Turquie : Erdogan va inaugurer un pont spectaculaire à Istanbul

By Rédaction en ligne août 25, 2016 604

L'ouvrage, conçu par le Français Michel Virlogeux, et dont le coût est de 800 millions d'euros, est le troisième pont bâti sur le Bosphore.

Source AFP

Un troisième pont sur le Bosphore va être inauguré par le président turc Recep Tayyip Erdogan. Le chef de l'État aurait probablement préféré une actualité plus souriante pour l'inauguration de l'ouvrage, un des ponts suspendus les plus longs du monde, moins d'une semaine après un attentat qui a fait 54 morts dans le sud-est et un mois et demi après un putsch raté qui n'en finit pas de secouer le pays. « Ce pont met la Turquie au premier plan mondial, c'est le plus spectaculaire construit ces dernières années », a déclaré son concepteur, le Français Michel Virlogeux, qui a entre autres conçu le Viaduc de Millau (sud de la France) et le Pont de Normandie (Ouest).

Le troisième pont sur le Bosphore a une structure hybride – il est à la fois suspendu et haubané – « très originale » puisqu'aucun pont de ce genre n'a été construit dans le monde depuis le XIXe siècle et le célèbre pont de Brooklyn. Ce pont jeté entre les rives européenne et asiatique du Bosphore et construit par une joint-venture sud-coréenne (Hyundai et SK) a la plus grande portée du monde, avec 1 408 mètres entre deux pylônes. L'ouvrage, qui comporte deux fois quatre voies pour la circulation et deux voies ferrées, possède aussi un tablier très large : 58,50 mètres. L'option d'un ouvrage hybride près de l'embouchure de la mer Noire a été choisie en raison de la géométrie du site, des voies ferrées et d'un souci « d'élégance architecturale », explique Michel Virlogeux au sujet de l'ouvrage qu'il a conçu avec l'ingénieur suisse Jean-François Klein. « Le gouvernement turc avait demandé une grande qualité architecturale » et nous avons voulu « que la chaussée autoroutière et le train soient au même niveau », quand généralement les trains sont en dessous et la chaussée au-dessus.

 


900 millions de dollars

La géologie du site, avec un Bosphore aux rives abruptes, comme un ravin, a rajouté au formidable défi technique et une partie des haubans ont dû être ancrés directement dans le sol. Avec une hauteur de 323 mètres, les pylônes du plus long pont ferroviaire du monde sont moins hauts que ceux du viaduc de Millau mais rivalisent avec la tour Eiffel (324 mètres). D'un coût total de près de 900 millions de dollars (798 millions d'euros), le troisième pont du Bosphore est une pièce maîtresse d'un mégaprojet autoroutier de 150 kilomètres Anatolie-Europe censé décongestionner Istanbul, métropole de 18 millions d'habitants qui suffoque. « Le pont va soulager le trafic [à Istanbul] de 30 % et alléger la pression sur les deux autres ponts » du Bosphore, affirme le ministre des Transports Ahmet Arslan. Mais les détracteurs de ces projets estiment que cela ne fera qu'étendre la métropole tentaculaire vers la mer Noire. Ils soulignent qu'aucune enquête d'impact environnemental n'a été réalisée pour ce pont, dont les autoroutes d'accès vont traverser la forêt de Belgrade, « poumon vert » d'Istanbul. « Il a y des forêts historiques, cela nous fait beaucoup de peine, mais il n'y a pas d'autres choix que cette construction. Il y a beaucoup trop de voitures », explique Cezahir Dogan, directeur de la rédaction de Radio Trafik.
 


Le nom fait polémique

Comme pour ses autres « projets fous » censés redonner à Istanbul le lustre que cette ville dont il a été le maire eut sous l'Empire ottoman, Erdogan a voulu qu'on aille vite. Très vite. « Je ne connais aucun exemple d'ouvrage conçu et construit en trois ans et demi », souligne Michel Virlogeux. « Il y a eu à la fois une volonté politique du gouvernement turc et une extraordinaire mobilisation des entreprises. » Le nom du pont, Sultan Yavuz Selim, a fait polémique en Turquie. Le sultan Selim Ier a persécuté la minorité chiite alévie, qui a ressenti ce choix comme une provocation. « Sans alimenter la polémique, j'aurais préféré qu'on lui donne le nom de Sinan, un des plus grands architectes de tous les temps », confie Michel Virlogeux à propos de ce génie ottoman à qui la Turquie doit notamment la mosquée stambouliote de Süleymaniye. Parmi les projets titanesques de plus de 40 milliards de dollars du président Erdogan figurent un troisième aéroport géant à Istanbul et un canal de la mer Noire à la mer de Marmara, parallèle au Bosphore, lui aussi très engorgé par le trafic.

 

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