Tunisie : comment faire avec un budget "dos au mur" ?

By www.touwensa.net novembre 12, 2015 591

Pris entre les fardeaux de la dette et de la masse salariale, le projet de loi de finances 2016 révèle l'étroitesse de la marge de manoeuvre du gouvernement Essid. Analyse.

“Nous sommes dos au mur”, disait le président de la République fin mars. L'attentat du Bardo venait de porter un premier coup fatal à l'industrie du tourisme. Les 38 morts du Riu Mahraba Hôtel à Sousse, le 26 juin, ont accru ce sentiment d'agir chez les responsables politiques. Le projet de loi est à l'image du propos de Béji Caïd Essebsi : “dos au mur".

Le service de la dette : 1/6e du budget

Un projet de loi de finances, c'est à la fois une ordonnance et un check-up des finances de l'État. On y lit les budgets alloués aux ministères, les prévisions sur lesquelles ce budget sera fondé, les plus et les moins d'un pays durement frappé par la crise économique. Premier constat : le service de la dette représente 1/6e des dépenses de l'État tunisien, soit le premier poste budgétaire devant le ministère de l'Éducation (4,5 milliards). 5,130 milliards de dinars tunisiens sont affectés aux remboursements, en hausse de 6 % par rapport à 2015. Les intérêts représentent 1,8 milliard. Ce sont eux qui font flamber l'enveloppe, en hausse de 9 % là où le remboursement principal est en baisse de 4 %. Certains, dont l'Utica, préviennent qu'en 2017 ce seront huit milliards qu'il faudra virer aux créanciers.

Les salaires : 13 milliards de dinars…

Christine Lagarde, la directrice-générale du FMI, avait souligné que la masse salariale de la fonction publique pesait pour plus de 13 % du PNB. Cela se traduit par un chiffre de 18,6 milliards sur un budget de 29 milliards. Avec les augmentations actées et les nouveaux recrutements (15 915 nouveaux employés), cela s'envole de 12 %.

La sécurité, priorité des priorités

Les ministères de l'Intérieur et de la Défense représentent à eux deux près de cinq milliards. Le 7, avenue Bourguiba, siège du MI, bénéficie d'un accroissement de 11 % de ses moyens. La défense, avec 2 milliards, obtient une augmentation de 17 %. La situation sécuritaire intérieure et extérieure (Libye, frontières algériennes) l'exige. Cercle vicieux, ce qui est accordé à l'appareil sécuritaire ne peut que léser d'autres postes prioritaires. Gouverner, c'est trancher. Pour la Tunisie, les marges de manœuvre sont macroscopiques.

 

Un budget construit sur un taux de croissance optimiste

Les hauts fonctionnaires du ministère des Finances ont tablé sur une élévation de 2,5 % de la croissance en 2016. En 2015, il devrait terminer aux alentours de 0,5 %. Et rien ne laisse espérer une embellie pour 2016.
 
Réformes : il est urgent de ne plus attendre

La Tunisie, depuis la chute de la dictature Ben Ali, a connu de profondes réformes. Nouvelle Constitution, nouveau régime politique (parlementaire), création d'instances indépendantes… La boîte à outils institutionnels n'est pas encore complète. Pas de Cour constitutionnelle, notamment. Sur le plan économique, de grandes lois (décentralisation) sont en stand-by, attendant un regain d'intérêt de la part des pouvoirs exécutif et législatif. Le contexte politique se caractérise par un chaos baroque : le parti au pouvoir, Nidaa Tounes, se divise. Un tiers de ses députés a quitté le bloc parlementaire. Et l'heure des règlements de comptes a sonné. Deux députés démissionnaires du groupe à l'ARP se sont vu retirer leurs présidences de commission par le clan majoritaire, 54 députés. La realpolitik prime sur la situation catastrophique de l'économie nationale. Slim Chaker, ministre des Finances, a envoyé “un message à la communauté internationale qui est un message d'abattement”. Et d'avertir, faute de soutiens financiers accrus, que “la Tunisie vit des temps difficiles” et que “la tempête risque de se transformer en ouragan”.

 

 

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Dernière modification le jeudi, 12 novembre 2015 10:54