Déraillement de Brétigny en 2013: un état de délabrement jamais vu

Touwensa (Agences) Mokhtar TRIKI

Les experts désignés par la justice pour déterminer les causes de la catastrophe ferroviaire du 12 juillet 2013 à Brétigny-sur-Orge (Essonne) dénoncent "un état de délabrement jamais vu" du réseau, a rapporté dimanche soir le Figaro.fr.

Alors que le procureur d'Evry doit faire lundi une déclaration à la presse à ce sujet, les conclusions des experts Michel Dubernard et Pierre Henquenet, citées par le Figaro, soulignent que "nous ne sommes pas en présence d'un acte de malveillance, et que le processus ayant abouti à la désagrégation complète de l'assemblage s'est bien au contraire étalé sur plusieurs mois et a concerné l'ensemble de l'appareil de voie incriminé, sur lequel ont été relevées plus de 200 anomalies de divers degrés de criticités".
 

Selon ces experts mandatés par les juges d'instruction, "la plupart de ces anomalies étaient connues de la SNCF ou de ses agents sans pour autant" qu'il y soit remédié "de façon adéquate".
Le rapport précise que "l'armement a péri par fatigue, vibrations, battement, défauts de serrage, usure, etc. Tous dommages relevant de la qualité de la maintenance" et que l'état du réseau à Brétigny "aurait logiquement dû conduire la SNCF à une surveillance accrue, et surtout adaptée".

 

En raison de l'état du réseau, les experts jugent "souhaitable de limiter à 100 km/heure la vitesse des trains à l'approche de la gare de Brétigny", et conseille à la SNCF de faire vérifier chaque année les liaisons éclissées (les éclisses sont des sortes d'agrafes métalliques qui servent par paire à raccorder deux rails consécutifs, ndlr), qui ne sont actuellement contrôlées que tous les trois ans.
 

Mettant en cause la formation des agents de maintenance, ils soulignent que "le personnel SNCF chargé de la mise en ?uvre de la maintenance des voies et appareils devrait être choisi, tout d'abord selon des critères de solide formation à la construction mécanique et de surcroît avoir reçu une formation spécialisée approfondie".
 

De même, ils jugent que "les prescriptions de maintenance de la SNCF, complexes, parfois difficiles à interpréter ou à appliquer par des hommes de terrain, n'ont pas été parfaitement respectées (?). Ceci a conduit à une insuffisance de prise en compte et de traitement des anomalies rencontrées".
 

Enfin, les experts qui ont procédé à des tournées d'inspection de voies le 28 janvier dernier alertent sur l'état du réseau en gare de Noisy-le-Sec (Seine-Saint-Denis), qu'ils jugent inquiétant.
 

Dans un communiqué commun publié dimanche soir, la SNCF et RFF (Réseau ferré de France) "contestent formellement tout +état de délabrement du réseau à Brétigny comme ailleurs". Selon eux, "la plus grande prudence s?impose" dans l'interprétation des extraits parus "par voie de presse".
 

"Le réseau ferroviaire français fait l?objet d?une maintenance de très haut niveau et d?une surveillance constante qui exclut l?expression outrancière +d?état de délabrement jamais vu+", écrivent les deux sociétés, qui rappellent que "toutes les expertises feront l?objet d?un débat contradictoire dans le cadre du débat judiciaire".
 

Les deux présidents de RFF et SNCF vont par ailleurs s'exprimer devant la presse lundi à 17h.
 

Peu après l'accident, qui avait fait sept morts et des dizaines de blessés en gare de Brétigny, une information judiciaire avait été ouverte pour homicides et blessures involontaires et l'enquête confiée à trois juges d'instruction.
 

D'autres enquêtes ont été menées parallèlement à l'enquête judiciaire: une interne conduite par la SNCF et le gestionnaire d'infrastructure Réseau ferré de France (RFF) et une technique du Bureau d'enquête sur les accidents de transport terrestre (BEA-TT), dont un rapport d'étape avait été publié en janvier.
 

Ce dernier mettait déjà en cause les règles de maintenance en vigueur à la SNCF et rappelait qu'une éclisse à quatre boulons avait fini par ne tenir que par un boulon et avait pivoté, provoquant le déraillement du train.
 

Les conclusions des experts judiciaires sont rendues publiques à quelques jours du premier anniversaire de la catastrophe, pour lequel une cérémonie commémorative est prévue samedi à Brétigny.
 

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