Tunisie - Budget 2014 : Les réserves du gouverneur de la BCT

A sa manière, le gouverneur de la Banque centrale de Tunisie tacle le budget 2014, qu’il trouve “orphelin d’une vision de long terme“. Est-ce une manière “pédagogique“ pour désavouer les déficits? Pâle signe d’indépendance!.

Les observations de Chedly Ayari, gouverneur de la BCT, professeur émérite, seraient-elles à lire au second degré? Après tout, la pédagogie a ses codes et ses rites.

Le projet de budget 2014 est regardé comme une preuve de la résilience de l’économie tunisienne. Voilà un satisfecit, pour un gouvernement démissionnaire, qui ne connaît pas encore son remplaçant et qui ne s’est pas démobilisé pour autant. Il s’est attelé à la besogne allant jusqu’au bout de sa mission.

Mais le budget ne semble pas avoir les faveurs du gouverneur. Et, d’ailleurs, il le démonte avec un certain savoir-faire, sans le dire, mais en pointant ses insuffisances méthodologiques.

Dans quelle mesure Chedly Ayari cherche-t-il à se démarquer du gouvernement?

Le “turn over“ gouvernemental vertigineux depuis la révolution

Il faut, cependant, rappeler que ce n’est pas la première fois qu’un budget est réalisé par un gouvernement qui passe la main. Le “turn over“ gouvernemental est élevé, dans notre pays après la révolution. Cinq gouvernements en deux ans et demi, c’est un record. Et le budget a transité par quelques épisodes abracadabrants.

C’est Ridha Chalghoum qui a préparé le budget 2011 que le gouvernement Ghanouchi, post-révolution, a gardé. Le gouvernement de BCE a bien refilé le budget 2012 au gouvernement Jebali que ce dernier a prolongé par une loi de finances complémentaire.

Et c’est Slim Besbès qui a finalisé le budget 2013 qu’Elyes Fakhfakh a juste présenté à l’ANC. C’est le jeu des chaises musicales, mais ce n’est pas le plus déstabilisant.

Chedly Ayari déplore que le budget soit préparé avec une carence d’une tout autre nature.

L’image des poupées gigognes

Le pays navigue le nez sur l’événement, car ne possédant pas de référentiel de planification. Le budget n’est pas un état financier, banal. C’est une feuille de route annuelle, qui s’appuie sur des repères économiques contenus dans un plan quinquennal, lui-même dérivé d’un plan de dix ans, à son tour issu de la vision stratégique convenue par l’Etat.

Ces éléments s’emboîtent comme les poupées russes, précise le gouverneur. Tout le temps que la série n’est pas au grand complet, le budget resterait déboussolé. Il serait dépourvu des grands verrous comme les plafonds de déficit, et de l’endettement. Et cela laisse les mains libres au gouvernement, sans compter que c’est la porte ouverte à tous les écarts.

Les omissions du gouverneur…

La cohérence de la gestion macroéconomique repose, selon Chedly Ayari, sur quatre principes. Le premier serait de lutter contre la progression folle du budget. Le second est que le budget doit faire la part belle à l’entreprise. Le troisième est que le budget doit œuvrer au bien-être du citoyen. Le quatrième est la transparence.

Le gouverneur appelle le gouvernement à plus de parcimonie mais ne dit rien sur le risque de défaut du pays et sur l’emballement de la dette extérieure. Il souhaite que l’entreprise soit au cœur des préoccupations de la politique économique et ne dit rien de l’explosion de l’informel qui la menace dans son existence.

Il voudrait que le bien-être se réalise au concret mais il tait la faiblesse surprenante de l’investissement public, principalement dans les régions.

Dans le numéro 584 de notre confrère l’Economiste maghrébin, Chedly Ayari, quelques temps à peine après sa nomination, disait que “les Banques centrales du XXIème siècle sont appelées à résoudre des crises. Elles sont devenues des partenaires pour la résolution des crises, de l’emploi, du chômage et de la croissance“. Encore faut-il que le gouverneur joigne l’acte à la parole.

 

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