Lu pour vous : Le mur de protection

By www.touwensa.net octobre 17, 2015 347

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Vendredi soir, je me suis couchée dans un nouveau lit, dans un nouvel endroit, à Wépion en Belgique, premier arrêt de ma tournée de stages de cet automne en Europe. Un lit simple, un drap et trois couvertures de laine chaude. Il fait un peu frisquet et humide, « cru » comme on dit. Les murs de la maison sont faits de vieilles pierres.

Couchée sur le dos comme à l’habitude avant de décider de m’endormir, je fais ma méditation, mon retour sur la journée passée, mes prévisions et prières pour le lendemain, avant de sentir de quel côté j’ai envie de me tourner éventuellement.
 

Ce soir-là, mon coeur voulait se tourner vers la gauche, vers le mur. En m’y installant, un sentiment très ancien est alors monté spontanément. Un espace de petite fille est apparu, le temps d’un instant, pour me rappeler mon enfance où, quand je me couchais le soir, je me tournais anxieusement vers le mur.
 

Le mur à côté de mon lit était alors ma seule protection, ma seule consolation, mon seul encouragement, la seule main tendue et bienveillante que j’avais quand j’étais enfant.
 

Une enfance sans tendresse ni soutien
 

La tendresse nous était inconnue, à ma soeur, mon frère et moi. L’amour de notre mère était là mais non témoigné. L’agressivité et la violence étaient notre lot presque quotidien quand le beau-père était présent. Notre mère, gentille et affable, n’avait elle-même jamais reçu de tendresse ni d’amour et ne savait donc pas en donner. Elle se contentait de faire tampon entre le beau-père et nous et prenait régulièrement les coups, autant physiques et psychologiques. Dépressive, il lui arrivait alors de se défouler sur moi, sur nous, si nous dépassions quelque limite qu’elle avait fragiles à l’envahissement.
 

Quand je me couchais, chaque soir, bien emmitouflée sous ma couette en guise de cocon, de tendresse, je me tournais vers le mur pour y trouver un peu de paix, de sérénité, de protection. Je n’avais personne que le mur pour alléger mes peurs et mes peines d’enfant.
 

Quand le mur devient bunker
 

Avec ces années d’enfance, mes réflexes de survie et de protection m’ont amenée à construire non seulement un mur anti-attaques mais aussi, finalement, un bunker où plus personne ni émotion ne pouvait m’atteindre et, donc, l’amour non plus.
 

Ce n’est qu’à 43 ans, après trois ans de célibat et des années de thérapies pour refaire confiance à la vie et tout doucement ouvrir mon coeur, que j’ai senti, pour la première fois de ma vie, et de mes souvenirs, mon coeur recevoir de l’amour et s’imprégner de sa douceur et de sa chaleur.
 

Ce fut le premier amoureux de qui je me suis permise de ressentir l’amour et à qui j’ai osé en donner de tout mon coeur et sans retenue. Sans peur du rejet. Sans peur de l’abandon. Pour la première fois de ma vie de femme, j’ai ressenti ce que voulait dire être au paradis dans les bras de l’homme que j’aimais. Des moments présents de béatitude unique, juste sans temps… (Pourquoi je ne suis plus avec lui ? Parce que j’ai fini par m’ennuyer avec lui, tout simplement).
 

A force de travailler sur mes croyances et mes blessures, j’ai fini par laisser tomber le bunker puis le mur de protection de survie.
 

Le chemin n’est cependant pas terminé. Je ne m’attache toujours pas facilement, pas du tout, et les personnes qui veulent être mes amies, l’amoureux qui voudra être dans ma vie, doivent apprendre à m’apprivoiser et à subir parfois quelques crises d’auto-sabotage – réflexes de rejet pour ne pas être rejetée ensuite – mais je suis quand même pas mal moins sauvage que je ne l’étais !
 

Quand le mur casse
 

Durant tout le week-end qui a suivi cette prise de conscience, j’animais un stage avec neuf belles personnes. Parmi elles, une femme pour qui « tout va bien », qui est heureuse, chanceuse de vivre la belle vie qu’elle a, etc. A se demander pourquoi elle est venue au stage mais je l’avais repérée tout de suite : pour casser son mur dont elle n’avait en fait pas vraiment conscience. Elle pensait venir améliorer autre chose… Son mental fonctionnait à 200 km/h, prêt à toujours tout expliquer sans laisser à son coeur le temps de ressentir quoi que ce soit.
 

Les reflets bienveillants et justes, la tendresse et tout l’amour qu’elle a reçus du groupe durant le week-end ont fini par lui permettre de casser son mur d’enfant. Elle a alors pris un « coup de maturité », comme je lui ai dit alors qu’elle avait l’impression d’avoir pris un « coup de vieux ».
 

Par la guérison de sa blessure d’enfant, elle a pu grandir. Son visage en a été transformé et tout le groupe l’a remarqué. Une sérénité s’était aussi installée en elle. L’amour a enfin pu atteindre son cœur…
 

 

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