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Dans la soirée du samedi 31 janvier, suite à l’élimination des Aigles de Carthage en quart de finale de la Coupe d’Afrique des Nations de Football face à la Guinée Equatoriale, des Tunisiens se sont acharnés sur le président de la CAF, Issa Hayatou et l’arbitre mauricien de la rencontre, Rajindraparsad Seechurn en publiant des commentaires racistes sur la toile en insultant les « Africains » et les « Noirs ». Des cas d’agressions physiques contre des personnes, à cause de leur couleur et/ou origine se sont multipliés aussi.
L’Association des Etudiants et Stagiaires Africains en Tunisie (AESAT) a réagit à cela lors d’un point de presse à la Maison du Droit et des migrations, le 2 Février 201, pour déplorer une dizaine de cas d’agressions contre des sub-sahariens survenus notamment à Borj Louzir, Ennasr, Laouina et Sfax.
Des agressions physiques ont donné lieu dans au moins un cas à une plainte, mais les agressions verbales ont été plus nombreuses, surtout sur les réseaux sociaux.
Parmi les commentaires racistes, une carte choquante a été partagée par un certain nombre d’internautes, montrant le continent africain divisé entre un nord en blanc et un sud en noir avec une grande inscription « EBOLA ».
L’AESAT a mené une enquête minutieuse avec les victimes et a relevé des cas d’agressions physiques mais aussi des cas où des Tunisiens se sont interposés pour dissuader les agresseurs.
« Un taximan s’est arrêté pour nous menacer et c’est un monsieur âgé qui est intervenu » témoigne un étudiant ivoirien. « Mais les taximen ne sont pas toujours pareils et les deux filles de Ennasr doivent leur salut à un chauffeur de taxi qui les éloigne du lieu de la menace ». A Borj Louziz, un subsharien a été agressé et dépouillé de ses affaires, à l’Ariana, un camerounais molesté dans une station de métro ; à Laouina: un Guinéen et un camerounais agressés à la sortie d’un café. A Sfax aussi, cinq Tchadiens ont été attaqués par des Tunisiens dans un café mais ils ont été secourus par les habitués du café et son personnel.
Ces cas dénotent d’une situation radicalement nouvelle en Tunisie et qu’il faut relever : les préjugés raciaux qu’on espérait voir s’estomper avec l’éducation, la culture et un niveau plus élevé de développement intellectuel et de civilisation aboutissent au contraire et pour la première fois à des agressions physiques nombreuses.
Le cas est important et devrait être souligné pour faire ressortir le changement de nature dans l’expression du racisme qui n’est plus honteux et discret mais qui s’affiche publiquement par la violence. Cette transformation se passe sous nos yeux sans trouver des réactions à la mesure du phénomène.
Les autorités laissent gérer le dossier par les autorités sportives et on a entendu par exemple M. Tahat Khattech de la fédération qui parle à la radio, le 4 février, de la nécessité de « mobiliser nos amis » qui sont les Marocains, les Algériens et les Egyptiens. Que veut-il dire ? S’inscrire dans un antagonisme nord du Sahara/sud du Sahara et agir en conséquence ? Décidément le sport est trop important pour le laisser gérer par les seules autorités sportives et l’Etat devrait intervenir pour apaiser et donner confiance à la communauté sub-saharienne qui est devenue composante incontournable des habitants de ce pays et qui ont leurs intérêts à sauvegarder.
Il faut souligner que de nombreuses voix se sont élevées pour dénoncer les agressions et exprimer soutien et sympathie envers les victimes (certains partis et certaines associations et des particuliers nombreux) mais il est curieux de noter que ces manifestations de soutien se sont toutes exprimées par le biais d’une logique d’identité : « le continent noir est un continent musulman et les Africains sont tous musulmans» ou « nous sommes Africains comme les sub-sahariens » Qu’est-ce à dire ? Que nous dénonçons le racisme à la condition que notre identité nous le permet et nous y incite ? Seulement ? J’aimerais rappeler une anecdote rapportée par le grand voyageur britannique Wilfred Thesiger dans son livre « le désert des déserts » pour comprendre l’ampleur de la vertu d’hospitalité qui dépasse dans son exercice les limites de la race ou de la culture ou de l’identité. Il était la nuit avec un Cheik de tribu et soudain ils entendent au loin un loup hurler. Le cheik ordonne à ses fils de lâcher une chèvre « pour qu’aucun arabe ne puisse dire que quelqu’un est venu et que je ne lui ai rien donné ».
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