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Touwensa.(Agences) Mokhtar TRIKI
Près de 70 ans après les faits, un Allemand de 88 ans a été inculpé pour avoir participé au massacre d'Oradour-sur-Glane, le pire commis en France par l'armée nazie pendant la Seconde Guerre mondiale, a annoncé mercredi la justice allemande.
L'organisation d'un procès reste toutefois suspendue à la décision du tribunal de Cologne (ouest), qui a laissé jusqu'à fin mars à l'accusé pour s'y opposer.
Cette procédure va prendre "plusieurs semaines", a expliqué à l'AFP Andreas Brendel, procureur général de l'Office centrale chargé d'enquêter sur les crimes nazis, qui dépend du parquet de Dortmund (ouest) où la décision d'inculpation a été prise.
Le retraité, âgé de 19 ans au moment des faits, est accusé du "meurtre collectif de 25 personnes" et de "complicité dans le meurtre de plusieurs centaines d'autres", a annoncé le tribunal de Cologne dans un communiqué.
Face aux enquêteurs, l'homme a reconnu avoir été membre du régiment Der Führer de la division blindée SS Das Reich qui a exécuté méthodiquement 642 civils à Oradour-sur-Glane, un village du centre de la France, le 10 juin 1944.
"Il a également reconnu s'être trouvé sur les lieux au moment des faits, mais il a nié avoir participé au massacre", a précisé M. Brendel.
D'après l'acte d'accusation, résumé dans le communiqué du tribunal de Cologne, "tous les habitants du village avaient été rassemblés sur la place du marché et les hommes avaient été séparés des femmes et des enfants".
"Les hommes avaient ensuite été divisés en quatre groupes (...) et emmenés par des pelotons d'exécution dans quatre granges pour y être tués", poursuit le communiqué.
L'octogénaire est plus précisément accusé d'avoir abattu à la mitrailleuse, avec un autre membre du régiment, 25 hommes dans une des granges. Des survivants avaient été achevés au pistolet ou tués dans l'incendie de la grange, allumé par les soldats allemands.
"L'accusé se serait ensuite rendu à l'église" d'Oradour-sur-Glane où "254 femmes et 207 enfants" ont été massacrés "à l'aide d'explosifs, d'armes automatiques et de grenades", avant que l'édifice ne soit brûlé, provoquant la mort des derniers survivants, a rappelé le tribunal.
L'accusé aurait "assuré une garde à proximité de l'église" et il y aurait peut-être même transporté du combustible, estime le tribunal pour soutenir l'accusation de complicité de meurtre.
Cinq autres personnes soupçonnées d'avoir pris part au massacre d'Oradour sont dans le viseur de l'Office central d'enquête sur les crimes nazis, 70 ans après les faits. Mais aucune autre inculpation n'est pour le moment prévue, a assuré à l'AFP M. Brendel.
"Cela pourrait encore prendre quelques mois", a-t-il ajouté.
Justice tardive
La nouvelle de l'inculpation d'un suspect a "surpris" Robert Hébras, 88 ans, un des derniers survivants du massacre.
"Est-ce qu'il y aura un procès ensuite ? C'est la question que je me pose", a-t-il ajouté avec prudence.
Egalement joint par l'AFP, le président de l'Association nationale des familles des martyrs d'Oradour, Claude Milord, a favorablement accueilli cette inculpation.
"Ca ne ramènera pas ceux qui sont partis, mais (...) que la justice passe", à quelques mois du 70e anniversaire du massacre, "c'est bien pour honorer les victimes", a-t-il considéré.
Plusieurs enquêtes réalisées en Allemagne de l'Ouest sur le massacre avaient été classées faute de preuves, dans le passé. Mais la découverte par un historien d'un document de la Stasi (les services secrets de l'ex-RDA) sur ces faits avait convaincu M. Brendel d'entamer de nouvelles investigations en 2010.
Il y avait déjà eu le procès en France, en 1953, de 21 soldats pour leur participation présumée au massacre, dont une majorité de Français d'Alsace enrôlés de force dans l'armée allemande. Le tribunal militaire de Bordeaux avait prononcé des condamnations à mort et des peines de travaux forcés. Mais les Français furent amnistiés au nom de la réconciliation nationale et les autres bénéficièrent d'aménagements de leur peine, malgré l'indignation des familles de victimes.
Début septembre, Joachim Gauck avait été le premier président allemand à se rendre à Oradour-sur-Glane, avec son homologue français François Hollande.
M. Gauck avait insisté sur la nécessité que la justice poursuive son travail pour traduire devant les tribunaux les responsables des crimes nazis à Oradour et ailleurs.
Ce cas de justice tardive illustre la difficulté qu'a eue l'Allemagne, pendant les décennies d'après-guerre, à se confronter aux crimes du nazisme.
Plusieurs procédures judiciaires ont été ouvertes ces derniers mois en Allemagne pour tenter de juger les derniers criminels nazis présumés encore vivants.
Signe de la difficulté de cette tâche, si longtemps après les faits, le tribunal de Hagen, non loin de Cologne, a prononcé mercredi un non-lieu faute de preuves, dans le procès d'un ancien SS de 92 ans, Siert Bruins, accusé de l'assassinat d'un résistant néerlandais aux Pays-Bas en septembre 1944.
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