touwensa.com هي بوابة إخبارية على الإنترنت ومصدر دائم للمحتوى التقني والرقمي لجمهورها المؤثر في جميع أنحاء العالم. يمكنك الوصول إلينا عبر البريد الإلكتروني أو الهاتف.
editor@touwensa.com
Un président d’origine tunisienne, fils d’épicier mais polytechnicien, et surtout, islamiste bon teint se fait élire en 2022, dans une France au bord de la guerre civile. Telle est la trame du dernier roman intitulé «Soumission», publié par une star de la littérature française, Michel Houellebecq.
La polygamie devient au goût du jour, avec le mariage de préadolescentes, assorti de l’éviction des femmes du monde du travail, et une conversion massive des Français de «souche» à l’Islam. Une vision aussi apocalyptique que caricaturale, que l’auteur décrit pourtant comme étant «réaliste», et saluée par l’académicien Alain Finkielkraut qui considère ce scénario «possible dans l’avenir».
A ce stade, l’origine de Mohamed Ben Abbes, le président franco-tunisien, devient un détail. Sauf que le détail en question est révélateur de la perception qu’ont certains cercles français de l’Islam, et en filigrane, de la Tunisie. Car Houellebecq n’est pas vraiment le premier scribouillard venu. Il s’agit de l’un des écrivains français les plus célèbres dans le monde, traduit dans plus de 40 langues, sujet de nombreuses thèses de doctorat, et prix Goncourt 2010 de surcroît. Or jamais un roman grand public aussi islamophobe n’a été jusqu’ici publié en France. Même si des essayistes comme Eric Zemmour ont déjà laissé apparaître l’étendue de leur haine, en évoquant ouvertement la «déportation de 5 millions de Musulmans français» comme une solution d’évitement du «chaos et de la guerre civile». Houellebecq n’a donc fait que creuser un sillon préexistant. Bénéficiant des retombées médiatiques et du buzz accompagnant désormais dans l’Hexagone toute manifestation d’islamophobie.
Mais en quoi un roman, et donc une fiction, publiée dans un pays étranger, devrait-elle nous toucher, nous, Tunisiens ? Pourquoi nos concitoyens pourraient se sentir insultés ? D’abord parce que nous sommes nombreux à lire le français. Héritage colonial ou butin de guerre, c’est selon. Même si cette langue est de moins en moins usitée dans nos contrées, elle demeure encore (pour combien de temps ?) un outil de communication privilégié par nos élites.
Et si l’élection d’un président français d’origine tunisienne peut paraître aussi invraisemblable (le phénomène Obama n’ayant pas encore traversé l’Atlantique), de ce côté-ci de la Méditerranée, l’influence française même au plus haut niveau, et le métissage ne sont pas considérés comme rédhibitoires. Ainsi, Habib Bourguiba, qui se plaisait à déclamer du Lamartine, a-t-il épousé une française. L’ex-président de la République Moncef Marzouki qui se targue même de maîtriser l’alsacien se mariera également avec une française, tout comme Mustapha Ben Jaâfer, l’ancien président de l’Assemblée Constituante. Sans même parler de la ribambelle de ministres et de députés à la double nationalité.
Nolens volens, la France reste notre premier partenaire commercial, et près de 700 000 tunisiens y vivent. Vu sous cet angle, c’est aussi à nous que le diable peint sur la muraille par Houellebecq fait la grimace. Sauf que dans la patrie de Zola, on se plaît aujourd’hui d’accuser une partie de sa propre population, sans que de nouveaux dreyfusards ne donnent assez fort de la voix pour être entendus.
Ironie du sort, la posture de Michel Houellebecq ne dérangera pas outre mesure des intellectuels tunisiens exhalant le camembert, poussant le mimétisme jusqu’à reproduire les impostures racistes et islamophobes à la mode parisienne. Sauf qu’entretemps, c’est une certaine idée de la France qui fout le camp.
Error: No articles to display