de fantômes éplorés fabriqués dans de la tôle ondulée, rouille de chagrin parmi les hémérocalles fauves; plus loin, une allée de l'infini alignant des thuyas colonnaires; plus loin encore, un bois des ombres, groupe de conifères aux troncs blanchis à la chaux où l'esprit des guerriers morts erre sans bruit.
 

La paix survient enfin, après avoir passé les bras d'une croix vivante, topiaire fervente imposée à un tilleul. La cathédrale de roses, avec ses arceaux fleuris où s'entrelacent lianes et grimpantes fait naître dans l'espace, si par bonheur le temps est beau, des vitraux bleus et roses et forme une nef végétale où l'âme s'apaise.
 

Labellisé «Jardin remarquable» par le ministère de la Culture et élu «Jardin de l'année 2012» par l'Association des journalistes du jardin et de l'horticulture (AJJH), ce domaine remarquable, de plus de 4 hectares, se visite tous les jours. Un livre lui a également été consacré, Les Jardins de Séricourt (Ulmer, 96 p., 19,90 €).
 

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